
Face à Ansys et Dassault, BeyondMath veut imposer une nouvelle norme dans la simulation multiphysique
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Réduire des semaines de calcul scientifique à quelques secondes, c’est la promesse de BeyondMath. Fondée en 2022 à Cambridge par Alan Patterson (CEO, ex-Google) et Darren Garvey (CTO), cette startup britannique propose une alternative radicale aux logiciels de simulation traditionnels, en combinant intelligence artificielle générative et physique fondamentale. Leur ambition est de remplacer les supercalculateurs à 50 millions de dollars et les armées d’experts par une plateforme accessible, rapide et économe en ressources.
Au cœur de leur solution, une IA capable d’apprendre les lois physiques complexes à partir de vastes corpus de données industrielles et scientifiques. Contrairement aux simulateurs classiques qui résolvent les équations par calcul numérique itératif, BeyondMath génère directement les réponses les plus probables aux problèmes d’ingénierie, dans des délais réduits d’un facteur 1000. Elle se destine aux secteurs automobile, aéronautique, batteries, data centers, où les contraintes de simulation ralentissent la mise sur le marché.
L’entreprise s’est équipée dès 2024 d’un système NVIDIA DGX H200, architecture IA de pointe conçue pour entraîner des modèles à très grande échelle. Ce choix technologique, rare pour une startup en amorçage, veut apporter la simulation multiphysique temps réel dans des environnements de production.
Une ingénierie en rupture
Le point de départ de BeyondMath tient dans un constat partagé par de nombreux industriels à savoir que les logiciels de simulation actuels sont trop chers, trop complexes et trop lents. Les solutions de référence comme Ansys, COMSOL ou Simulia (Dassault Systèmes) nécessitent des infrastructures lourdes, une expertise pointue, et des temps de traitement incompatibles avec les cycles d’innovation rapide.
BeyondMath propose un contournement complet de cette logique. En entraînant des modèles IA sur des phénomènes tels que la thermodynamique, la mécanique des fluides ou les champs électromagnétiques, la startup ne cherche pas à reproduire les solveurs classiques, mais à les dépasser. La promesse est double à la fois réduire drastiquement les coûts d’accès à la simulation, et intégrer le calcul scientifique dans des workflows itératifs, y compris en phase de design.
Pensée à Cambridge, la société a rapidement établi son siège à Londres, où elle structure désormais ses équipes techniques et commerciales. Elle compte aujourd’hui une quinzaine de collaborateurs, issus de DeepMind, Oxford, Cambridge ou Imperial College, répartis entre IA, HPC et physique computationnelle.
Une levée de fonds pour structurer l’industrialisation
En août 2024, BeyondMath a levé 8,5 millions de dollars auprès de UP.Partners (lead), Insight Partners et InMotion Ventures, le fonds d’investissement de Jaguar Land Rover. Ce financement de série seed vise à renforcer l’infrastructure technique, accélérer les recrutements et développer les premiers déploiements dans les secteurs automobile, énergétique et industriel.
Cette levée confirme l’intérêt croissant pour les technologies capables de bousculer les outils de simulation conventionnels. L’entrée d’InMotion Ventures souligne d’ailleurs un intérêt stratégique pour des cas d’usage concrets, notamment dans l’optimisation thermique de composants ou le raccourcissement des cycles de prototypage.
Une compétition mondiale encore ouverte
Le positionnement de BeyondMath s’inscrit dans une dynamique mondiale. Aux États-Unis, Intrinsic (filiale d’Alphabet) explore des usages IA de la simulation dans la robotique. D’autres, comme Abacus.AI, appliquent les modèles génératifs à la chimie ou aux matériaux. En Europe, Neural Concept (Suisse) constitue un concurrent direct, déjà intégré chez Airbus ou BMW. Le britannique TOffeeAM cible quant à lui la fabrication additive avec des algorithmes d’optimisation topologique.
En France, malgré une tradition forte en simulation (CEA, Mines Paris, Inria), aucun acteur n’a encore émergé avec une proposition IA générative aussi transversale. Quelques initiatives explorent la modélisation moléculaire ou la simulation thermique, mais l’écosystème reste embryonnaire. La France dispose des briques scientifiques, mais elle manque d’interfaces entrepreneuriales et de tolérance au risque pour faire émerger des acteurs comme BeyondMath. d’autant que Dassault Systèmes joue un rôle central dans la structuration de la simulation française. Mais son modèle verticalisé et intégré freine l’émergence d’approches plus radicales, comme la simulation IA générative. Le blocage n’est pas intentionnel, mais illustre parfaitement le cas d’un effet systémique d’hégémonie technologique.