Laurence FaguerLes Experts

Jamais de soldes et 60% de trafic direct: les raisons du succès de la marque Hammitt

Interview de Tony Drockton, fondateur de Hammitt, par Laurence Faguer, expert retail FrenchWeb

Entretien réalisé au siège de la marque de sacs à main Hammitt à Hermosa Beach, Californie, USA. 

Avez-vous déjà pris un moment au cours d’un séjour en Californie pour vous promener à Hermosa Beach? A côté de ses voisines populaires Venice Beach et Santa Monica, Hermosa Beach est un joyau: quelques promeneurs locaux qui vous croisent en vous saluant, des boutiques restées authentiques et une vue sur l’océan à couper le souffle. Pas étonnant que Hammitt Los Angeles, la marque de sacs à main américaine qui connaît la croissance la plus rapide de l’industrie, soit arrivée ici il y a 11 ans –contre l’avis des experts– et qu’elle envisage de rester ici.

Au coeur de l’été, entourée d’une profusion de sacs à main ultra désirables, je me suis entretenue avec Tony Drockton, fondateur et Chief Cheerleader de Hammitt, à propos de cette marque de sacs à main parmi les plus dynamiques de notre époque, qui n’est jamais tombée dans la spirale infernale des promotions et se considère comme un «connecteur», encourageant les conversations entre femmes qui se reconnaissent par l’entremise de rivets, la signature de la marque.

En bref

  • Le fondateur de Hammitt, Tony Drockton, regarde les marques de luxe européennes non seulement pour leurs produits, mais aussi pour leur business modèles, qui montrent comment «ils placent la qualité et le design au premier plan, ce qui fait que le client aime cette marque pour la vie».
  • Par conséquent, le fait d’avoir un business modèle fondé sur l’intégrité des prix, l’intégrité des produits et l’intégrité de la marque permet à Hammitt de se développer davantage comme une maison européenne que les autres marques américaines.
  • Fondée en 2008, Hammitt est devenu rapidement un chouchou de la culture pop. La majorité du trafic en ligne est direct —plus de 60%.
  • Les acheteurs peuvent découvrir Hammitt dans plus de 800 magasins américains, dont plusieurs grands magasins importants.
  • Cet été, Hammitt a ouvert sa première boutique en Californie, dans le splendide mall, très couru, de South Coast Plaza à Orange County, CA.
  • Dans cette interview, Tony Drockton, fondateur et auto-proclamé «Chief Cheerleader», explique comment le business modèle unique de Hammitt, avec ses prix non promotionnels et son géo-fencing Facebook et Instagram, aide à créer une authenticité et à bâtir la confiance dans un marché hautement concurrentiel.

Interview

Tony Drockton Founder and Chief Cheerleader, Hammitt.

:: Le marché des sacs à main est très concurrentiel. Qu’est-ce qui distingue Hammitt?  

Tony Drockton : Je pense qu’à l’heure actuelle, toute industrie est concurrentielle. Donc, tout d’abord, je ne regarde pas ce que fait la concurrence pour décider où nous allons.

J’ai remonté le temps afin d’étudier ce que faisaient les grands retailers, dans les années 40, 70, 2 000, jusqu’à aujourd’hui. Il s’agissait toujours de produits de haute qualité, d’un service de haute qualité et d’accorder la priorité au client.

Ce sont les bases des affaires. Je pense que ce qui nous permet d’être distinctif, c’est que beaucoup de grandes marques de sacs à main l’oublient. Il y avait une ouverture –et il y en a encore– pour qu’une marque revienne à ces fondamentaux et maintienne la qualité des produits et des partenariats.

En fin de compte, notre force de vente la plus importante, ce sont nos clients et nos partenaires grossistes. Plus ils aiment la marque et crient notre nom sur les toits, plus nous touchons de gens.

Sur le plan esthétique, nous avons été inspirés par le Burberry check, reconnu dans le monde entier. Pourquoi ne pas faire de notre signature «rivet» l’équivalent du check de Burberry?

C’est une manière de procéder. Ce n’est pas la voie à suivre pour tout le monde, mais pour Hammitt, c’est une façon pour nous d’avoir un look & feel distinct qu’une personne peut reconnaître de l’autre côté de la rue.

Hermossa Beach, California

:: Hammitt n’est jamais en solde et ne fait pas de promotion. Comment est-ce possible dans ce marché concurrentiel? 

