
Y Combinator accuse Google de freiner l’innovation dans la tech
Dans un amicus brief déposé dans le cadre du procès antitrust intenté par le Département de la Justice des États-Unis à l’encontre de Google, Y Combinator a exprimé une inquiétude rarement formulée publiquement par un acteur aussi central de l’écosystème tech. Selon l’accélérateur, la position dominante de Google nuirait au financement et à l’émergence de nouvelles startups dans des domaines jugés stratégiques, notamment la recherche en ligne et l’intelligence artificielle.
Une « kill zone » autour de Google
Dans ce document transmis à la justice américaine, Y Combinator évoque l’existence d’une « kill zone » – une zone d’ombre dans laquelle les investisseurs hésitent à financer des projets susceptibles d’entrer en concurrence avec Google. Selon le brief, cette dynamique « dissuade l’investissement en capital-risque dans des domaines critiques de l’économie numérique », et « contribue à figer le paysage technologique américain ».
Le texte précise : « Lorsque Google occupe déjà un marché, les startups ne sont souvent pas considérées comme investissables. Non pas en raison d’un défaut d’ambition ou de qualité technologique, mais du simple fait qu’il existe une forte probabilité que l’entreprise dominante utilise son pouvoir de marché pour en neutraliser la croissance. »
Une critique ciblée sur les pratiques de Google
Le document pointe plus précisément deux pratiques jugées problématiques. D’une part, les accords exclusifs entre Google et les fabricants d’appareils ou d’OS, notamment celui qui permet à Google de rester le moteur par défaut sur Safari, moyennant plusieurs milliards de dollars versés à Apple chaque année. D’autre part, le contrôle exclusif de l’index de recherche, qui rend difficile l’entraînement de modèles d’intelligence artificielle concurrents.
« Il est de plus en plus difficile pour les startups développant des agents IA ou des modèles de réponse intelligente de rivaliser dans un environnement où Google possède à la fois la donnée, l’accès aux utilisateurs et l’infrastructure », affirme Y Combinator, qui appelle à l’ouverture encadrée de l’index à d’autres acteurs sous conditions transparentes.
Un appel à la réforme, pas au démantèlement
Contrairement à certaines positions plus radicales, Y Combinator ne demande pas la scission de Google. Le brief propose à la place un délai de cinq ans pour revoir certaines pratiques et mettre en place une régulation plus favorable à la concurrence. « Si aucune réforme significative n’est engagée, les autorités devront envisager des mesures structurelles plus contraignantes, y compris le recours à des séparations d’activités », précise l’accélérateur.
Le président de Y Combinator, Garry Tan, a résumé cette position dans une formule : « Nous ne souhaitons pas un démantèlement de principe, mais nous devons conserver le recours au ‘spinoff hammer’ comme levier si les choses n’évoluent pas. »
Une position ambivalente
La démarche de Y Combinator suscite différentes interrogations, dans la mesure où les liens entre l’accélérateur et Google sont anciens et multiples. Google Cloud est partenaire de longue date du programme, apportant aux jeunes pousses soutenues par YC un accès privilégié à des ressources techniques comme les GPU Nvidia. Par ailleurs, Google a acquis ou investi dans plusieurs startups issues du portefeuille de Y Combinator.
Dans le même temps, YC est historiquement lié à OpenAI, concurrent direct de Google dans la course à l’intelligence artificielle. OpenAI a été fondée sous l’égide de YC Research et dirigée à ses débuts par Sam Altman, alors président de l’accélérateur.
Un débat structurant pour l’avenir du secteur
Au-delà des tensions conjoncturelles, cette prise de position reflète une évolution plus profonde dans les rapports de force entre les grands groupes technologiques et les promoteurs de l’innovation. L’accélérateur californien, historiquement associé à l’émergence de champions de la tech, semble désormais défendre une vision plus pluraliste de la dynamique concurrentielle, où la domination prolongée d’un acteur, fût-il historiquement innovant, pourrait nuire à la prochaine génération d’entrepreneurs. Reste à savoir quelle influence aura cette prise de position dans la procédure engagée contre Google.
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