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Pourquoi ceux qui parient sur la fin des MOOC se trompent lourdement

Enseignements au «rabais», incapables de rivaliser avec de «vrais» cours universitaires, «taux de complétion faibles» : voici ce que l'on entend le plus souvent à l'égard des MOOCS. Cela revient pourtant à nier l'amplitude d'une révolution entamée depuis le milieu des années 2000 et désormais en passe de bouleverser le monde éducatif.

Ainsi, depuis 2012, au moins dix millions de personnes ont déjà suivi un Mooc, tandis que des centaines de cours d'universités prestigieuses sont à présent accessibles gratuitement en quelques effleurements de doigts. Les entreprises ne sont pas en reste et s’intéressent de très près à ces dispositifs qui leur permettent d’accélérer leur transformation digitale en touchant avec efficacité des milliers de collaborateurs aux quatre coins du monde. Et pourtant, la presse regorge d'affirmation de chroniqueurs et analystes autoproclamés, annoncent la fin des Moocs, les limites des Moocs, l’hypocrisie des Moocs, l’absence de rentabilité des Moocs.

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On pourrait là faire un parallèle grinçant avec ce que l'on observait vingt ans auparavant : des experts ­ généralement proches des mondes politiques et académiques dont par charité, on taira les noms annonçant que le Web ne serait qu’un phénomène de mode. Il est vrai qu'alors le Web n'était qu'un prototype poussif de ce qu'il est désormais : des sites qui prenaient des minutes à charger, aux ergonomies discutables, des moteurs de recherche inexistants, des connexions limitées et lentes : y discerner une révolution de nature à changer les fondements de notre civilisation relevait d'un pari fou.

Si l’on avait écouté les apôtres de l’anti­-Web, notre civilisation aurait abandonné une technologie dont les impacts disruptifs ne sont plus à prouver.

Si l’on applique ce raisonnement au phénomène des Moocs, on voit que ce rapport court­ termiste à l’innovation continue de s’appliquer. Que penser pourtant de l'expérience de Sebastian Thrun? À Stanford, il enseignait l'intelligence artificielle auprès d'environ 140 d'élèves. Sur Udacity, une plateforme dont il est l'initiateur­ son premier MOOC a permis d'initier des centaines de milliers d'internautes à cette discipline. Et des dizaines de milliers sont parvenus à l'issue du cursus, faisant dire à M. Thrun que ceux­-là sont d'une compétence «équivalente ou supérieure» à ceux qui sont venus physiquement à son cours de Stanford.

En permettant aux savoirs de pouvoir être distribués à coût marginal, en augmentant leur potentiel pédagogique avec des vidéos, des tests, des animations… en faisait en sorte qu'ils ne soient plus cantonnés à quelques lieux de prestige, en démultipliant de façon spectaculaire le nombre d'apprenants, les Moocs initient une révolution du savoir que l'on pourrait oser comparer à l'invention de la presse à imprimer par Gutenberg.

Une invention qui, en facilitant la distribution des idées et des techniques, n'a certainement pas été étrangère à l'émergence des Lumières et des révolutions industrielles qui ont suivies.

Du soft Power

Il est évident que les Moocs sont largement perfectibles : vidéos souvent trop longues, pauvres d’un point de vue audiovisuel, fréquence d'apprentissage inappropriée, business model encore tatônnant etc. Il ne s'agit pas de copier maladroitement ce qui se passe en amphi, mais bien de profiter des possibilités offertes par le digital et l'interaction pour repenser le protocole pédagogique de sorte à le rendre aussi efficace que possible. Souvent, il est nécessaire d'avancer de manière itérative tant il n'existe que peu de référentiel.

Mais le défi est à la hauteur de l'enjeu. Ainsi il ne fait que peu de doute que les Moocs dit en train de devenir des outils essentiels du «soft power» des nations en diffusant leurs langues, leurs idées et leurs cultures beaucoup plus efficacement que les instituts français, Goethe ou autres. Les Moocs, dans une société de la Connaissance dont les cycles d'innovations s'accroissent à vue d'œil, sont aussi des outils prédestinés pour la formation professionnelle et continue.