Tony Drockton : Avoir un business modèle construit autour de l’intégrité des prix, de l’intégrité des produits et de l’intégrité de la marque vous permet de croître comme les grandes maisons européennes.

Nous savons que nous fabriquons des produits de la plus haute qualité. Nous savons que nous voulons construire une marque pour le long terme. La seule chose que vous devez contrôler pour le faire, c’est le prix. Aux États-Unis, nous avons une loi qui protège légalement le prix, appelée MAP (Minimum Average Pricing), donc ici, au moins, c’est un peu plus facile que dans le reste du monde.

Apple a longtemps suivi ce prix MAP, les principales lignes de Lululemon sont prix MAP. Il y a beaucoup de marques qui ne sont jamais en solde et qui, par conséquent, attirent un très grand nombre de clients. Je suis la voie tracée par ces grandes marques. Malheureusement, cela limite notre distribution sur tous les canaux de vente, car il n’y a pas beaucoup d’excellents partenaires qui suivent le MAP, surtout dans l’univers  des grands magasins.

Mais nous en avons de très bons. Nous travaillons avec beaucoup de retailer spécialités et de grands resorts dont le Montage et le Four Seasons. Nous vendons par l’intermédiaire de QVC, et ils nous commercialisent au même prix que tout le monde. Il n’y a pas de réduction, pas de spécial.

Je pense qu’à mesure que nous grandirons, les autres grands magasins voudront nous avoir chez eux et seront d’accord avec notre politique de prix. En faisant celà, la concurrence est alors basée sur la sélection que ces partenaires effectuent. Si un magasin spécialisé veut vendre plus qu’un autre, il doit avoir de meilleurs produits et plus de produits. Ainsi, cela incite vraiment tous nos partenaires à offrir notre collection complète, de sorte qu’ils capturent la vente en fonction du produit qui convient le mieux à leurs clients, et non en fonction de leur offre à des prix plus bas.

 

:: Vous avez créé Hammitt il y a dix ans autour de l’idée d’une communauté. Aujourd’hui, de nombreuses marques de vente directe au consommateur prétendent avoir une communauté. Qu’est-ce qui vous a fait penser à l’époque qu’il serait important de bâtir une communauté pour développer une marque?

Tony Drockton : Nous vivons dans une petite ville au bord de l’Océan qui a été construite de cette façon. Hermosa Beach, en Californie, est vraiment un endroit où des personnes se sont installées, venant d’ailleurs, pour la plupart. Elles sont venues à Hermosa à la recherche d’une communauté. Ici, tout le monde dit bonjour et tout le monde s’entraide pour élever ses enfants. Je voulais que cet esprit fasse partie de l’ADN de notre marque.

Plus encore, cela fait partie de l’histoire de notre marque. Nous avons vendu nos tous premiers sacs lors de party shopping à domicile. Des voisines ont partagé vin et fromage tout en découvrant nos créations, puis elles en ont acheté et les ont ramenées chez elles. De là, localement, la marque s’est propagée comme une traînée de poudre. Le sac à main était bien plus qu’un sac à main. Le sac à main était le souvenir d’une soirée paisible et joyeuse, remplie d’amitié et de toutes les belles choses de la vie.

Nous essayons de créer ce type d’environnement à travers le pays, de nos trunk shows à notre nouveau magasin. Notre but est de rassembler les personnes pour qu’elles puissent se connecter une à la fois. Ma vision du monde est celle de deux femmes marchant dans la rue, repérant portant un sac Hamitt chez l’une et l’autre et disant:

«Oh mon Dieu, j’adore votre sac!»

 «J’adore votre sac!»

 «Où avez-vous découvert Hammitt?»

«Dans la boutique en ville! Et vous?»

Ces deux femmes vont probablement découvrir qu’elles ont de nombreux amis communs. Des Texans m’ont envoyé une photo de l’aéroport. «Oh mon Dieu, je me suis assis ici avec Maria parce que nous avons le même sac et nous avons commencé à parler, et maintenant nous prenons des cocktails et nous devions absolument vous envoyer cette photo.» C’est merveilleux.

Et ça doit être authentique. Vous ne pouvez pas créer par vous-même cet effet d’avoir deux personnes qui veulent se dire bonjour simplement parce qu’elles portent la même marque. Vous ne pouvez pas créer ça. Elles doivent le créer.

