
Restructuration et financement : la deuxième vie des startups en difficulté avec Marie Crumière, Restructuring Partner chez Reed Smith
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La hausse des défaillances d’entreprises en France place la question du retournement au centre des débats économiques. Longtemps perçue comme un ultime recours, la restructuration devient aujourd’hui un levier stratégique, appuyé par de nouveaux mécanismes juridiques. Dans notre dernier podcast, nous avons échangé avec Marie Crumière, Restructuring Partner chez Reed Smith, pour comprendre comment ces outils transforment la gestion de crise et pourquoi l’affaire Hosman, agence immobilière en ligne, constitue un tournant.
Anticiper plutôt que subir
Le premier message est que tout commence avec la trésorerie. Le suivi au jour le jour reste souvent défaillant dans les PME et les startups, davantage concentrées sur leur croissance que sur leur cash burn. Or, c’est cette trésorerie qui détermine la capacité d’une entreprise à faire face à son passif exigible. « Quand un chef d’entreprise arrive en disant qu’il n’est pas sûr de pouvoir payer ses salaires à la fin du mois, c’est déjà trop tard », rappelle Marie Crumière.
Ce manque d’anticipation est d’autant plus dommageable que le droit français offre des dispositifs préventifs, mandat ad hoc et conciliation, qui permettent d’ouvrir une discussion confidentielle avec les créanciers. Mais la culture française reste marquée par une peur du tribunal de commerce et par la perception de la restructuration comme un aveu d’échec. Une réticence que la pratique est pourtant en train de dépasser.
Hosman : quand la crise immobilière accélère le basculement
Créée pour dépoussiérer le marché de la transaction immobilière, Hosman avait connu une croissance rapide, jusqu’à atteindre un chiffre d’affaires d’environ 7 millions d’euros. Mais la crise du secteur immobilier a mis en tension son modèle. Face à un passif de 14 millions d’euros, la société a dû successivement passer par l’ensemble des procédures disponibles : mandat ad hoc, conciliation, puis redressement judiciaire.
Cette phase de redressement, loin d’être un stigmate, a permis de déclencher trois actions décisives :
- Une restructuration sociale, avec la possibilité de financer les licenciements via les AGS, donc sans ponctionner la trésorerie.
- Un gel du passif, qui a donné une respiration immédiate.
- Une préparation au plan de classes de parties affectées, qui allait devenir la solution de sortie.
Le rôle des classes de parties affectées
Introduit en France en 2021, ce mécanisme change profondément la logique des restructurations. Jusqu’alors, les créanciers devaient consentir individuellement aux abandons de créance, désormais, ils sont regroupés par classes partageant des intérêts économiques communs (banques, créanciers publics, fournisseurs chirographaires, etc.). Chaque classe vote, et si la majorité est atteinte, le tribunal peut imposer la restructuration, y compris à une minorité récalcitrante.
Dans le cas d’Hosman, cette innovation a permis de réduire drastiquement la dette, de préserver l’équipe dirigeante et d’ouvrir la voie à l’entrée d’un nouvel investisseur. Une option rendue possible par la démonstration qu’aucun autre scénario, ni plan de cession, ni liquidation judiciaire, n’aurait été plus favorable aux créanciers.
Transparence et pédagogie : la clé de la confiance
Convaincre les créanciers reste néanmoins un exercice délicat. La défiance est souvent forte vis-à-vis des projections financières présentées par les dirigeants et pour restaurer la crédibilité, un auditeur indépendant est mandaté afin d’établir des prévisions réalistes, intégrant différents scénarios de sensibilité.
Mais la réussite d’Hosman s’est aussi jouée sur un facteur plus humain qu’a été la pédagogie des fondateurs. Malgré des demandes d’abandon de créances très lourdes, des classes entières de créanciers ont voté en faveur du plan, reconnaissant qu’il s’agissait de la seule voie de survie. Ce travail de conviction, appuyé par l’administrateur judiciaire et les avocats, a transformé un climat de défiance en adhésion collective.
Vers une pratique plus décomplexée
Pour Marie Crumière, l’évolution est culturelle autant que juridique, les tribunaux de commerce, en particulier en région parisienne, connaissent désormais les spécificités des startups à l’instar de la dépendance aux levées de fonds, une forte consommation de cash, l’absence de rentabilité immédiate. Loin de l’image poussiéreuse, les juges consulaires se montrent curieux, pragmatiques et attentifs aux réalités entrepreneuriales.
« J’ai toujours eu des retours très positifs de dirigeants accompagnés, qui découvrent un tribunal à l’écoute et non une machine punitive », souligne-t-elle. De quoi inciter les entrepreneurs à voir la restructuration non comme un échec, mais comme une étape de gestion à part entière.
Une leçon pour l’écosystème startup
Hosman illustre une tendance de fond : les startups, longtemps focalisées sur la croissance et les levées de fonds, doivent désormais intégrer le risque de retournement dans leur trajectoire. Les classes de parties affectées ouvrent un champ nouveau, permettant de maintenir la continuité de l’entreprise et d’attirer de nouveaux investisseurs sur une base assainie.
Pour l’écosystème, la restructuration n’est plus une fin de partie, mais une seconde chance, à condition d’anticiper, de communiquer et de mobiliser les bons outils juridiques.
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