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AI Action plan, les États-Unis visent à bâtir une hégémonie techno-industrielle dans l’IA

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L’Amérique débride son IA, Trump aligne régulation, énergie et capital pour industrialiser la filière

Donald Trump vient d’officialisé un changement de paradigme technologique majeur pour les États-Unis. À l’occasion d’un sommet organisé avec les figures du capital-risque de la Silicon Valley,  David Sacks, Sriram Krishnan, Michael Kratsios,  le président américain a dévoilé son “AI Action Plan”, une doctrine d’accélération industrielle autour de l’intelligence artificielle, structurée en quatre axes: centralisation réglementaire, souveraineté énergétique, simplification administrative et diplomatie techno-capitalistique.

Une régulation fédérale taillée pour les industriels

Le premier volet du plan opère une rupture frontale avec l’approche Biden de 2023, qui imposait des obligations de transparence, de gestion des risques, de documentation, de gouvernance des données et de non discrimination algorithmique. Ces obligations sont désormais supprimées ou rendues facultatives dans les appels d’offres fédéraux.

En lieu et place, l’administration Trump impose une norme fédérale unique, qui supplante les régulations locales, notamment californiennes, accusées d’introduire de l’« insécurité juridique » et des retards dans les projets stratégiques. L’objectif est de créer une « autoroute réglementaire » dédiée à l’IA, sur le modèle des dispositifs utilisés pour les infrastructures militaires ou spatiales.

L’administration ne contractera plus qu’avec des acteurs dont les modèles sont jugés “non biaisés”, formule floue mais politiquement chargée, elle exclut de facto toute IA intégrant des normes DEI (diversité, équité, inclusion), des garde-fous sur la désinformation, ou des objectifs climatiques.

L’énergie, colonne vertébrale de la puissance IA

Trump replace la question énergétique au centre de la stratégie IA, ainsi les data centers, super calculateurs et infrastructures deviennent infrastructures critiques nationales, prioritaires en matière de raccordement, d’accès au foncier et de sécurisation de l’alimentation.

Le plan prévoit :

  • Un assouplissement accéléré des permis pour construire des centrales dédiées (gaz, nucléaire, géothermie, voire charbon) à proximité des hubs IA.
  • La possibilité pour les entreprises de créer leurs propres centrales, devenant leurs propres fournisseurs d’énergie.
  • Une priorisation explicite sur le réseau électrique, au détriment éventuel d’autres usages.

Trump assume une vision productiviste, « L’IA a besoin de deux fois plus d’électricité que ce que produit aujourd’hui le pays. Nous allons libérer toutes les formes d’énergie pour l’alimenter. »

Objectif “12 mois” : le modèle du fast-track industriel

Le troisième pilier du plan vise à diviser par deux ou trois les délais de construction des infrastructures IA. Inspirée des procédures d’exception du DoD ou de la NASA, une directive exécutive instaure un mécanisme de fast-track fédéral pour :

  • les centres de données hyperscale,
  • les usines de puces,
  • les campus IA,
  • les hubs d’entraînement

Le Department of Energy (DOE) et le Department of Commerce ont été chargés d’identifier des zones à haut potentiel IA, en coordination avec les opérateurs électriques. Le foncier y sera prioritairement alloué et les permis délivrés en quelques semaines. Le but affiché est de passer de deux ou trois ans de délais à moins de douze mois pour toute infrastructure stratégique.

Financements publics, VC et diplomatie : la nouvelle trinité techno-industrielle

Le quatrième volet du plan marque une inflexion majeure dans la diplomatie économique américaine, Washington entend exporter un “modèle IA clé en main”, conçu par les géants du cloud, soutenu par le gouvernement fédéral, et financé par des alliances public-privé.

Ce modèle inclura :

  • Le matériel (puces, calculateurs),
  • Les logiciels (OS IA, orchestrateurs, modèles fondation),
  • Les services managés et l’hébergement souverain,
  • Et les contrats d’interopérabilité avec les agences américaines.

Cette stratégie s’inscrit dans une logique d’alignement géopolitique et de faire des États-Unis le fournisseur naturel de l’IA des démocraties. Le modèle est comparable à celui de l’armement en développant des normes, infrastructures, logistique et financements, intégrés à une stratégie d’influence.

Le récent assouplissement des restrictions sur Nvidia et AMD pour leurs exportations vers la Chine, en échange d’accords sur les terres rares, illustre cette diplomatie du give and take industriel.

Une doctrine techno-industrielle affirmée face à une Europe systématiquement fragmentée

Le contraste est frappant avec l’Union européenne, alors qu’à Bruxelles, le AI Act entre dans sa phase d’implémentation, avec des priorités éthiques et juridiques (principe de risque, transparence, droit à l’explication), Washington adopte une approche souverainiste, productiviste et offensive.

En France, Emmanuel Macron a bien lancé un plan d’accélération (50 sites IA identifiés, simplification administrative, programmes de formation), mais les délais, la coordination inter-ministérielle et la dépendance énergétique restent des points faibles.

Donald Trump, de son côté, fait le pari de la vitesse, de l’alignement vertical État / industrie / capital, et d’un narratif de suprématie. L’objectif est de dominer face à une Chine qui joue ses propres règles du jeu et déploie une stratégie particulièrement efficace.

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