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Philippe Aghion, l’économiste qui a fait de la destruction créatrice une politique d’avenir

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Philippe Aghion incarne une rare continuité intellectuelle entre théorie et action publique, post-schumpétérien convaincu, il a bâti une œuvre rigoureuse autour d’une idée simple : la croissance durable naît de l’innovation, mais l’innovation ne prospère que dans un cadre institutionnel équilibré, où la concurrence stimule la recherche sans étouffer la prise de risque.

Né en 1956 à Paris dans une famille d’intellectuels et d’artistes, son père Raymond, galeriste engagé à gauche, et sa mère Gaby, fondatrice de la maison Chloé, Philippe Aghion a très tôt conjugué mathématiques et économie. Ancien élève de l’ENS de Cachan, puis docteur en économie à Harvard, il devient l’un des artisans de la théorie de la croissance endogène aux côtés de Peter Howitt, avec qui il formalise en 1992 la « destruction créatrice » comme moteur du progrès économique.

De Harvard au Collège de France, où il occupe depuis 2015 la chaire « Économie des institutions, de l’innovation et de la croissance », Philippe Aghion a continuellement cherché à comprendre comment la puissance publique peut concilier dynamisme économique et cohésion sociale. Ses travaux ont inspiré plusieurs rapports gouvernementaux, de la Commission Attali à la Commission pour la libération de la croissance française, et influencé des générations d’économistes et de décideurs.

Une pensée au service de la stratégie française en intelligence artificielle

En 2023, le gouvernement lui confie, aux côtés d’Anne Bouverot, la co-présidence du Comité de l’intelligence artificielle générative. Pendant six mois, Philippe Aghion transpose au champ technologique les principes de sa théorie de la croissance où l’innovation doit être encouragée par la concurrence, soutenue par l’investissement public et protégée par une régulation adaptée.

Le rapport remis en mars 2024 défend une stratégie d’IA souveraine et structurée avec un fonds « France & IA » de 10 milliards d’euros, des investissements massifs dans la recherche, la formation et les capacités de calcul, et une politique industrielle fondée sur la compétitivité plutôt que sur la dépendance. Le texte plaide pour une approche schumpétérienne de l’intelligence artificielle : créer, détruire, recommencer.

Ce document, salué par les acteurs académiques et industriels, reste pourtant sans suite politique directe. Pour Philippe Aghion, l’erreur serait de réduire l’IA à un sujet diplomatique ou événementiel et de rappeler qu’elle est, avant tout, un levier de croissance et de souveraineté.

Un économiste réformiste face à la taxe Zucman

Fidèle à sa conception d’une économie de l’innovation, Philippe Aghion s’est opposé à la « taxe Zucman », estimant qu’elle risquait de freiner la compétitivité française. Sans rejeter le principe d’une contribution accrue des grandes fortunes, il critique un impôt qui inclurait le patrimoine professionnel des entrepreneurs : « Taxer des richesses non réalisées reviendrait à forcer des fondateurs à vendre leurs parts pour payer l’impôt. »

Pour lui, la fiscalité doit distinguer capital productif et capital de rente. Une taxe uniforme à 2 % sur le patrimoine serait, selon ses mots, « une prison fiscale » si elle n’était pas adoptée à l’échelle européenne. Il plaide plutôt pour un ISF modulé, une exonération temporaire pour les jeunes entreprises et une taxation progressive des holdings non productives.

« Je veux un impôt redistributif, mais pas un impôt qui freine la création. » Derrière cette phrase, la conviction qu’une croissance inclusive repose sur l’investissement dans la connaissance et la formation, non sur la pénalisation du risque.

Un Nobel pour la croissance de demain

Le 14 octobre 2025, Philippe Aghion reçoit le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, aux côtés de Joel Mokyr et de Peter Howitt. Cette distinction consacre près de quarante ans de travaux sur les liens entre innovation, concurrence et croissance.

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