Ce que nous essayons de faire, c’est que peu importe où les clients acquièrent notre marque —partenaire retail, grossiste, petit magasin spécialisé, le Four Seasons, notre propre magasin, nos trunk shows, nos événements— nous espérons qu’ils auront une expérience magnifique. Nous voulons que notre sac soit le rappel de cette joie.

Hammitt
Les fans de Hammitt se sont retrouvés en voisin sur le rooftop de Hammitt à Hermosa Beach pour le duo préféré de tous: Rivets et Rosé! Credit: Hammitt.

Fondée par Nick Arquette en 2005, Walk With Sally offre de l’espoir grâce à un mentorat individualisé et à des services de soutien communautaire afin d’aider les enfants qui vivent un traumatisme à traverser l’expérience du cancer d’un parent, tuteur frère ou sœur. Chaque été, Walk With Sally organise la soirée White Light White Night, une célébration des meilleurs mets et expériences de la région qui soutient le programme de mentorat de la WWS. Cette année, Hammitt a accueilli la tente VIP de cet événement.

Les participants ont été invités à acheter un nombre limité de boîtes «mystère» Hammitt pour soutenir Walk With Sally, et échanger avec l’équipe de Hammitt autour de sirops, de bouchées salées, de musique et de jeux d’arcade. Voici un aperçu de la fête!

Credit : Hammitt.

Le client a besoin d’entrer en contact avec un produit plusieurs fois avant même de réaliser qu’il l’aime.  

 

:: Quels sont vos meilleurs canaux d’acquisition en ce moment?

Tony Drockton : Aujourd’hui, notre meilleure source d’acquisition sont nos quatre canaux suivants : en ligne, beaucoup de nos nouveaux clients viennent par le biais de nos emails, de notre publicité, nos canaux sociaux, notre marketing de l’influence et par le bouche à oreille. La majorité de notre trafic en ligne est direct — plus de 60%. C’est beaucoup.

Mais cela ne dit pas tout. Je crois que tout ceci est la résultante du offline. Je pense que c’est tout ce que nous faisons offline, s’adresser au client tellement de fois, qui explique que finalement, quand ils nous voient sur Facebook, Instagram, ils finissent par dire : «Ah je crois que ma petite amie avait ce sac à un match de baseball». «Je crois que j’en ai vu un de l’autre côté de la rue et il a attiré mon attention.»

Je pense que le client a besoin d’entrer en contact avec un produit plusieurs fois avant même de réaliser qu’il l’aime. C’est à ce moment-là que certains produits ou certaines conceptions connaissent un tipping point. Tout le monde veut ce produit. Assez de gens entrent en contact et ça devient le IT bag.

Nous commençons à connaître des moments comme ceux-là. Récemment, nous avons créer un petit sac Tony clair. Nous l’avons mis en ligne discrètement un dimanche et l’avons affiché sur le site social, et ils se sont tous vendus en moins d’une journée. Il y en avait beaucoup. Cela ne s’était jamais produit. Ce sont des moments amusants. 

Hannah G., ancienne participante au Bachelor, collabore avec Hammitt sur une collection capsule de sacs à main pour toutes les occasions – Credit: Hammitt.

Mais avant qu’il n’y ait le digital, le social, avant même d’avoir une liste d’adresses électroniques, notre meilleure manière d’acquérir des clients était par l’intermédiaire de nos partenaires grossistes. Nous avons donc construit ces relations de boutique à boutique, une à la fois. Nous avons gagné leur confiance et ils nous ont parlé de nous à leurs clients qui leur faisaient confiance.

Au cours des cinq premières années, c’est ainsi que nous avons bâti la marque à 100 %, en plus d’organiser de petits événements et des fêtes locales, à partir de soirées à domicile, qui se sont transformées en soirées dans des galeries, puis en soirées dans des country club. Deux fois par an, nous réunissons mille deux cents amis pour partager des cocktails et des mets et choisir des sacs à main Hammitt. C’était notre meilleur canal d’origine.

Hammitt a reçu à New York en septembre dernier le Design Excellence Award pour son sac Dillon. 

Hammitt designer Jeanne Allen and Tony Drocktron – Crédit : Hammitt.

 

J’aime à dire que Hammitt s’est construit capital efficiently

:: C’est beaucoup de travail

Tony Drockton : C’est vrai. Si vous avez cent millions de dollars pour démarrer, vous pourriez le faire différemment [rires]. J’aime à dire que Hammitt s’est construit «capital efficiently». Cela signifie que nous devions gagner assez d’argent chaque mois pour garder la lumière allumée, pour passer au mois suivant, au mois suivant, à l’année suivante.

