
EXIT : comment une scale-up doit structurer son process de cession
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Dans une scale-up, une cession n’est jamais un simple transfert d’actions, mais un mouvement industriel qui engage une technologie, une trajectoire produit, un parc clients structuré, une économie unitaire éprouvée et un ensemble d’investisseurs qui ont porté la croissance. L’exemple de Brevo la semaine dernière avec la sortie de Partech et l’arrivée de deux nouveaux fonds de PE, illustre parfaitement l’opération. Là où la cession d’une TPME repose sur un patrimoine et un projet de vie, celle d’une scale-up repose sur une architecture de valeur beaucoup plus dense. Elle doit concilier les attentes des fondateurs, les ambitions des équipes dirigeantes, et l’horizon de liquidité des fonds historiques avec les objectifs industriels ou financiers des acquéreurs.
La première étape du process n’est pas la valorisation mais l’intention. Une scale-up se vend rarement “parce qu’une opportunité se présente” mais se cède parce que ses dirigeants souhaitent franchir un nouveau palier industriel, accélérer un développement international, ou sécuriser une partie du capital. Cette clarification détermine la manière dont la cession va être structurée : qu’il s’agisse de la part de cash-out, du futur rôle des fondateurs, de la gouvernance cible, de la rétention des talents et le degré d’indépendance préservé dans la nouvelle entité.
Dans ce contexte, le mémo d’information devient un document bien différent de celui d’une PME. Il ne s’agit plus d’un support descriptif, mais d’un document analytique qui permet à un acquéreur sophistiqué de comprendre la mécanique profonde du business. Une scale-up doit y exposer sa dynamique d’acquisition, la qualité de ses cohorte clients, ses economics unitaires, la profondeur de son stack technologique, ses dépendances éventuelles, sa dette technique, son exposition aux coûts d’infrastructure ou de GPU, et la cohérence de son développement international. La vraie difficulté n’est pas de montrer, mais de hiérarchiser. Dans ce type de process, l’acquéreur est souvent un corporate tech, un fonds de growth ou une plateforme globale qui dispose déjà de ses propres outils d’analyse. L’objectif du mémo n’est donc pas “pitcher”, mais de permettre de modéliser.
La construction du roadshow suit la même logique, car contrairement aux cessions plus petites où la tension concurrentielle se crée en élargissant la liste, une scale-up doit cibler les acquéreurs pour lesquels l’actif déplace réellement une ligne stratégique. Les bons candidats sont souvent peu nombreux et l’objectif est alors d’identifier un acteur qui a une dette d’innovation sur la verticale, une plateforme américaine cherchant un point d’entrée européen, un groupe SaaS devant combler une faiblesse produit, ou un fonds cherchant à reconfigurer un portefeuille adjacent. Ce ciblage resserré permet d’entrer dans des discussions plus profondes, où l’on parle intégration technologique, roadmap, compatibilité des cultures d’ingénierie et potentiel de distribution globale.
La confidentialité du projet est plus sensible encore. Une scale-up manipule des éléments qui ne doivent pas circuler librement (contrats enterprise, ratio de marge brute, structure de R&D, roadmap IA, dépendances et parfois même fragilités technologiques). Le teaser initial doit donc être pensé pour filtrer, l’accès aux données et s’ouvrir progressivement. La signature de NDA plus exigeants que ceux utilisés dans le small cap est un impératif.
La LOI marque ensuite un point de bascule majeur. Dans le monde de la scale-up, elle fige très tôt des éléments structurants comme la manière dont l’EBITDA sera ajusté, le périmètre de la dette nette, les modalités d’un éventuel earn-out, les mécanismes d’intégration future ou la place du CTO et du CPO dans l’organisation cible. Même non contraignante juridiquement, une LOI crée une dynamique politique qui rend difficile tout retour en arrière. L’exclusivité doit donc être accordée avec discernement car une exclusivité longue ouvre un risque classique, à savoir une renégociation à la baisse après des due diligences lourdes.
Reste un élément toujours plus complexe dans une scale-up, à savoir la coordination interne. Contrairement aux cessions de PME, le dirigeant n’est pas seul. Il doit composer avec des fonds aux horizons différents, des managers clés dont la rétention influence directement la valorisation, et une gouvernance qui peut inclure un board indépendant. Ici, le rôle du banquier d’affaires consiste autant à orchestrer la négociation externe qu’à maintenir l’équilibre interne. Celui de l’avocat est d’encadrer les rollovers, les management packages, les clauses de rétention, la fiscalité des fondateurs et la gouvernance future. Dans certaines opérations, maintenir l’alignement interne est presque plus exigeant que convaincre l’acquéreur.
Quant au prix, il n’est pas un multiple figé mais la projection d’un futur industriel. Deux acquéreurs peuvent proposer des niveaux radicalement différents pour la même entreprise : un acteur financier privilégiera la qualité des revenus et l’efficience opérationnelle, tandis qu’un corporate valorisera la technologie, l’accélération commerciale ou la réduction de time-to-market. Dans les cessions de scale-up, c’est la capacité de l’actif à reconfigurer la trajectoire de l’acquéreur qui détermine réellement la valeur.