Dans notre pays qui compte six millions de sans­ emploi, les Moocs ont certainement un rôle significatif à jouer pour permette à beaucoup d'accéder à une formation initiale. Là encore, à l'égard de populations fragilisées ou n'ayant que peu fréquentée l'école, l'adaptation du protocole pédagogique sera déterminante. Pour ce type d'apprenants, il a été démontré que la part de «présentiel» est déterminante. On assiste également au développement des Moocs d’entreprises, Moocs adaptés aux besoins des entreprises aussi bien d’un point de vue pédagogique que technique.

«L'Éducation inversée»

L’intégration des Moocs dans la formation classique est également en plein essor : on demandera aux participants de se retrouver physiquement à une fréquence plus ou moins élevée afin de valider ensemble ce qu'ils apprennent. Cela procède aussi de ce que l'on appelle «l'Education inversée» ou plus largement le «blended learning» : les cours devant la tablette à la maison et les devoirs en groupe et donc en présentiel pour valider les connaissances acquises. Dans ces cas, les besoins en infrastructure ­locaux­ restent donc importants, mais permettent néanmoins une efficacité largement accrue par rapport à tout ce qui précède. De surcroît il est possible de décentraliser le savoir de façon incomparablement plus large qu'auparavant, les expériences ayant démontré que la nécessité d'un «sachant» n'y est plus aussi indispensable qu'auparavant. Des élèves issus de territoires ruraux, de pays en développement, pourraient donc y accéder sans pour autant se retrouver confrontés à la solitude de l'étudiant.

Il est donc regrettable que notre pays, nos entreprises, nos Universités ne centrent pas plus leurs stratégies sur les Moocs, aussi perfectibles soient­-ils. Même si des efforts ont été effectués, en France notre rapport à l’innovation reste pour le moins ambivalent ; une innovation susceptible de remettre en cause l’ordre établi est souvent initialement ignorée.

A l'université, les moyens qui sont dévolus aux Moocs restent très faibles et le corps professoral les perçoit plus souvent comme des concurrents que comme des auxiliaires. Dans les entreprises, les freins technologiques empêchent le déploiement de ces solutions pédagogiques plébiscitées par les individus. Il n’est pas rare en France de trouver des entreprises bloquant encore l’accès aux vidéos extérieures, au prétexte qu’ils »consomment trop de bande ­passante».

Plutôt que d’adopter une posture de rejet pour un phénomène dont plus personne ne peut décemment rejeter l’évidence, il serait opportun d'en faire un axe de développement fort : pour accroître l'efficacité et la rayonnement de la formation professionnelle, pour assister l'émergence du monde en développement ­et en particulier de la part qui relève de la francophonie, et plus généralement, pour en faire des outils de diffusion du savoir et des compléments éducatifs à tous les niveaux de la vie.

 

antoine-amiel-Une-HECAntoine Amiel ​est le fondateur de LearnAssembly, société qui conçoit des Moocs d’entreprise et formation digital learning sur l’innovation managériale et la transformation digitale. Learn Assembly est le créateur du Mooc ​Culture Digitale.

Gilles Babinet est serial entrepreneur, ancien Président Du Conseil National du  gilles-babinetNumérique et Digital Champion auprès de la Commission Européenne.

 

 

Crédit photo: Fotolia, banque d'images, vecteurs et videos libres de droits
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Un commentaire

  1. Perso, je ne crois pas aux MOOC depuis leurs débuts.

    C’est pour moi un outil marketing dans le monde de l’enseignement ! Rien de plus. Donc, je fais parti de ceux qui parient sur la fin des MOOC. La question est : est ce que je me trompent lourdement ?

    Je ne sais plus où j’ai lu en complément de votre article je pense : Si l’on avait écouté les apôtres de l’anti­web, notre civilisation aurait abandonnée une technologie dont les impacts disruptifs ne sont plus à prouver…

    Pas faux, mais je me rappelle aussi de la dispute entre les pro Facebook et les pro Second LIfe ! Que reste t-il de Second LIfe ?

    Je me rappelle m’être fait insulter car je ne partageais pas l’enthousiasme généralisé à l’arrivée de Quora ! Que reste t-il de Quora en France aujourd’hui ?

    De même, je ne crois pas aux Mooc et c’est peut être pas pour autant que je me trompe lourdement, ni que je fasse parti de l’antiweb :)

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