Pour les start-up, la crise du financement laissera « beaucoup de gens sur le carreau » mais reste une opportunité
Par Jules BONNARD / AFP
Malmenées par la hausse des taux d’emprunt qui pénalise leur capacité à capter des investissements depuis un an, des start-up tentent paradoxalement de profiter de cette crise pour renforcer leurs équipes en tirant avantage des plans de licenciements chez certains géants de la tech.
Longtemps considérées comme le principal frein à la croissance, les difficultés de recrutement du secteur sont ainsi passées au second plan, les réductions d’effectifs massives dans des groupes comme Meta ou Google ayant entraîné le retour sur le marché de l’emploi de très nombreux salariés auparavant difficiles à attirer.
Certes, 8% des jeunes pousses françaises indiquent encore qu’elles ont l’intention de réduire leur nombre d’employés dans les prochains mois, relevait cette semaine Franck Sebag, associé du cabinet EY, lors de l’événement annuel de l’association France Digitale, qui fédère l’écosystème.
Mais d’autres affichent dans le même temps leur intention de grossir. C’est notamment le cas de Pasqal, star tricolore de l’informatique quantique qui, après avoir levé 100 millions d’euros en début d’année, a plus que doublé ses effectifs et compte désormais environ 200 salariés.
Il s’agit notamment d’équipes commerciales pour commencer à générer des revenus auprès de ses clients (automobiles, banques…) et prouver la pertinence industrielle de cette technologie à l’immense potentiel, mais encore loin d’être mature.
« Il faut continuer à convaincre les grands groupes et les investisseurs pour qu’ils nous aident à changer d’échelle », explique à l’AFP Nicolas Proust, représentant de l’entreprise lors du colloque de France Digitale.
– Investisseurs plus prudents –
Même s’il estime que la crise ne fait que débuter et qu’elle laissera « beaucoup de gens sur le carreau », Vincent Huguet, cofondateur de Malt, une plateforme de mise en relation de freelances avec des entreprises, y voit un « cycle de destruction créatrice ».
« Pour nos propres recrutements, c’est mieux qu’il y a un an ou deux, car on a moins de concurrence », souligne-t-il. « Des jeunes qui n’ont connu qu’un marché haussier pensaient qu’il était normal d’avoir des augmentations à chaque changement de poste, alors que ce n’est pas le cas ».
Car la crise du financement oblige avant tout à rationaliser les dépenses et à se montrer moins dispendieux qu’à l’ère de l’argent gratuit.
En l’occurrence, après avoir levé près de 13,6 milliards d’euros en 2022 (+15% en un an), les entreprises technologiques françaises n’ont réussi à mobiliser que 4,2 milliards d’euros au premier semestre 2023, soit une baisse de 49% par rapport à la même période l’année précédente, selon le baromètre du capital-risque en France publié par EY.
Même la levée de fonds record de « plus de 2 milliards d’euros » annoncée mi-septembre par la start-up Verkor pour ouvrir une gigantesque usine de batteries dans le nord de la France peine à masquer ce bilan morose.
Il n’y a pas de baisse du nombre d’opérations, mais de leur montant, nuance toutefois Franck Sebag, qui ajoute que, « ce qui a disparu, ce sont tous les tours supérieurs à 100 millions d’euros ».
« Les investisseurs sont prudents et ne financent plus les grosses pertes d’exploitation sans y regarder de plus près », appuie Clara Audrey, associée du fonds d’investissement Jolt Capital.
« Après une période de taux négatifs où l’argent brûlait les doigts et était investi n’importe où », les entreprises « ont découvert le mot rentabilité » et sont forcées de donner de la visibilité sur leur modèle économique, constate le cofondateur du site Meilleurtaux Placement, Marc Fiorentino.
Le chiffre d’affaires moyen des quelque 13.000 start-up françaises a ainsi bondi l’année dernière de 32% à 5,4 milliards d’euros, dont plus de la moitié provient des grands groupes, selon des données financières analysées par EY et France Digitale.
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