Connaissez-vous LONGEYE ? La startup qui intéresse de très près les avocats pénalistes américains
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Lors des affaires pénales contemporaines, la quantité de preuves numériques dépasse largement la capacité d’analyse humaine. Téléphones saisis, exports de messageries, enregistrements d’appels, vidéos provenant de caméras fixes ou mobiles, milliers de pages de rapports, le volume augmente à chaque enquête tandis que les délais procéduraux, eux, ne s’allongent pas. La justice pénale n’a jamais été aussi riche en données, mais aussi vulnérable à l’erreur par saturation.
La promesse de la startup américaine Longeye est de permettre aux professionnels du droit d’identifier plus vite les éléments réellement déterminants dans des masses d’informations devenues ingérables. Longeye s’adresse d’abord aux forces de l’ordre, mais son existence n’a pas échappé aux avocats, qui y voient autant une menace potentielle qu’un nouvel outil de contre-enquête.
Le fondateur, Guillaume Delepine, connaît déjà l’écosystème de la sécurité publique. Il a contribué auparavant au lancement de programmes de drones utilisés par des centaines d’agences américaines. En observant ce secteur, il a constaté une évolution paradoxale, plus les services de police intègrent de technologie, plus la quantité d’informations collectées explose, et plus le travail manuel d’analyse devient un gouffre opérationnel. Longeye est né de cette disproportion entre la collecte et l’exploitation, avec pour idée centrale que si l’IA permet aujourd’hui de trier des millions de contenus dans le secteur privé, pourquoi ne pourrait-elle pas aider la justice à faire émerger les signaux essentiels au milieu du bruit numérique ?
La plateforme fonctionne comme un workspace sécurisé dans lequel les enquêteurs déposent des preuves déjà obtenues légalement : enregistrements audio, images, documents, exports de téléphones ou de réseaux sociaux. L’IA analyse ces données en fonction des paramètres du dossier, personnes mentionnées, lieux, événements, objets, et hiérarchise les contenus selon leur pertinence présumée. Là où un enquêteur peut passer des semaines à écouter des appels ou à parcourir des PDF, Longeye promet des résultats en quelques heures.
L’élément le plus notable, et celui qui intéresse particulièrement les avocats, réside dans la manière dont l’outil encadre l’usage de l’IA. Chaque synthèse générée renvoie automatiquement à la preuve primaire. Aucun résumé n’est affiché seul, aucune corrélation n’est présentée sans son extrait original. Longeye cherche à éviter les zones grises, les interprétations automatiques sans source, et surtout les « hallucinations » qui fragilisent tant les modèles de langage. Elle permet à la défense de vérifier, de contester ou de recontextualiser les conclusions de l’outil, ce qui change profondément la dynamique habituelle des technologies policières.
Ainsi dans une enquête criminelle, un suspect incarcéré avait passé près de cinq cents appels téléphoniques. Les enquêteurs avaient fini par tout écouter manuellement, découvrant au passage des déclarations compromettantes. En injectant les mêmes fichiers dans Longeye, l’outil a isolé les passages clés en quelques heures. Pour les avocats, ce type de situation pose autant de questions qu’il n’apporte de réponses : si la technologie accélère les travaux des enquêteurs, peut-elle être mise à disposition de la défense pour repérer des incohérences, des omissions ou des éléments disculpants perdus dans la masse ? Et que devient l’égalité des armes si seuls certains acteurs disposent de cette capacité analytique ?
Sur ce point, Longeye adopte un positionnement inhabituel et veut offrir gratuitement certains modules aux avocats commis d’office. L’argument est stratégique autant qu’éthique. Une justice qui accélère l’analyse uniquement pour l’accusation crée mécaniquement des angles morts pour la défense. À l’inverse, un outil accessible aux deux parties pourrait renforcer la qualité du débat contradictoire et réduire les délais d’instruction, à condition évidemment que les standards de transparence et d’auditabilité soient respectés.
L’arrivée de Longeye intervient à un moment particulier, aux États-Unis, plusieurs États discutent déjà de normes encadrant l’usage de l’IA dans les enquêtes. En Europe, l’AI Act s’apprête à classer certaines technologies comme « à haut risque », en imposant des obligations de traçabilité, de documentation et de contrôle.
Pour les avocats, la question n’est plus théorique, car sii les forces de l’ordre se dotent d’outils permettant d’analyser des dossiers colossaux en quelques heures, la défense peut-elle continuer à travailler sans instruments équivalents ? Peut-on mener une contre-enquête rigoureuse sans capacité à explorer des bases de données volumineuses ? Et comment s’assurer que ces outils restent un support du contradictoire plutôt qu’un avantage technologique unilatéral ?
Longeye n’en est encore qu’au début de son déploiement, mais sa philosophie, une IA conçue pour être vérifiable et contestable, pourrait bien devenir un modèle pour les technologies d’enquête de nouvelle génération.
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