 

:: Vous avez commencé à travailler avec QVC l’année dernière. Est-ce que QVC est un canal efficace pour Hammitt?

Tony Drockton : Nous sommes très satisfaits des résultats. Avec tous nos partenaires, le plus important pour nous est la confiance partagée. Lorsque vous essayez de construire la marque sur une intégrité de prix, et de protéger cette intégrité, vous devez être en confiance, parce que si un partenaire n’a pas les mêmes intentions, il y a beaucoup de raccourcis qui peuvent vous nuire.

QVC nous a vraiment soutenus sur l’intégrité des prix. Nous avons tout vendu l’an dernier lors de notre première apparition à l’antenne, notre deuxième apparition nous avons fait environ 200% de notre objectif, et puis cette année, ils m’ont demandé de revenir, en août, et pour le lancement de la Fashion Week à New York — cela l’appelle le QVC Runway — et ensuite plusieurs fois jusqu’à la fin de l’année.

Cette année, nous leur avons apporté quelques exclusivités.  Mais là encore, c’est au même prix et à la même qualité, mais c’est uniquement pour QVC. Ce sont des gens formidables : ils font ce qu’ils disent, ils sont très directs, ce sont des retailers extraordinaires. Ils savent comment vendre !

Hammitt sur QVC

:: Créer du trafic en magasin est fondamental. Hammitt fait beaucoup de shows, d’apparitions et d’événements pop-up. Comment faites-vous connaître tous ces évènements à vos clients  sur tout le territoire américain?

Tony Drockton : Nous avons notre marketing national. Nous parlons à tous nos influenceurs sociaux. Nous sommes également présents dans certains magazines nationaux de compagnies aériennes – Americain airlines et Delta airlines – pour de la publicité nationale.

Comment amener les gens dans un seul magasin ? Nous faisons du geofencing autour de nos magasins. Ainsi, lorsque les personnes sont prè de la boutique, ils sont exposés à un « Stop and Buy » sur Facebook ou Instagram. Et actuellement pour notre nouveau magasin à South Coast Plaza, ceci est vrai dans tout Orange County.

La boutique de 1 100 square-foot est la première boutique de Hammitt, qui se tourne désormais vers la vente directe.

Nous faisons également du geofencing autour des magasins individuels de nos partenaires les plus importants. Nous faisons de la publicité pour attirer les fans de Hammitt dans les magasins de nos partenaires grossistes pour acheter le produit et cela fonctionne très bien. Je pense que c’est quelque chose que beaucoup de marques ont arrêté de faire. Ils avaient l’habitude de faire de la publicité pour soutenir leurs ventes auprès de leurs partenaires grossistes et je pense que beaucoup de marques directes ont oublié à quel point il est important que tous vos canaux ait du succès.

Lorsque la situation économique devient difficile, peu importe le nombre de magasins ou le nombre de clients qui achèteront directement chez vous –beaucoup de marques y parviendront– mais si vous avez de très bons partenariats, alors vous gagnez.

First-ever home-state store at South Coast Plaza in Costa Mesa, California.

De plus, nous faisons beaucoup d’activations avec certains des associations de bienfaisance locales que nous avons rencontrées grâce au partenariat avec South Coast Plaza. Ils ont leur propre équipe de marketing et de relations publiques, ce qui nous permet d’accéder à leur propre base de données et d’amener leurs clients dans notre magasin.

Et bien sûr, nous avons notre propre base d’emails, grâce à laquelle nous faisons savoir aux gens que nous avons ouvert un magasin dans Orange County et leur proposons de passer nous voir. Donc, avec toutes ces actions, cela va nous apporter plus de trafic.

Le plus important, évidemment, c’est d’avoir un bon emplacement. Il s’agit donc d’encourager les gens à entrer, mais aussi d’inciter les gens qui entrent dans ce centre commercial à vouloir venir voir les produits. Le design du magasin est très allégé, frais et clean – il n’est pas encombré. Esthétiquement, je pense que c’est différent de beaucoup de magasins dans le centre commercial.

 

:: Voulez-vous avoir plus de magasins à l’avenir ?

Tony Drockton : Oui. Nous voulons qu’ils ne soient pas seulement des outils de marketing, mais des emplacements rentables que nous pouvons mesurer sur des critères concrets.

