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[Business Case] Comment Starbucks a fait de la Chine son laboratoire d’innovation

Par Clément Ledormeur & Vladimir Garnele de l'agence digitale 31Ten

Starbucks a mis en ligne son tout nouveau site internet ce mois-ci, d’abord en Chine avant le reste du monde. Un pas en avant important dans sa stratégie numérique «digital flywheel» (Récompense + Paiement + Personnalisation + Commande) qui montre l’importance qu’a pris l’Empire du Milieu dans le portefeuille du groupe.

À quel point cela impacte-t-il l’expérience utilisateur, et comment cela participe-t-il à l’accomplissement des objectifs du géant du café ?

En Occident, le statut et le positionnement de Starbucks en tant que pionnier numérique ont été reconnus depuis longtemps. La digitalisation d’un programme de fidélisation déjà bien entretenu et la volonté d’investir dans l’innovation ont aidé Starbucks à rester en tête du peloton aux États-Unis et dans d’autres pays. Selon le PDG Kevin Johnson, l’interaction numérique avec les clients est devenue l’un de leurs plus puissants leviers de création de valeur.

Des revenus solides grâce aux soldes créditeurs du programme de fidélité ainsi que l’amélioration de l’expérience client globale – deux priorités majeures de Starbucks. (Crédit image: The Street)

À l’autre bout du monde, la vitesse fulgurante de l’innovation et de l’adoption des nouvelles technologies en Chine ont eu pour effet de rendre la célèbre chaîne d’abord “numériquement archaïque” (avec toutefois un puissance de marque restant incroyable). A quel point ? Assez pour refuser de proposer les paiements mobiles jusqu’en décembre 2016 pour WeChat, et septembre 2017 pour Alipay. Ca n’a l’air de rien vu d’Europe, mais c’est une éternité en Chine, où ces moyens de paiement ont littéralement explosé depuis 2014.

Starbucks en Chine : de retardataire numérique à un laboratoire d’innovation

Les jours archaïques de Starbucks en Chine sont cependant bel et bien terminés. Le dévoilement de la stratégie globale de «digital flywheel» en 2016 et le choix du groupe d’utiliser la Chine comme laboratoire numérique sont vraisemblablement influencés par la forte croissance régionale et la très grande ouverture des consommateurs locaux aux concepts innovants. La concurrence féroce entre les mastodontes de l’Internet Chinois et le rôle essentiel des appareils mobiles dans l’accès à la toile ont créé pour les consommateurs une attente générale très élevée en termes de commodité d’accès et d’utilisation du net.

Il n’est donc pas surprenant que ce soit la Chine, et non les États-Unis, qui constitue un excellent banc d’essai pour les solutions innovantes des grands groupe internationaux. Le lancement de son site web en Chine le 27 février, avant les Etats-Unis, est pour Starbucks la dernière d’une série d’initiatives montrant la priorité que la marque accorde désormais aux expériences numériques en Chine.

  • Lancement d’un magasin Tmall

Le lancement de leur boutique en ligne sur le géant du retail en ligne chinois Tmall en décembre 2015 était déjà un premier signe de ce changement de paradigme pour Starbucks. D’autant plus significatif du fait que les entreprises étrangères continuent de répondre timidement à l’explosion du commerce en ligne chinois.

  • Le mini programme WeChat “Say it with Starbucks” (Dites le avec Starbucks)

Starbucks s’est également distingué pour son mini programme de cartes-cadeaux WeChat (l’application de messagerie instantanée omniprésente en Chine). Lancé pour la saison 2017 du Nouvel An chinois, peu de temps après avoir commencé à accepter WeChat Pay, il illustre vraiment la volonté du groupe de tirer parti des applications locales. D’un point de vue commercial, l’accès anticipé de Starbucks à la fonctionnalité “mini-programmes”  a renforcé les acquis de l’écosystème de l’entreprise sur WeChat, WeChat Pay contribuant notamment jusqu’à 30% des ventes dès le trimestre suivant!

Starbucks a donné à ses utilisateurs la possibilité d’envoyer sur WeChat des “Hongbao” (‘enveloppes rouges’ contenant de l’argent, cadeau traditionnel pendant le nouvel an) – en fait des cartes-cadeaux de la marque à offrir à ses amis (Crédit photo: Totem Media)

  • Un café en Réalité Augmentée à Shanghai

Bien que ces initiatives aient eu un impact significatif, ce n’est rien à côté de la frénésie créée par l’ouverture de la Brûlerie ‘Starbucks Reserve’ à Shanghai le 6 décembre dernier. Battant tous les records de ventes, le lieu combine expérience et service de luxe physique et visite virtuelle via une expérience en réalité augmentée (AR) développée en partenariat avec Alibaba. Faisant de la brûlerie l’établissement le plus avant-gardiste du portefeuille de la marque.


