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Quand le rachat devient poison: iRobot, anatomie d’un deal qui n’a jamais eu lieu

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En août 2022, Amazon annonce le rachat d’iRobot pour 1,7 milliard de dollars. L’opération devait symboliser la convergence entre intelligence artificielle, maison connectée et commerce prédictif. Deux ans plus tard, c’est un tout autre scénario qui se joue, le pionnier du robot domestique est désormais au bord du défaut de paiement, étranglé par une dette toxique et un modèle économique épuisé.

Le mirage Amazon

Pour iRobot, cette acquisition devait marquer un tournant, en intégrant l’écosystème Amazon, la société fondée en 1990 par Rodney Brooks, Colin Angle et Helen Greiner espérait retrouver un second souffle après plusieurs années de stagnation. Le rachat aurait permis de consolider sa présence dans les foyers connectés, tout en bénéficiant des capacités de distribution de la firme de Seattle.

Mais dès 2023, le dossier se heurte à la méfiance des autorités européennes, Bruxelles craint que l’opération ne renforce la position dominante d’Amazon sur le marché des objets connectés et du retail en ligne. Sous pression des régulateurs, le géant américain finit par se retirer en janvier 2024. L’action iRobot s’effondre aussitôt de 26 % en pré-marché. En quelques heures, la société passe du statut de cible stratégique à celui d’acteur en détresse.

Un modèle fragilisé avant même l’échec

Concurrencée par les fabricants chinois Ecovacs, Roborock et Dreame, iRobot voyait, lors de son projet de cession à Amazon, son avantage technologique s’éroder. Le marché des robots aspirateurs s’est banalisé, tiré vers le bas par une guerre des prix où le Roomba ne joue plus le premier rôle. L’entreprise, autrefois symbole de l’innovation grand public, n’a pas su transformer son avance initiale en avantage durable.

La dette Carlyle, du soutien au piège

Pour financer ses opérations dans l’attente du rachat, iRobot contracte en 2023 un prêt de 200 millions de dollars auprès de The Carlyle Group. Un financement à un coût exceptionnellement élevé, neuf points au-dessus du SOFR, soit plus de 14 % d’intérêt annuel. Ce crédit devait offrir un répit temporaire, mais s’est transformé en piège structurel.

Dans son dernier rapport 8-K, la société annonce avoir négocié un nouvel accord de crédit, avec une dérogation, valable jusqu’au 1er décembre 2025. Autrement dit, iRobot ne serait plus en mesure de garantir sa survie au-delà de cette échéance. Sans nouvelle extension accordée par Carlyle, le défaut de paiement sera inexorable. Au 28 juin 2025, la dette atteignait 203,2 millions de dollars, pour seulement 40,6 millions en trésorerie disponible. Les 40 millions versés par Amazon au titre de l’indemnité de rupture ont déjà été intégralement utilisés.

Une revue stratégique sans issue

Le conseil d’administration explore des scénarios de refinancement ou de cession, mais le dernier acquéreur potentiel s’est retiré à l’automne après plusieurs mois de négociations exclusives. Selon les documents déposés auprès de la SEC, le prix proposé était bien inférieur au cours boursier du titre, signe d’un décalage profond entre la perception du marché et la réalité financière.

L’entreprise se retrouve aujourd’hui très isolée, sans liquidités, sans acquéreur et sous la tutelle d’un créancier unique. Le spectre d’une procédure de faillite est désormais ouvertement évoqué.

Quand le rachat devient poison

L’histoire d’iRobot illustre un scénario récurrent dans la tech, celui de la dépendance totale à une acquisition salvatrice. En misant tout sur un rachat, la société a suspendu sa stratégie interne, gelé ses investissements et pris des décisions dictées par l’attente d’un événement extérieur. Lorsque le deal a échoué, il ne restait plus ni plan B, ni marge de manœuvre.

Dans un contexte où les autorités antitrust multiplient les blocages, Adobe/Figma, Nvidia/ARM, Visa/Plaid, les acquisitions ne peuvent plus être envisagées comme des plans de sauvetage. Elles deviennent au contraire être considéré comme un risque majeur pour des entreprises déjà fragilisées.

Leçons d’un naufrage

iRobot s’est effondré faute de stratégie d’autonomie, sous la pression de Carlyle et des covenants bancaires, elle n’a plus aujourd’hui qu’un horizon court, celui du 1er décembre 2025, date à laquelle sa survie dépendra d’une nouvelle concession de ses créanciers. Un cas d’école de dépendance stratégique, et un avertissement pour toutes les entreprises tentées de confondre rachat et résilience.

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