
Combien vaut une startup rentable en 2025?
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Valoriser une startup rentable en 2025 : un exercice sans modèle
Dans un marché post-hypercroissance, les fondateurs de startups autofinancées se heurtent à la question de combien vaut réellement une entreprise rentable mais non financée ?
Les startups qui ne lèvent pas de fonds sont rarement valorisées. Non pas parce qu’elles ont moins de valeur, mais parce qu’elles ne passent pas par les circuits habituels qui fixent ces valeurs. En 2025, ce paradoxe devient particulièrement visible. Les entreprises rentables, construites sans diluer leur capital, intéressent de plus en plus les investisseurs, mais manquent de référentiels pour cadrer les discussions.
« Il y a peu de transactions de référence. Les bootstrappers font rarement entrer des fonds. Il devient donc très difficile de trouver des valorisations pertinentes pour tout le monde », observe Jean-Louis Bénard, fondateur de Sociabble. D’autant qu’il est difficile d’élaborer des règles générales du fait de nombreuses disparités.
Un marché bousculé, des repères fragilisés
Depuis deux ans, les multiples de valorisation des startups financées ont baissé de moitié. Cette correction a mis en évidence l’écart entre valorisation projetée et performance réelle. Pour les entreprises qui ont toujours fonctionné sur une base rentable, cette chute brutale rend les comparaisons plus difficiles encore.
« Les structures qui bootstrap consomment peu de cash, voire en génèrent. En face, les fonds ont l’habitude de valoriser en fonction de la croissance et du cash burn. Il faut donc trouver un équilibre sur le multiple. »
La mécanique traditionnelle s’appuie sur l’ARR, le taux de croissance et, dans certains cas, la rentabilité. Mais la rentabilité, souvent marginale dans les modèles VC, prend un poids plus important dans les discussions actuelles.
Des repères en transition : 1 M€, 5 M€, 10 M€ d’ARR
La valorisation des entreprises en SaaS repose encore largement sur leur chiffre d’affaires récurrent annuel. Les paliers les plus utilisés sont 1 M€, 5 M€, 10 M€, 20 M€ et au-delà. En principe, plus le niveau d’ARR est élevé, plus le multiple l’est aussi. Un phénomène contre-intuitif, mais qui reflète le niveau de risque perçu.
En phase de consolidation, un ARR de 1 M€ avec une croissance lente et une marge nette peut se valoriser entre 1 et 3 fois. En revanche, un ARR de 10 M€, même avec une croissance plus modeste, peut justifier un multiple plus élevé (4 à 6x), du fait de la visibilité et de la robustesse du modèle.
« Ces multiples ont été divisés par deux. Ce n’est pas une mauvaise chose, ils étaient artificiellement élevés. On savait que ce serait difficile de faire des exits à ces niveaux », constate Jean-Louis Bénard.
Une équation à plusieurs inconnues
Les modèles de valorisation actuels doivent intégrer plusieurs dimensions :
- Le niveau d’ARR
- Le taux de croissance annuel (YoY)
- Le niveau de marge (EBITDA ou free cash flow)
- La net revenue retention (NRR)
- Le coût d’acquisition client (CAC)
- Le revenu moyen par collaborateur
Mais un changement profond s’est opéré dans les priorités d’analyse. Comme le souligne Patrick Bertrand, COO de Holnest, « on est passé du combien au comment ». Il ne s’agit plus simplement de croître vite, mais de comprendre comment cette croissance est produite :
« Ce qui compte, ce n’est pas ta vitesse de croissance, c’est la qualité de ta croissance. »
Une croissance modérée mais rentable, avec un CAC contrôlé et une forte rétention client, peut valoir davantage qu’une hypercroissance qui consomme massivement du capital sans visibilité sur l’équilibre. C’est cette logique qui réintroduit la « Rule of 40 » : somme du taux de croissance et de la marge EBITDA. Un score supérieur à 40 % est perçu comme un bon signal.
Exemple : une startup affichant 25 % de croissance annuelle et 20 % de marge EBITDA atteint un score de 45 %.
Ce que vaut une entreprise autofinancée pour un investisseur
La logique de valorisation ne repose pas uniquement sur les chiffres. Elle intègre aussi la nature du deal. Lorsqu’un investisseur entre au capital d’une entreprise qui n’en a pas besoin, les motivations sont souvent mixtes :
- Sécuriser le fondateur par un cash-out partiel
- Accélérer la croissance externe
- Préparer un futur build-up sectoriel
- Structurer la gouvernance et le reporting en vue d’un scale-up
C’est ici que les family offices peuvent jouer un rôle singulier. « Le family office, par nature, est d’origine entrepreneuriale. Il investit avec un horizon evergreen, sans contrainte de sortie pré-définie. C’est une forme d’accompagnement de long terme », explique Patrick Bertrand. « Et c’est l’école de la rigueur. Faire entrer des gens autour de soi, c’est accepter de rendre des comptes, de se structurer»
Cette dimension est essentielle pour une entreprise qui s’est construite en autonomie, elle transforme l’investisseur en partenaire de croissance, pas en agent de sortie.
Valoriser, c’est arbitrer, pas modéliser
Il n’existe pas de grille universelle pour valoriser une entreprise autofinancée. Le marché est trop jeune, les transactions trop rares. C’est un exercice d’arbitrage entre pragmatisme, ambition, et alignement stratégique.
Quand la valorisation devient un point de tension, certains acteurs introduisent des mécanismes correcteurs comme les BSA Ratchet. Ils permettent d’ajuster la valeur en fonction de la réalisation de KPIs (croissance, résultat, etc.). « On ne les utilise pas systématiquement, mais ils peuvent éviter de geler un deal », note Patrick Bertrand.
Autre variable essentielle : le montant levé. « Il vaut parfois mieux lever 1,2 M€ bien utilisé que 2 M€ mal digérés. Le véritable enjeu, c’est de prouver le produit-marché, pas d’atteindre artificiellement une valo cible ».
📈 Synthèse des repères observés (SaaS rentables, autofinancés)
ARR (€) | MULTIPLE TYPIQUE (RENTABLE) | CROISSANCE FAIBLE (<20%) | CROISSANCE FORTE (>40%) |
---|---|---|---|
1 M€ | 1–3x | Faible intérêt VC | Opportunité de niche |
5 M€ | 3–5x | Cas de rachat stratégique | Série A/B possible |
10 M€ | 4–6x | Build-up en vue | Forte tension sur la valo |
20 M€ et + | 6–9x | Pré-IPO ou PE | Intérêt global |
Dans un contexte où les entreprises solides deviennent rares, les bootstrappers occupent une position nouvelle. Mais cette position implique d’être au clair sur ce qu’ils veulent : rentabilité long terme, croissance externe, sortie partielle ? S’il est difficile d’établir des règles générales de par la disparité des cas, l’une des clés est celui avec lequel le deal pourrait se faire, entre un fonds de Private Equity et un industriel, le modèle de valorisation peut changer significativement.
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