L’expérience en Réalité Augmentée au Starbucks Reserve Roastery de Shanghai (Crédit photo : Technode)

Le nouveau site internet : aperçu de l’expérience utilisateur

Ancien site et nouveau site (bureau)

(mobile)

 

  • Navigation intuitive et personnalisation de l’expérience utilisateur

Pour la version bureau, le plus grand changement par rapport au site précédent est l’augmentation de l’espace dédié à la navigation (⅓ de l’écran total), avec un accent mis sur les sections les plus importantes: magasins, compte et menu. Il sert également de zone de communication personnalisée. Par exemple, l’ancienne version était composée principalement de contenu identique pour chaque utilisateur tandis que les messages sont personnalisés sur le nouveau site, comme par exemple un message d’accueil individualisé post-connexion.


Message d’accueil classique (à gauche) VS message d’accueil post-connexion (à droite)

 

  • Un design cohérent sur l’ensemble du site web

Starbucks a créé un énorme kit d’interface utilisateur (aussi appelé “kitchen sink”), très utile dans la construction de composants interactifs avec d’innombrables possibilités. Ce qui permet à Starbucks d’offrir une expérience utilisateur unifiée sur tous ses canaux en Chine (application, mini-programme WeChat, etc.).

  • Misant tout sur le mobile

Le principal changement dans la version mobile est la barre de navigation en bas, une fonctionnalité standard sur les applications populaires en Chine comme Tmall, ele.me, et WeChat. Un pari sûr lors de l’adaptation pour le marché chinois qui est souvent négligée par les marques étrangères.

Une icône prominente en forme de cadeau encourage les utilisateurs à se renseigner sur les avantages de l’adhésion au programme de fidélité (coeur de la stratégie numérique de Starbucks) et la collecte de points. Bien que le groupe ne soit pas étranger à la fidélisation client (une boisson gratuite tous les dix achats pour les membres “or”), la décision d’introduire cet aspect de “gamification” (ou “ludification” en français) résonne particulièrement auprès de la population chinoise.

  • Une meilleure visibilité des boutons d’appel à l’action

L’ajout d’appels à l’action (ou “call to action”, CTA en anglais) améliore l’interaction et guide le comportement de l’utilisateur. Bien que les CTA soient déjà utilisés sur l’application américaine, ils ont été localisés en gardant à l’esprit l’omniprésence des codes QR en Chine

  • L’attention portée sur 3 onglets : Magasin, Menu, Compte

Entièrement remaniées, ces trois sections montrent des améliorations drastiques non seulement dans l’interface utilisateur mais aussi dans les fonctionnalités techniques.

Cafés

La localisation des cafés est maintenant intégrées aux services de géolocalisation d’Amap (高德地图, une filiale de Tencent), et la barre de recherche utilise lunr.js. La page comprend également tous les détails du café, une catégorisation (brûlerie, café standard, etc.) et des instructions sur la façon d’accéder au magasin sélectionné.

Menu

Le menu s’ouvre à partir de la barre de navigation, affichant clairement les catégories ou sous-catégories directement sur le côté gauche. Sur mobile, le menu fait partie de la barre de navigation du bas, une bonne pratique en UX mobile, en particulier pour les utilisateurs chinois qui y sont habitués.

Compte utilisateur

Une section nettement améliorée qui compte désormais une page d’accueil personnalisée, une boîte de réception, édition de factures électroniques, des nouvelles mises à jour.

  • D’un contenu purement promotionnel à une plateforme éducative

Une grande partie du nouveau site Web a été l’ajout de contenu sur tout le site, notamment une FAQ, un centre d’aide, des fiches et un blog qui commence à reprendre les contenus éducationnels de “l’université du café” de Starbucks. Cela s’explique certainement par le fait que le groupe ressent la pression des nouveaux acteurs du café et cherche ainsi à se placer en position d’autorité sur tout ce qui touche au café.

  • Une performance optimale

Les temps de chargement sur les appareils de bureau et les mobiles sont très courts, avec une latence (minimale) observée uniquement pour le message affiché sur la barre de navigation sur la gauche.

