Laurence FaguerLes Experts

Comment structurer son business autour d’une communauté

Interview d'Oliane Piana, anciennement responsable du développement de la présence de FrenchFounders, par Laurence Faguer

Créer une marque en ligne n’a jamais été aussi facile. Mais qu’est-ce qui différencie celles qui réussissent ? Une décennie d’historique montre que bien souvent leur histoire a commencé par une communauté, qui a amené le ou la fondatrice, écoutant les feedbacks de ses « fans »  à créer des produits. On pense, dans l’univers de la beauté, à Glossier, et plus récemment au Dr. Elsa Jungman et à Aquis.

Et en BtoB?

Pour le savoir, je me suis entretenue avec Oliane Piana, anciennement responsable du développement de la présence de FrenchFounders sur la côte ouest des États-Unis. A ce titre, elle a rencontré plus de 2000 experts, entrepreneurs, top exécutifs, investisseurs, identifié leurs besoins et attentes business pour qu’ils accélèrent  leur développement. En s’appuyant sur des échanges diversifiés avec ses clients, Oliane a permis à l’entreprise de développer sa présence dans la région, de connaître les tendances locales et ainsi d’aider ses clients mais aussi le groupe à asseoir sa présence locale. Des enseignements précieux pour qui souhaite structurer son business autour d’une communauté.

Interview

Pour une marque BtoC, le bénéfice premier à créer et développer sa communauté est de mieux comprendre ses clients.

 

Laurence Faguer : Pourquoi intégrer le modèle de la communauté dans son business model?

Oliane Piana : La crise du Covid nous montre à quel point les outils nous ont permis de réagir vite, de rester connectés, de nous adapter, d’innover. La technologie nous permet de nous faire gagner du temps, elle évolue extrêmement rapidement.

Mais elle ne fait pas tout ! C’est la cohésion entre les technologies et l’esprit critique de l’homme qui fait évoluer notre société. C’est sa capacité à travailler de façon collaborative et créative qui va permettre aux entreprises d’innover.

C’est l’humain qui va mettre des stratégies en place et qui va y intégrer des outils.

Structurer son business autour d’une communauté facilite cette approche. Créer un environnement dans lequel l’entreprise aura la possibilité d’interagir avec son écosystème est une vraie opportunité.

 

Et coté membres, que retirer d’une communauté ?

La communauté à des fins business est avant tout une source d’inspiration. Pendant 4 ans j’ai eu la chance d’avoir pour mission d’en développer une -(FrenchFounders) principalement de San Francisco à Los Angeles, qui rassemble des entrepreneurs, des investisseurs et des représentants d’entreprises.

Tous ont des profils très différents, des entrepreneurs dans la tech, des représentants de grands groupes industriels, en finance, dans des marques BtoC, d’autres fondateurs plus jeunes dans leur développement. Des membres experts dans le domaine du logiciel / software BtB à San Francisco, d’autres dans le retail, dans l’Entertainment, dans la mode ou la beauté à Los Angeles ou encore des investisseurs à différents niveaux d’investissement. Toutes les industries sont représentées dans la communauté et tout type de profil y évolue.

 

Qu’est-ce qui rassemble chacun des membres de cette communauté ?

L’envie commune de venir partager, ‘give back’, s’inspirer pour accélérer la croissance de son business et ainsi en générer.

J’ai pu voir un entrepreneur dans le software à San Francisco choisir d’accompagner un fonds d’investissement, en tant que mentor pour des startups dans le secteur.

J’ai vu un professionnel d’une agence digitale aider le fondateur d’une jeune marque dans sa stratégie e-commerce lorsque le Covid a changé les modèles.

C’est finalement la diversité des savoirs au sein du groupe qui permet à tous les membres de bénéficier d’insights clés pour mieux collaborer, en remontant leurs besoins ils ont pu trouver au sein de la communauté d’autres membres avec qui collaborer, enrichir des réflexions, des discussions mais aussi appréhender des défis potentiels, trouver des solutions innovantes et développer leur créativité.

Pour que ce partage de connaissance se fasse et que la communauté soit animée, il est bien entendu essentiel que ses membres soient investis et pour cela, le rôle de l’organisateur estprimordial, c’est lui qui crée le lieu d’échange où ces membres se retrouvent et partagent. Dans ces lieux, physiques et/ou digitaux il permet de rassembler et offre ainsi à son organisation et à ses membres l’opportunité de bénéficier d’une réflexion collective.

 

En tant que « doer », quel conseil donneriez-vous dans l’utilisation des outils technologiques pour gérer sa communauté ?

