
[Video] Gabriel Zucman face aux inquiétudes de la French Tech lors du France Digitale Day
📩 Pour nous contacter: redaction@frenchweb.fr
La clôture du France Digital Day a offert une scène singulière avec un échange entre Gabriel Zucman, professeur à l’École normale supérieure et directeur de l’Observatoire européen de la fiscalité, et Philippe Aghion, professeur au Collège de France, à l’INSEAD et à la London School of Economics. Devant plusieurs centaines d’entrepreneurs et d’investisseurs, les deux économistes ont débattu du sujet de la taxation des grandes fortunes et de ses effets potentiels sur l’innovation.
Une taxe qui cible 1 800 contribuables
La proposition défendue par Gabriel Zucman consiste à instaurer un impôt minimum de 2 % sur le patrimoine des foyers fiscaux détenant plus de 100 millions d’euros, soit environ 1 800 personnes en France. Cet impôt ne viserait pas les entreprises mais les particuliers. « Il ne s’agit pas de surtaxer ceux qui paient déjà beaucoup, a rappelé Gabriel Zucman, mais d’empêcher que les milliardaires paient moins que les classes moyennes. »
Pour appuyer son raisonnement, l’économiste mobilise des précédents historiques. Il cite la création de l’impôt progressif sur le revenu au début du XXe siècle, qui avait déclenché les mêmes prédictions catastrophistes : « Les adversaires de Joseph Caillaux prédisaient la mort de l’innovation et de l’esprit d’entreprise. L’histoire a montré l’inverse. L’impôt progressif a permis de financer l’éducation et la recherche, moteurs essentiels de la productivité et de la croissance. »
Le risque d’atteindre l’outil de travail
Philippe Aghion, tout en partageant l’objectif redistributif, met en garde contre une application aveugle. « Mon problème avec le dispositif proposé par Gabriel, c’est qu’il inclut l’outil de travail. Taxer un patrimoine professionnel dont la valorisation est volatile et non réalisée, ce n’est pas juste », a-t-il insisté.
Selon lui, l’effet concret pourrait être contre-productif. « Regardez le cas de l’intelligence artificielle. Des entrepreneurs comme Arthur Mensch, à la tête de Mistral AI, n’ont pas encore de cash flow (liquidités ndlr;) mais doivent réinvestir chaque euro dans leur entreprise pour rester compétitifs. Leur demander de vendre des parts pour payer un impôt reviendrait à affaiblir la France au moment même où elle peut jouer un rôle majeur dans la révolution IA. »
Convergences et divergences
Les deux intervenants ont convenu sur plusieurs points : la nécessité d’une fiscalité progressive, l’importance d’impliquer davantage les hauts patrimoines et la lutte contre l’utilisation abusive des holdings patrimoniales pour échapper à l’impôt. Mais leurs visions divergent sur la méthode et l’échelle.
Gabriel Zucman a balayé l’argument de l’illiquidité en évoquant l’exemple américain : « On disait la même chose de la fortune d’Elon Musk, soi-disant virtuelle. Puis, du jour au lendemain, il a trouvé des dizaines de milliards pour racheter Twitter. La richesse existe et elle confère un pouvoir bien réel. »
Philippe Aghion a répliqué en proposant d’autres pistes : « Je suis favorable à une contribution plus forte des hauts patrimoines, mais il existe des alternatives. On peut rétablir l’ISF, taxer les ressources non productives placées dans les holdings, ou encore exonérer les entreprises de moins de dix ans d’une taxe de ce type. »
La dimension européenne
La question de l’échelle est apparue centrale. Philippe Aghion considère qu’une taxe adoptée uniquement en France ferait perdre les gains d’attractivité durement acquis : « La France est déjà l’un des pays qui taxent le plus le capital avec le Danemark et le Luxembourg. Si elle agit seule, elle se transforme en prison fiscale. »
Zucman défend une logique inverse, estimant que la France doit jouer un rôle moteur : « La TVA a été inventée ici en 1954 avant d’être reprise par le monde entier. La taxe sur les services numériques a suivi le même chemin. Il faut parfois commencer seuls pour entraîner les autres. »
Un dilemme pour la French Tech
L’échange a mis en évidence un dilemme central pour l’écosystème. Si les fondateurs de startups ne pensent pas à la fiscalité au moment de créer leur entreprise, mais l’incertitude peut devenir un frein dès lors que leur société atteint de fortes valorisations. Comme l’a résumé Frédéric Mazella, co-président de France Digitale en introduction : « Nos 16 000 entreprises représentent plus d’1,5 million d’emplois directs et indirects. Leur équilibre repose sur l’attractivité de la France pour les talents et les capitaux. »
Gabriel Zucman rappelle de son côté que « la proposition ne concerne pas les entrepreneurs au début de leur parcours, mais les milliardaires qui, aujourd’hui, sortent du champ de la solidarité nationale ». Phillipe Aghion répond qu’il ne veut pas « que la France, après avoir manqué la révolution des technologies de l’information, manque celle de l’intelligence artificielle ».
Entre justice fiscale et compétitivité internationale, le débat reste ouvert, en conclusion du débat, Maya Noel Directrice Générale de France Digitale a proposé au débotté d’organiser un échange avec des entrepreneurs de la Frenchtech et Gabriel Zucman, qui pris au dépourvu a acquiescé des pouces des deux mains. A suivre!…
- [Video] Gabriel Zucman face aux inquiétudes de la French Tech lors du France Digitale Day - 18/09/2025
- FINARY lève 25 millions d’euros pour accélérer sur l’IA appliquée à la gestion de patrimoine - 18/09/2025
- De la RPA à l’Agentic AI : EvoluteIQ lève 44 millions d’euros pour attaquer UIpath et Service Now - 18/09/2025