 

::Quels sont les paramètres que vous examinez ?

Tony Drockton : Premièrement, nous examinons les ventes dans le magasin. Deuxièmement, nous examinons le trafic digital des 10 à 12 derniers mois dans la région et nous comparons comment ce trafic en ligne a changé après l’ouverture du magasin. Est-ce que cela a un effet sur les gens qui peuvent se rendre à notre magasin en voiture ?

Troisièmement, nous examinons nos ventes digitales dans tout Orange County –même à Los Angeles parce que les gens de L.A. s’y rendront en voiture. Et aussi comment nos partenaires grossistes vendent-ils ? Entre le trafic en ligne, les ventes en ligne, les ventes de nos partenaires et le trafic, et la vente dans notre magasin, vous avez d’excellentes données pour mesurer si le magasin est rentable.

Je pense que l’une des grandes erreurs à l’heure actuelle, c’est que les personnes essaient de séparer le online, des ventes de leurs magasin et des ventes des partenaires grossistes. Tout doit fonctionner ensemble. Si le magasin génère une augmentation dans la région, par rapport au coût total, alors c’est un gagnant.

Je dépense de l’argent pour faire venir acheter sur mon site, ce n’est pas gratuit. Mais je crois que le magasin lui-même devoir être rentable à un moment donné, par lui-même. Mais au début, il faut mesurer.

Hier, nous avons eu des clients d’un grand magasin qui avaient reçu l’un de nos sacs sous la forme d’un cadeau en ligne;  ils sont allés dans notre magasin pour le retourner et ont acheté un autre sac sur le champs. Cela n’arriverait pas si nous n’avions pas eu ce magasin. Ils l’auraient juste rendu. Ils ne se dérangeraient pas. Notre cliente nous a dit qu’elle n’aimait pas vraiment le sac, qu’elle n’était pas sûre de la marque, mais comme nous avions un magasin, ils sont venus, ils sont tombés amoureux de la marque et sont partis avec un style différent, qui était davantage le leur.

« Il y a un style de vie à Hermosa Beach que vous pouvez reproduire » 

:: Quelle différence cela fait-il de développer une marque en Californie –et encore mieux, sur le littoral de Hermosa Beach– par rapport à des lieux de mode plus traditionnels comme Paris ou Milan?

Tony Drockton : Eh bien, c’est drôle. Quand je suis entré dans l’entreprise, on m’a dit qu’il fallait que je sois à New York pour construire une marque de mode ou de luxe et que si j’étais bon, je pourrais aller à L.A. et alors qu’il fallait que je sois au centre-ville où sont toutes les marques.  Mais je n’écoute pas dans ces cas-là. Quand les gens disent : «Tout le monde le fait! J’entends: «Faux!».

Je crois que, surtout avec la technologie, vous n’êtes plus confiné à l’emplacement physique, quand il s’agit de créativité et de personnes formidables. Alors je me suis dit, je resterai aussi longtemps que possible, et si je devais déménager à New York, j’irais.

Mais ce que j’ai découvert, c’est que les gens sont attirés par ce lieu, pour  venir y travailler. Nous sommes juste à côté de l’océan. La South Bay est un lieu phare pour la créativité, la technologie, le divertissement, la mode, la musique. Il a tout ce qu’il faut. Il y a un style de vie que vous ne pouvez pas reproduire. Il y a une petite marque juste à côté, Skechers, que les gens ne connaissent peut-être pas partout dans le monde, mais c’est la marque américaine qui se classe parmi les trois premières entreprises de chaussures, et c’est à partir de là qu’elle est construite. Je ne suis donc pas le premier à y penser! Je resterai ici aussi longtemps que possible.

Hammitt designer Jeanne Allen. Août 2019 –

Les entreprises qui investissent dans l’esthétique ont raison de le faire

:: Certains grands magasins font des changements radicaux parce qu’ils en ont besoin. Avez-vous vu quelque chose de vraiment génial chez les retailers que vous avez visités récemment?

Tony Drockton : Évidemment, il y a beaucoup de grands magasins différents aux États-Unis, certains sont en difficulté, mais ils ont leur positionnement.

Mon opinion, c’est qu’il faut revenir à l’essentiel. Par exemple, Saks à New York vient de terminer une magnifique transformation. C’est beau, il y a un escalier roulant circulaire au milieu, un espace de chaussures incroyable. Et Hudson Yards : C’est splendide, cela donne envie de faire du shopping. Les entreprises qui investissent dans l’esthétique ont raison de le faire, je crois. Je sais que c’est douloureux, surtout quand les affaires ne vont pas bien, mais si vous n’avez pas un beau magasin moderne, vous avez perdu avant d’avoir commencé.