Les technologies/plateformes permettent aux organisateurs de mettre en place des KPIs. Par exemple, il est plus facile d’identifier ses membres et ainsi d’analyser quels profils sont les plus représentés et dans quelles régions ou industries ? À quel moment ces profils font-ils le plus appel au réseau ? Y a t’il des sujets principaux et des demandes qui sont fréquemment remontées par des groupes communs ou des membres qui évoluent dans les mêmes secteurs

Grâce à ces outils et au traitement de l’information, l’organisateur va pouvoir mieux structurer sa communauté et mieux l’animer.

Mais cette data lui permet d’aller bien plus loin. En permettant à sa communauté d’être active et participative, en sachant la structurer, observer ses comportements et s’adapter, l’organisateur va pouvoir faire ressortir des patterns qui lui donneront une vue d’ensemble sur les problématiques, les préoccupations mais aussi sur les évolutions de son écosystème. Il va développer sa capacité à identifier des tendances.

De nombreuses communautés se spécialisent sur des métiers, par exemple en ressources humaines, en finance, en marketing ou par industries, la publicité, le retail, le software, le F&B etc

L’organisateur peut alors faire ressortir des besoins spécifiques et la nécessité de ses membres à aborder des sujets clés. Grâce à la réflexion collective et au traitement de l’information, il pourra partager avec sa communauté des observations plus globales, publier ou bien organiser des événements spécialisés qui traitent leurs sujets.

Prenons l’exemple de SaaStr initialement une communauté qui rassemble des experts dans le secteur du logiciel/ software. Cette communauté se réunit lors d’événements pour échanger sur les sujets de son industrie, les bonnes pratiques, les innovations. Ces experts font naître de leurs échanges de nouveaux projets, des innovations et se réunissent ainsi autour de l’entité Saastr, qui elle est au centre des tendances de ce secteur.

En se rendant sur la plateforme SaaStr, on y trouve alors des cours en ligne, des écrits, des articles qui font ressortir les grandes innovations et les bonnes pratiques de l’industrie.

Ces structures se positionnent ainsi comme des acteurs essentiels et jouent presque un rôle de media, qui est au centre des tendances qu’elles sauront dénicher.

Pour une marque BtoC, quel est le bénéfice premier à créer et développer sa communauté ?

Mieux comprendre ses clients. De nombreuses marques ont compris l’importance d’animer leur audience pour apprendre de cette audience. On le voit de façon flagrante dans les secteurs BtoC et notamment dans la beauté. Glossier par exemple est une marque née de la communauté de sa fondatrice ‘Into the Gloss’, blog sur lequel elle partageait et partage encore des bonnes astuces beauté avec des adeptes du skincare.

En créant de l’échange, elle a pu écouter, s’inspirer, comprendre les besoins de son réseau. Elle déniche les tendances et crée alors sa marque, Glossier qui base encore essentiellement sa stratégie de développement sur le retour de ses clients.

On peut également l’observer chez Merci Handy qui a constitué sa communauté dès le départ pour avoir la capacité de comprendre ses consommateurs et assurer leur rétention. Louis MARTY, le co-founder & CEO at Merci Handy. le dit, leurs partenaires Retailers leur permettent de vendre dans des milliers de points de ventes, mais cela donne à la marque peu de data sur qui sont les clients qui achètent vraiment, d’où l’importance pour cette marque de constituer sa communauté en proposant du contenu organique sur des plateformes comme YouTube, TikTok, Instagram…

Aujourd’hui la marque est reconnue comme l’une des marques qui fait partie des ‘rising stars’ du classement cosmetify, celui-ci basé sur le taux d’engagement que portent les clients à une marque.

Mais pour la marque, tout l’intérêt est d’être capable en incluant ses clients dans une discussion, de mieux les accompagner, de prendre en compte, grâce à la donnée, leurs attentes.

Depuis de simples commentaires postés par ses « followers » et consommateurs, la marque peut ainsi comprendre des informations clés qui serviront à prendre des décisions stratégiques.

Lorsqu’une entreprise implique ses clients dans sa communauté, la relation est renforcée, ils sont eux même engagés et on la capacité d’aider la marque dans la création ou l’amélioration du produit ou service.

« Dans la Communauté FAB fondée par Odile Roujol, ce sont les personnes qui font partie de la communauté qui bénéficient de son savoir, la nourrissent et construisent ainsi toute sa légitimité ».

 

Et coté BtoB, quelles communautés vous inspirent-elles particulièrement ces temps-ci ?

