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Shadow AI, pourquoi les CMO sont en première ligne

L’IA générative s’invite dans les pratiques marketing avec une vitesse inédite. Elle rédige, synthétise, traduit, automatise. Elle produit des images, optimise des emails, structure des campagnes, nourrit le CRM. Pourtant, une partie croissante de ces usages échappent aux circuits de validation formels. Ils prennent place en dehors des outils officiels, des processus IT, voire de la connaissance du CMO lui-même. On parle alors de Shadow AI.

Ce phénomène n’est pas marginal. Il est structurel, diffus, et profondément lié à la dynamique du marketing digital contemporain. Et il pose une question simple, mais déterminante : comment encadrer l’innovation, sans l’étouffer ?

Une dynamique d’adoption invisible, mais bien réelle

Contrairement à l’IA déployée officiellement (dans un CRM, une suite collaborative ou un moteur de recommandation), la Shadow AI prend des formes discrètes : un prompt dans ChatGPT, un visuel généré dans Midjourney, un résumé obtenu via Claude, une automatisation pilotée par Zapier, ou encore un assistant intégré à Notion, Canva ou HubSpot.

Ces usages naissent au plus près du terrain : un content manager qui cherche à produire plus vite, un traffic manager qui veut tester des A/B tests à grande échelle, un chef de projet qui gagne du temps sur une présentation. Rien d’illégal, rien de mal intentionné. Mais des pratiques qui, cumulées, deviennent opaques et incontrôlables.

L’autonomie, vertu clé des équipes marketing, devient ici un facteur de risque si elle n’est pas accompagnée.

Trois types de risques à ne pas négliger

1. Exposition des données sensibles

Il suffit qu’un collaborateur entre un prompt contenant des informations sur une campagne confidentielle ou sur des données clients dans un modèle hébergé aux États-Unis pour générer une fuite potentielle de données. Ces modèles stockent parfois les inputs. Certaines IA réutilisent même les requêtes pour affiner leurs résultats. La frontière entre aide contextuelle et compromission involontaire est ténue.

2. Altération de l’image de marque

Des contenus générés automatiquement, mal relus ou mal calibrés peuvent se retrouver en ligne en quelques clics. Un wording maladroit, un visuel qui échappe à la charte, une erreur factuelle dans un email… autant de dérapages discrets mais nuisibles, dans un contexte où chaque point de contact pèse sur la cohérence de la marque.

3. Multiplication des outils non validés

En autorisant — ou en tolérant — ces initiatives non encadrées, l’entreprise se retrouve avec un empilement de solutions sans support, sans contrat, sans visibilité IT. Cette fragmentation technique entraîne des surcoûts cachés, des doublons fonctionnels, voire des incompatibilités avec les systèmes de mesure ou les exigences réglementaires.

Pourquoi le CMO doit agir maintenant

Le marketing est à la fois le laboratoire et le vecteur de diffusion de l’IA dans l’entreprise. Il concentre des usages à fort impact, des données sensibles (clients, analytics, conversions) et des équipes exposées à la pression du delivery. Laisser la Shadow AI se développer sans cadre revient à déléguer à l’informel la responsabilité de l’innovation.

À l’inverse, encadrer ces pratiques ne signifie pas revenir à un modèle rigide. Il s’agit d’accompagner, rationaliser, intégrer. De transformer l’expérimentation sauvage en capacité stratégique maîtrisée.

Une gouvernance à mettre en place

 Étape 1 : Cartographier les usages

    • Interroger les équipes : quels outils utilisent-elles ? À quelles fins ?
    • Identifier les outils génératifs (textes, images, prompts, assistants SaaS).
    • Recenser les données potentiellement manipulées.

Étape 2 : Évaluer les risques

    • Quels modèles sont utilisés ? Où sont-ils hébergés ?
    • Y a-t-il des données clients ou propriétaires dans les prompts ?
    • Ces outils sont-ils soumis au RGPD ? Ont-ils une clause de non-apprentissage ?

Étape 3 : Proposer une alternative encadrée

    • Fournir des solutions validées : API internes, modèles déployés en local ou sur des clouds maîtrisés, contrats avec des éditeurs conformes.
    • Mettre en place une charte d’usage simple, claire, révisable.
    • Créer un canal de dialogue entre IT, juridique et marketing.

Une coordination interfonction essentielle

Le CMO ne peut agir seul. Encadrer la Shadow AI suppose un travail transversal :

    • Avec le CTO / CDO : pour auditer les outils, centraliser les demandes, standardiser les modèles.
    • Avec le DPO : pour vérifier la licéité des usages (prompts, transfert de données hors UE).
    • Avec la cybersécurité : pour inclure l’IA dans la surface d’attaque, définir des mesures préventives.
    • Avec les RH : pour former les équipes aux risques, à la qualité des prompts, aux biais et à la vérification des contenus.

Que faire selon la taille de l’organisation ?

Startups

    • Avantage : agilité, court circuit de décision.
    • Risque : usage massif d’outils externes non sécurisés (freemium, prompt non maîtrisé).
    • Bonne pratique : nommer un référent IA dans l’équipe marketing, mettre en place une revue mensuelle des outils utilisés.

PME

    • Avantage : adaptation rapide à de nouveaux outils marketing IA.
    • Risque : absence de gouvernance formelle entre marketing, IT et juridique.
    • Bonne pratique : établir une grille de validation rapide (usage, type de données, localisation, sécurité), avec arbitrage mensuel.

Grands groupes

    • Avantage : existence d’une DSI, de politiques internes de sécurité, et de services juridiques.
    • Risque : prolifération de micro-initiatives dans des filiales ou BU indépendantes.
    • Bonne pratique : intégrer la Shadow AI dans les processus de revue technologique, labelliser les outils IA validés, intégrer un volet IA dans la politique de marque.

Les 8 questions que tout CMO devrait se poser

    1. Quels outils d’IA mes équipes utilisent-elles sans validation ?
    2. Des données sensibles (clients, stratégiques, produits) sont-elles saisies dans des modèles externes ?
    3. Ces modèles sont-ils soumis au RGPD ? Ont-ils une politique de réutilisation des prompts ?
    4. L’IA est-elle utilisée pour produire des contenus diffusés publiquement ?
    5. Ai-je une liste des outils validés par la DSI ?
    6. Un dispositif d’alerte ou de signalement est-il en place en cas d’incident ?
    7. Suis-je capable d’expliquer, documenter et justifier les usages IA dans mon périmètre ?
    8. Mes équipes sont-elles formées à l’usage raisonné et responsable de ces outils ?

 

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