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Trump veut interdire aux États américains de réguler l’IA pendant une décennie

La disposition insérée dans un vaste projet de loi budgétaire porté par l’administration Trump suscite une vive inquiétude dans le secteur technologique et au sein de la société civile américaine. Le texte propose d’interdire aux États américains de promulguer ou d’appliquer toute régulation liée à l’intelligence artificielle pendant une période de dix ans. Cette mesure, encore en débat au Congrès, interviendrait alors que plusieurs législations locales commencent à encadrer l’usage des systèmes d’IA à haut risque.

Un moratoire fédéral aux implications étendues

La disposition figure dans un projet présenté par Donald Trump comme un « agenda législatif ambitieux » regroupant plusieurs mesures fiscales et économiques. Si elle est adoptée, les États fédérés seraient privés, pendant une décennie, de toute capacité à réguler les modèles d’IA, les systèmes de décision automatisés ou les technologies apparentées.

Autrement dit, même en présence de pratiques jugées préjudiciables pour les citoyens, qu’il s’agisse de discrimination algorithmique à l’embauche, de traitements biaisés dans le secteur de la santé ou de manipulation d’informations à travers des deepfakes, les législateurs locaux ne pourraient pas intervenir. La seule voie réglementaire resterait alors celle du Congrès, dont les travaux sur l’IA avancent lentement et de manière fragmentée.

Une coalition transversale d’opposition

Face à cette perspective, 141 organisations issues de la recherche, du militantisme, de la société civile et du monde du travail ont signé une lettre ouverte adressée aux membres du Congrès. Parmi les signataires figurent Cornell University, le Center on Privacy and Technology de Georgetown Law, mais aussi des groupes tels que le Southern Poverty Law Center, l’Economic Policy Institute, ou encore des collectifs de salariés comme Amazon Employees for Climate Justice et l’Alphabet Workers Union.

Un paysage réglementaire déjà fragmenté

L’initiative survient alors que plusieurs États américains ont déjà adopté des lois spécifiques pour encadrer les usages sensibles de l’IA. Le Colorado, par exemple, impose aux entreprises d’informer les utilisateurs lorsqu’ils interagissent avec une IA et interdit les pratiques discriminatoires fondées sur des algorithmes. Le New Jersey a, de son côté, promulgué une loi sanctionnant la diffusion de contenus trompeurs créés par IA, en particulier les deepfakes.

D’autres États, comme l’Ohio, envisagent d’instaurer des obligations de transparence via des filigranes numériques ou des sanctions pénales en cas d’usurpation d’identité par IA. Plusieurs juridictions ont également légiféré sur l’usage des contenus synthétiques en période électorale.

Des voix divergentes au sein même de la tech

La proposition contraste également avec les appels à la régulation émanant de certains dirigeants d’entreprises technologiques. Sam Altman, PDG d’OpenAI, a déclaré en 2023 devant le Sénat américain que « l’intervention réglementaire des gouvernements sera essentielle pour limiter les risques liés à des modèles de plus en plus puissants ». Plus récemment, il a plaidé pour une approche basée sur les risques, assortie de lignes directrices claires afin d’éviter que les entreprises ne naviguent à vue entre les régulations locales.

D’autres acteurs du secteur, y compris au sein de Microsoft ou d’Anthropic, ont exprimé des inquiétudes similaires, l’absence de régulation centralisée, conjuguée à l’interdiction de toute initiative locale, pourrait accentuer la défiance du public sans garantir une sécurité juridique suffisante pour les développeurs d’IA.

Un débat à fort enjeu géopolitique

L’administration Trump justifie cette approche par la nécessité de maintenir le leadership américain dans la course mondiale à l’IA, face à la Chine notamment. Pour Le vice-président JD Vance  « l’excès de régulation pourrait tuer une industrie en plein essor ». Cette posture s’inscrit dans une stratégie de libéralisation assumée, illustrée aussi par la levée annoncée des restrictions sur l’exportation de puces IA vers certains pays.

Reste que le texte devra franchir plusieurs étapes avant d’être adopté. Il a passé un premier cap en commission budgétaire à la Chambre, mais devra encore être voté par l’ensemble des représentants, puis transmis au Sénat.

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