Oliane Piana : Déjà investie dans un état d’esprit communautaire, lorsqu’une entreprise base son modèle sur une communauté, cela ne va pas se traduire seulement par de la collaboration avec des clients mais aussi et avant tout avec ses équipes et ses partenaires. Elle s’affirme comme un acteur essentiel de son écosystème.

DreamForce ! Chaque année DreamForce rassemble la communauté de partenaires, clients et employés Salesforce.

Ses membres ont un sentiment d’appartenance. Ils se soutiennent, créent du contenu, échangent sur les tendances de leurs secteurs, les nouveaux outils. Chacun partage, se challenge et s’inspire.

Au sein de cette communauté, Salesforce devient le ciment social entre tous ces acteurs et se positionne au centre de cet écosystème.

L’entreprise bénéficie non seulement de visibilité auprès de ses clients et prospects, ce qui renforce son image de marque, mais participe aussi à leur ‘formation’ tout en s’éduquant.

Elle réussit ainsi à créer une mission commune avec ses partenaires, des liens forts avec eux et construit une vision partagée.

J’aime aussi prendre l’exemple de Fab Co Creation Studio Ventures fondé par Odile Roujol, ancienne DG Lancôme. De par son parcours, ses expertises, elle commence par fonder au fil des années, FaB Fashion & BeautyTech community, qui rassemble des fondateurs d’entreprises et des investisseurs dans les secteurs de la beauté, de la mode et de la Tech.

La communauté les rassemble et anime leurs discussions sur différents chapitres internationaux. Elle crée des ponts entre toutes ces expertises ce qui lui apporte aussi une légitimité auprès de chaque individu impliqué dans la communauté.

Ceux sont les personnes qui font partie de la communauté qui bénéficient de son savoir, la nourrissent et construisent ainsi toute sa légitimité

L’entité en elle-même facilite la réflexion collective, c’est le liant entre tous ces acteurs.

Grâce à son positionnement, à sa légitimité Fab réussit à aller encore plus loin et développe alors un fond d’investissement, Fab Co Creation Studio Ventures. Entité qui a accès en premières loges aux tendances du secteur, mais qui peut aussi accompagner des entrepreneurs avec bien plus que des financements.

Je vois la communauté comme une aide à un apprentissage continu pour l’entreprise.

Oliane Piana : Comment voyez-vous l’avenir des communautés ?

Comme une aide à un apprentissage continu pour l’entreprise. La communauté permet à une entreprise de devenir une plateforme collaborative qui implique ses clients, partenaires et employés vers l’évolution de son business, et de s’inspirer en étant elle-même au centre des tendances.

Malgré la rapidité de l’évolution technologique, une communauté permet, parmi tant d’autres choses de mettre en exergue l’une des capacités essentielles de l’homme, celle de savoir s’associer pour évoluer.

Animer sa propre communauté, c’est pour l’entreprise développer une culture dans laquelle ses membres partagent une vision commune. Ils vont écouter, échanger, construire ensemble. Cette culture sera incarnée par l’entreprise, qui prend ainsi un nouveau rôle, au-dessus de celui d’employeur ou de vendeur de services ou produits. Ce rôle est puissant puisque l’ entreprise incarne les tendances. Sa vraie valeur ajoutée devient alors d’apporter des solutions à son écosystème. Ses solutions seront adaptées puisque construite sur de l’information clés qu’elle aura su récolter.

On parle beaucoup ces temps-ci de raison d’être

L’entreprise renforce sa « raison d’être » avec une communauté. Celle-ci lui permet souvent de prendre de meilleures décisions devant l’adversité, centrées autour de cette ‘raison d’être’ et donc sur sa vraie valeur ajoutée auprès de ses clients.

Vous êtes une vraie militante des communautés !

Oui, parce que dans un monde devenu de plus en plus individualiste, nous sommes en train de reprendre conscience de l’importance de s’unir pour continuer à relever les défis tendus à nos entreprises et par notre environnement. Important en Post-Covid.

L’experte:

Laurence Faguer est une marketeuse et entrepreneuse « go-between » France et USA, fondatrice de Customer Insight.

A la demande d’entreprises françaises, elle repère en personne les innovations en Digital, Mobile et Retail aux Etats-Unis, avant qu’elles ne soient connues en France, puis les aide à transposer avec succès ces stratégies ayant fait leur preuve aux U.S.

Laurence est l’une des expertes retail et beautytech de FrenchWeb, vous pouvez régulièrement retrouver ses analyses, et interview sur Decode Retail.

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