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YouTube, bientôt n°1 mondial des médias : comment la plateforme redéfinit l’économie de l’attention

À vingt ans, YouTube est sur le point de devenir la première entreprise média mondiale en chiffre d’affaires. Selon les dernières estimations de MoffettNathanson, la filiale d’Alphabet pourrait dépasser Disney en 2025, forte de plus de 54 milliards de dollars de revenus générés en 2024, et d’un premier trimestre 2025 à 8,93 milliards de dollars de recettes publicitaires — en hausse de 10,3 % sur un an. Cette dynamique place la plateforme au cœur d’un basculement structurel du secteur : celui de la centralisation de l’économie de l’attention autour des infrastructures numériques.

Une régularité de croissance qui surpasse les majors

YouTube affiche désormais une trajectoire de croissance qui tranche avec la stagnation relative des acteurs historiques du divertissement. Le modèle d’affaires, hybride entre publicité et abonnements, permet de lisser les effets de cycle. L’activité publicitaire, qui représentait environ 65 % du chiffre d’affaires en 2024, continue de progresser malgré les tensions macroéconomiques et les menaces réglementaires.

Le reste repose sur une base d’abonnés en forte expansion. Alphabet déclare désormais 270 millions d’abonnements payants, tous services confondus, dont 125 millions pour YouTube Premium et YouTube Music. La société a récemment lancé une version « Premium Lite » à 7,99 dollars pour séduire les utilisateurs sensibles au prix, tout en maintenant une offre complète à 13,99 dollars. La montée en puissance de ces offres conforte la diversification du modèle.

Une position de monopole au cœur des tensions juridiques

Alors qu’elle s’impose comme acteur central du secteur, la plateforme reste sous la menace croissante des régulateurs. Le département de la Justice américain accuse Google d’avoir instauré des monopoles illégaux dans la publicité numérique et la recherche en ligne. Parmi les mesures évoquées : une obligation de cession de Chrome ou l’interdiction de conclure des accords de préinstallation avec des fabricants comme Apple ou Samsung.

Ces contentieux, qui s’ajoutent à des procédures en Europe et en Asie, pourraient bouleverser l’architecture de distribution des produits Alphabet. Néanmoins, aucune de ces menaces n’a, pour l’instant, ralenti la performance opérationnelle de YouTube. Alphabet a même largement dépassé les attentes du marché sur le trimestre, avec 90,23 milliards de dollars de revenus (+12 %) et 34,54 milliards de bénéfices nets (+46 %).

YouTube, produit d’infrastructure

YouTube n’est plus une simple plateforme de contenus. C’est un système d’exploitation mondial de l’expression visuelle, cumulant plus de 20 milliards de vidéos mises en ligne depuis sa création. Cette infrastructure s’impose désormais comme un canal d’apprentissage, de commerce, de formation, de divertissement et de propagande, avec une logique de recommandation algorithmique qui module les comportements sociaux à grande échelle.

L’ampleur de l’emprise ne se mesure plus uniquement en nombre d’utilisateurs, mais en temps d’attention capté, formats dominants, et standardisation culturelle. La plateforme influence directement la forme des récits (vidéos courtes, formats verticaux, chapitrage automatique) et la manière de produire, jusqu’à conditionner les critères d’émergence des talents, des médias ou des marques.

Le basculement économique de l’attention

L’ascension de YouTube souligne une mutation profonde : la valeur médiatique ne réside plus dans les droits ou la production, mais dans la captation algorithmique d’un comportement. Dans ce système, les infrastructures techniques — et non les studios — définissent les règles du jeu. Alphabet est ainsi en train de finaliser un basculement qui consacre les plateformes comme nouveaux centres de gravité économiques et culturels.

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