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Comment la vision par ordinateur élargit-elle les usages industriels de l’IA ?

Par Fabien Giuliani, chargé de cours à l’Université de Genève et à la Haute École de Gestion de Genève, enseignant la Stratégie, la Prospective et le Management du risque

Les solutions fondées sur le traitement des big data sont confrontées à quatre problématiques industrielles, souvent ramenées à l’étiquette des « quatre V » : Volume d’information à traiter, Variété et Véracité des données, et Vélocité des data flows. En 2022, ce modèle des quatre V semble voué à s’élargir à un cinquième V, celui de Vision. La vision par ordinateur permet aux solutions d’intelligence artificielle (IA) d’observer le monde à partir de supports optiques et d’apporter des réponses adaptées à leur environnement. Le développement de la vision par ordinateur élargit massivement les use cases industriels de l’IA : à une logique de consommation et de traitement des données, on ajoute une brique de traitement de données déstructurées, déduites de la visualisation directe par l’IA, qui permet d’élargir les possibilités de prévisions et de décisions.

 

Vision par ordinateur, de quoi parle-t-on ?

La vision par ordinateur est une branche de l’intelligence artificielle à l’intersection des mathématiques et de l’informatique qui étudie du traitement des images. Son objectif est d’extraire, à partir de données brutes (images ou vidéos numériques), des informations pertinentes qui peuvent être interprétées et utilisées par un ordinateur ou un robot.

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Prometteuses quant à leurs potentiels, les applications industrielles de la vision par ordinateur n’en sont pourtant qu’à leurs prémisses. Les technologies de la computer vision doivent en effet soutenir l’articulation entre IA et robotique, ou en d’autres termes permettre à une intelligence de prendre des décisions, de contrôler un corps physique ou encore d’envoyer des signaux sur l’environnement perçu à des opérateurs humains.

Ce type de solutions n’a été développé que tardivement et en complément de solutions simples et matures, destinées de remplir un usage basique (radars, capteurs, senseurs etc.). L’approche par la vision est par essence beaucoup plus ambitieuse : le nombre d’informations déstructurées que l’IA doit prendre en compte, catégoriser et traiter correctement est potentiellement illimité, tandis que l’interprétation de ces dernières est soumise à une forte ambiguïté. La vision par ordinateur n’a donc pu se développer qu’en s’appuyant sur les récents progrès du deep learning, et en particulier sur les architectures de type artificial neural networks.

Une technologie aux applications industrielles multiples

La récente arrivée à maturité technologique de la computer vision rend délicate l’évaluation précise de son potentiel. Il semble néanmoins évident que cette dernière a vocation à bouleverser les usages de certains secteurs économiques, comme le prouvent de nombreuses expériences d’implémentations industrielles réussies de cette technologie.

Se basant sur l’analyse croisée d’images satellite et de big data, Orbital Insight propose un ensemble de solutions permettant d’étudier la supply chain de certains produits à des fins concurrentielles mais également d’assurer un monitoring environnemental au-delà des déclarations des producteurs ou des transporteurs.

Parmi les éditeurs de solution coté au NASDAQ, Remark Holdings, une société 100 % américaine, s’appuie sur sa Smart Safety Platform pour assurer une couverture visuelle permettant de détecter les intrusions et les anomalies sur des sites industriels. Remark Holdings a ainsi récemment permis de limiter drastiquement la fréquence des accidents sur l’un des tronçons ferroviaire les plus meurtrier des États-Unis.

Autre exemple d’application industrielle de la computer vision, Greyparrot s’appuie sur sa technologie native afin de proposer une solution industrielle de tri des déchets et l’analyse de leur composition qui permettra d’assister les opérateurs humains sur la chaîne de tri, mais également de monitorer en temps réels les informations relatives aux quantités et aux types de déchets recueillis.

Le développement de véhicules autonomes repose largement sur celui de la vision par ordinateur. Si les progrès en la matière ne sont pas aussi rapide qu’escomptés, de nombreux acteurs s’inscrivent sur ce segment dans la perspective de mettre à disposition des constructeurs automobiles des solutions d’aide au pilotage. La start-up chinoise Horizon Robotic, qui a levé plus de 2 milliards de dollars depuis 2015, développe par exemple des processeurs adaptables aux ordinateurs de bords des véhicules dans le but d’autonomiser ces derniers.

Extension de la rivalité technologique sino-américaine

Dans le vaste écosystème de l’IA, les solutions de vision par ordinateur deviennent un enjeu industriel à part entière. Selon l’étude Statista – Venture Capital 2021 du marché mondial de l’IA, environ 7,5% des 3200 start-ups productrices de l’IA les mieux capitalisées proposaient des applications de computer vision. Le segment a d’ores et déjà rattrapé celui de la reconnaissance vocale en termes de nombre d’acteurs (6%), et se rapproche de celui des assistants virtuels (8,2%).

Sur le plan géographique, la Chine et les Etats-Unis se disputent le rôle de leader global de la recherche et de l’industrialisation de l’IA, et ont tous deux adopté des politiques volontaristes en la matière. Le parti communiste chinois orientait ainsi dès 2015 la politique économique du secteur par son programme « Made in China 2025 ». Les Etats-Unis s’appuient quant à eux sur leurs agences étatiques pour apporter leur soutien financier aux acteurs privés pourvoyeurs de technologies qu’elle estime prometteuse. Le rapport de force financier entre les deux pôles mondiaux d’excellence technologiques demeure cependant déséquilibré : les Etats-Unis drainent à eux-seuls 58% des investissements mondiaux en matière d’IA, tandis que le rival chinois en cumule 19%.

Bien que des acteurs émergent sur les deux rives du Pacifique, cette géographie des investissements laisse donc présager à moyen terme d’une suprématie des acteurs américains en matière de computer vision.

Le contributeur :


Titulaire d’un MBA en intelligence économique, Fabien Giuliani enseigne la Stratégie, la Prospective et le Management du risque à l’Université de Genève et à la Haute Ecole de Gestion de Genève. Il est également associé à la plateforme Okay Doc qui connecte l’entreprise au monde de la recherche.

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