
Apple entre dans une guerre de tranchées contre l’Europe
📩 Pour nous contacter: redaction@frenchweb.fr
La riposte est lancée, Apple vient de déposer un recours devant le Tribunal de l’Union européenne pour contester l’amende de 500 millions d’euros infligée en avril par la Commission. En cause, des pratiques jugées anticoncurrentielles sur l’App Store, mais c’est surtout un bras de fer bien plus large sur le contrôle de son modèle économique face à la régulation européenne, qui est désormais engagé. La BigTech est bien décidée à défendre sa souveraineté technologique, face à la souveraineté normative de l’Union Européenne.
Une première salve dans l’ère DMA
L’amende infligée à Apple est l’une des premières dans le cadre du Digital Markets Act (DMA), le nouveau règlement européen entré en vigueur en 2024 pour contraindre les “gatekeepers”, les plateformes considérées comme dominantes, à ouvrir leur écosystème.
Pour Bruxelles, Apple a enfreint le DMA en empêchant les développeurs d’indiquer aux utilisateurs qu’ils pouvaient payer ailleurs, souvent à moindre coût. La Commission a exigé qu’Apple modifie ses conditions d’utilisation, ce qu’il a fait en juin, tout en dénonçant une « complexité accrue » pour les développeurs et les utilisateurs.
De son coté, Apple dénonce un excès de pouvoir, accusant Bruxelles d’imposer des règles commerciales qui « n’existent sur aucune autre plateforme » et d’avoir « déplacé les lignes » au fil des négociations.
Une stratégie juridique longue, méthodique, défensive
En saisissant le Tribunal de l’Union européenne, Apple ne cherche pas uniquement à faire annuler une amende. Elle ouvre un front procédural qui pourrait durer plusieurs années, visant à affaiblir l’interprétation juridique du DMA, et cela va se jouer article par article, mot par mot.
Le choix du TUE est tactique, c’est lui qui juge le fond économique et technique des dossiers, et Apple peut y faire valoir des arguments de proportionnalité, de concurrence internationale et d’atteinte à ses intérêts commerciaux légitimes. En cas d’échec, la firme pourra toujours se tourner vers la Cour de justice de l’UE, pour un second round. En attendant, cette guerre de tranchées gèle l’application définitive des sanctions, et gagne du temps, dans l’UE comme aux États-Unis où Apple affronte des contentieux similaires.
Au delà du droit c’est surtout un affrontement politique
Qui dépasse le cadre du droit de la concurrence, Apple accuse l’UE de vouloir l’obliger à donner sa technologie gratuitement, un langage très proche des arguments utilisés par d’autres GAFAM dans leurs bras de fer avec l’Europe.
La question de fond est de savoir qui contrôle les règles du jeu numérique mondial ? Si Bruxelles veut imposer ses standards, Apple, comme d’autres géants américains, entend défendre ses marges et sa logique d’intégration verticale.
La guerre de tranchées ne fait que commencer, mais elle redessine déjà les lignes de front entre puissances publiques et empires technologiques. Aux États, l’arme du droit, aux plateformes, celle de la technologie, qu’elles modulent, verrouillent et déploient selon leurs intérêts. Face aux nouvelles contraintes réglementaires, les GAFAM pourraient riposter en limitant l’accès à certaines fonctionnalités ou innovations, sanctionnant de facto le marché européen. Un scénario encore lointain, mais une menace réelle, qu’il serait imprudent de sous-estimer.