Dillard’s a rajeuni ses 270 magasins: ils sont modernes –ils ne sont pas aussi encombrés que ces vieux grands magasins– et ils se portent très bien. Je crois qu’au cours des deux dernières années, Dillard’s est le seul grand magasin où l’action a augmenté, et fortement. Personne n’en parle, ils sont publics, mais ils ne sont pas dans la presse et n’ont pas d’agence de relations publiques, mais ce sont des magasins rajeunis en permanence et ils font entrer d’excellentes marques grâce à cela.

Et ils ne sont pas non plus promotionnels, dans le fait que les prix ne fluctuent pas quotidiennement. Leur philosophie est la suivante: c’est le plein prix, jusqu’à ce que l’article soit plus vieux, alors ils font une démarque, et puis il disparaît. Il s’agit d’un business modèle très simple, qui a, je pense, la confiance du client.

La troisième chose, c’est qu’il y du personnel à tous les étages, il y a beaucoup de personnes prêtes à vous aider. C’est la base d’un bon business, non?

 

:: Et qu’en est-il des nouveaux concepts californiens? 

Tony Drockton : En ce qui concerne les retailers que j’ai vu par ici, le Dover Street Market (à Los Angeles, New York, Londres, Tokyo, Singapour, Pékin) (ndlr : Le septième, consacré aux cosmétiques, a ouvert à Paris ce mois-ci). Il y a des marques très cool haut de gamme. La façon dont ils agencent le magasin est intéressante, ils apportent de la créativité, de l’art. C’est amusant. Ils le font bien. Il y a aussi Chelsea Market à New York qui fait bien les choses.

Il y a beaucoup de B8ta en Amérique. Je trouve cela intéressant, mais pour moi, c’est une expérience incohérente, ce qui signifie qu’il y a beaucoup de marques propriétaires différentes dans le magasin, et je ne me sens pas connecté au magasin. Mais s’ils le font correctement, si vous avez le sentiment que tout le monde fait partie de la même équipe, cela pourrait être une très bonne expérience.

 

:: Quelles sont vos sources d’inspiration? 

Tony Drockton : Quand il s’agit de design, pour que quelque chose accroche vraiment, il faut qu’il y ait ce que Malcolm Gladwell appelait dans son ancien livre «Tipping Point» un «moment du bracelet de tennis». La raison pour laquelle le nom de «bracelet de tennis» a décollé est parce qu’il fait référence à l’époque où Chris Evert a cassé son bracelet de diamant lors d’un match de l’US Open en 1978. Soudain, tout le monde a voulu avoir celui-là.

Ces moments n’arrivent pas très souvent, mais si vous y prêtez attention, et que vous êtes capable de le voir, c’est une grande source d’inspiration. Le premier bijoutier qui s’est dit « Oh, tout le monde voudra ce bracelet de tennis» a probablement gagné beaucoup d’argent.

Mes inspirations principales sont l’art, l’architecture, le design. Également les festivals de musique. Je suis inspiré par les grands groupes de personnes qui se réunissent. Ce pourrait être le festival de Coachella, ou rester autour de l’Arc de Triomphe ou de la fontaine de Trevi.

 

:: Que préparez-vous pour l’année prochaine?

Tony Drockton : Nous prévoyons d’ouvrir un nouveau magasin en 2020, une distribution internationale pour quelques marchés choisis avec des partenaires grossistes, ouvrir la vente directe en ligne, à l’international, sur certains marchés, de très grandes collaborations avec des designers, avec des célébrités, et avec des marques complémentaires mais pas attendues. Ça devrait être une bonne année!

Pour aller plus loin

Video : https://youtu.be/hkeOM2fq6Gc

La correspondante:

Laurence Faguer est une marketeuse et entrepreneuse « go-between » France et USA, fondatrice de Customer Insight.

A la demande d’entreprises françaises, elle repère en personne les innovations en Digital, Mobile et Retail aux Etats-Unis, avant qu’elles ne soient connues en France, puis les aide à transposer avec succès ces stratégies ayant fait leur preuve aux U.S.

Laurence est expert US pour FrenchWeb qui reprend de temps à autres la publication des articles de son blog.

 

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