IN THE LOOPTELECOM

SFR, reprise sous haute tension, Bouygues, Iliad, Orange officiellement en lice

📩 Pour nous contacter: redaction@frenchweb.fr

Croulant sous une dette dépassant les 23 milliards d’euros Altice cherche à céder une grande partie de ses activités pour éviter l’asphyxie, et SFR vacille. C’est officiel, Bouygues Telecom, Free (Groupe iliad) et Orange qui étaient en embuscade, ont déposé une offre conjointe non engageante de 17 milliards d’euros pour reprendre la majorité des activités télécoms de l’opérateur au carré rouge. Une alliance inédite entre trois concurrents historiques plus enclin à se battre les uns contre les autres, et qui marque un tournant pour le marché français des télécoms.

Derrière ce front commun se joue une opération de stabilisation nationale. L’offre, valorisant l’ensemble d’Altice France à plus de 21 milliards d’euros, couvre la quasi-totalité des activités de SFR, à l’exception des participations dans Intelcia, UltraEdge, XP Fibre, Altice Technical Services et des opérations outre-mer. Bouygues, Iliad et Orange se partageraient le périmètre selon une répartition millimétrée, ainsi Bouygues Telecom récupérerait principalement les activités B2B et le réseau mobile des zones non denses, quand Iliad et Orange se répartiraient le B2C, les infrastructures et les fréquences. Une société commune assurerait la gestion transitoire, le temps d’intégrer les actifs et assurer la migration des abonnés.

L’objectif affiché est d’assurer la continuité du service, de renforcer la résilience des réseaux très haut débit et de préserver la souveraineté sur des infrastructures jugées critiques pour le pays. Cette rationalisation industrielle, soutenue par Bercy, viserait aussi à garantir que le désendettement d’Altice ne se traduise pas par une perte de contrôle stratégique. Mais le chantier social s’annonce pour sa part considérable.

Selon les estimations syndicales, plus de 10 000 emplois pourraient être menacés à court ou moyen terme. L’entreprise a déjà vu ses effectifs passer de 15 000 à 8 000 salariés depuis 2014, date de son rachat par Patrick Drahi. Les organisations représentatives redoutent une multiplication des doublons, en particulier chez les techniciens, les ingénieurs et le personnel commercial. Les structures internes de SFR étant proches de celles de Bouygues et d’Orange, la fusion partielle risquerait d’engendrer une rationalisation massive. Les syndicats avaient d’ailleurs saisi cet été le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, et la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, pour alerter sur les conséquences d’une « vente à la découpe ».

Face à l’offre tricolore, d’autres prétendants se tiennent également prêts. Des fonds d’investissement anglo-saxons tels que KKR, Blackstone et GIP, les français Ardian et InfraVia, mais aussi des opérateurs d’infrastructures comme EuroFiber et Altitude, ou encore des acteurs étrangers comme STC (Arabie saoudite) et Etisalat (Émirats arabes unis), ont manifesté leur intérêt. Cette diversité de profils montre qu’il ne s’agit plus seulement d’une cession industrielle, mais d’une bataille de souveraineté autour d’un réseau vital pour l’économie française.

Si une reprise par le trio français permettrait de garder la main sur les infrastructures critiques, cela serait au prix d’un choc social majeur. À l’inverse, une vente à un acteur étranger offrirait un répit sur le plan de l’emploi, tout en ouvrant un débat sensible sur le contrôle des réseaux et des données.

Au-delà du cas SFR, c’est toute l’architecture concurrentielle des télécoms français qui se joue. Le modèle à quatre opérateurs, né de l’arrivée de Free en 2012, montre aujourd’hui ses limites dans un marché saturé, où les marges s’érodent et les investissements explosent. L’alliance ponctuelle entre Bouygues, Iliad et Orange, si elle se concrétise, marquerait la fin d’une décennie de guerre des prix au profit d’une consolidation sous contrainte.

Ce dossier, que certains à Bercy qualifient déjà d’“affaire d’État”, met à l’épreuve la capacité du pays à concilier souveraineté économique, stabilité industrielle et cohésion sociale. Une équation à haut risque, où chaque variable, capital, emploi, concurrence, semble désormais interdépendante. Pour SFR, l’heure n’est plus à la guerre des forfaits mais à sa survie.

Suivez nous:
Bouton retour en haut de la page