La page d’accueil charge l’intégralité de ses 2,5 Mo en moins d’une seconde (Source: Test 31Ten via Site24x7, serveur de Shanghai)

Cela a été rendu possible en adoptant les dernières technos du web: Node.js combiné avec Jekyll, et React.js comme framework front-end. Le site Web charge aussi rapidement parce qu’il sert du HTML statique pur.

Conclusion: encore quelques lacunes, futurs déploiements à venir?

La  Chine est d’une importance majeure dans le développement à long terme de Starbucks. C’est certainement ce qui a incité le groupe à prendre sérieusement en compte l’utilisation massive de la technologie dans ce pays qui devient son premier marché et à en faire son banc d’essai numérique. Le nouveau site Web sera d’abord intensément testé sur les utilisateurs chinois, et les enseignements tirés influenceront la façon dont Starbucks construira son expérience site Web globale.

Aucun autre marché au monde ne répond de manière aussi enthousiaste aux développements des technologies destinées aux consommateurs, et Starbucks a tout à gagner à mettre en place sa stratégie de “digital flywheel” d’abord en Chine. Mais il reste encore pas mal de choses à offrir avant que le groupe ne soit la référence numérique que toutes les marques cherchent à imiter.

Voici ce qui, selon nous, devrait être ajouté aux plans de Starbucks pour développer une expérience numérique réellement complète et multi canal en Chine:

  • Fournir des alternatives à l’application

L’application Starbucks est la pierre angulaire de leur stratégie de “digital flywheel” et reste un point d’entrée obligatoire pour les utilisateurs. Mais avec une taille de téléchargement de 150 Mo, cela se fait au prix d’une forte friction pour les utilisateurs, alors qu’ils pourraient utiliser des alternatives avec une barrière d’entrée plus basse, comme un mini programme WeChat ou une application web progressive (PWA) telle celle développée pour les utilisateurs occidentaux.

  • E-commerce

Malgré la refonte, acheter en ligne chez Starbucks en Chine se fait toujours uniquement via leur magasin Tmall. En offrant leur canal en propre (comme le font par exemple Nike et d’autres marques), Starbucks aurait plus de pouvoir sur son magasin en ligne et sur la façon dont l’utiliser pour des campagnes multi-plateformes. La création de leur propre e-boutique permettrait également d’accumuler des connaissances qu’ils pourraient utiliser pour éventuellement lancer un service de livraison à part entière.

  • Plus d’intégration omnicanale

Starbucks rate encore des opportunités significatives de fidélisation de ses clients sur tous les canaux numériques chinois. Ci-dessus (à gauche), l’exemple de McDonald’s qui offre  une connexion à leur portail WiFi via WeChat et Alipay , ce qui aide à faire des clients des fans (celui de Starbucks, à droite, n’offre pas cette option).

  • Gamification (ludification) supplémentaire

Starbucks aurait pu ludifier son site Web et son application chinoise avec des classements quotidiens / hebdomadaires / mensuels, une fonctionnalité que l’on retrouve sur de nombreuses applications et réseaux sociaux chinois.

Des badges, des classements et des points de toutes parts sur les apps chinoises (source : Dan Grover)

 

  • Offrir enfin l’O2O

L’application chinoise Starbucks est toujours en retard en termes de services online to offline (O2O) tels que les commandes à emporter – un service qui est disponible dans les pays occidentaux depuis un long moment déjà.

Commande à emporter sur l’application américaine de Starbucks, une fonctionnalité toujours indisponible en Chine

L’immense appétit de la Chine pour la livraison appelle à développer un service  similaire à ceux déjà offerts par McDonald ou KFC. Actuellement, plusieurs services de livraison non officiels opèrent dans toutes les grandes villes et viennent combler ce manque.

Si vous n’offrez pas à vos clients chinois ce qu’ils attendent, quelqu’un d’autre le fera pour vous! – Une boutique en ligne pour se faire livrer son café Starbucks à Shanghai

(Une mention spéciale à Thomas Portolano et l’équipe de Wiredcraft pour leur revue de cet article.)

Les Correspondants: 

Clément Ledormeur

Clément est chef de projet Web à Shanghai au sein de l’agence digitale 31Ten. C’est un passionné d’analyse de données online (qualitatives et quantitatives) à des fins décisionnelles, pour créer ou améliorer des produits numériques à forte conversion.

 

Vladimir Garnele

Designer UX-UI et associe chez 31Ten. Vladimir est un créatif Web basé à Shanghai. Il aide les entreprises engagées dans leur transformation digitale à créer des expériences mémorables via une conception centrée sur l’utilisateur..

 

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