
Crise, cash, valorisation, le bootstrapping revient en force
BOOTSTRAP, un podcast pour découvrir les meilleures pratiques en matière de bootstrapping.
Pourquoi les bootstrappers reprennent la main dans un marché en crise
Courtisés par les fonds qu’ils ignoraient jusque-là, les entrepreneurs autofinancés bénéficient d’un retournement de perception. Rentables, prudents et agiles, ils deviennent des alternatives crédibles aux licornes bousculées par le marché.
Nous retrouvons pour le second épisode de cette nouvelle saison de FrenchWeb Bootstrap, Jean Louis Benard CEO de Sociabble et adepte du Bootstrapping. Nous analysons les effets que produit la crise financière qui touche les startups de la tech, et comment elle impacte les sociétés qui bootstrap.
Quels sont les effets positif, les effets de bords à bien gérer, ou encore les opportunités à saisir? Autant de questions que je pose à notre invité.
Le retour à la réalité est brutal pour les entreprises en hypercroissance. Depuis 2023, les plans de licenciement se succèdent, les valorisations s’effondrent, les cycles de vente s’allongent. En miroir, une autre catégorie d’acteurs tire son épingle du jeu : les bootstrappers, longtemps invisibles car hors des radars du capital-risque.
« La rentabilité, devenue ringarde, s’appelle désormais cash efficiency. Et c’est très tendance », ironise Jean-Louis Bénard, CEO de Sociabble.
Le capital est devenu rare et cher
Hausse des taux, gel partiel des levées de fonds, baisse des multiples : les startups n’ont plus le luxe de croître à perte. Or, les bootstrappers ont bâti leur modèle sur une discipline de gestion constante. Leur croissance est souvent inférieure à celle des structures financées, mais leur résilience et leur capacité à générer du cash deviennent aujourd’hui des atouts différenciants.
« Rien de nouveau pour nous. On n’a jamais dépendu du marché. On est en autonomie depuis le début », explique Jean-Louis Bénard.
Devenus sexy, les bootstrappers suscitent des offres inattendues
Dans ce nouveau paysage, les fonds d’investissement réévaluent leurs critères. Ils approchent désormais des sociétés qu’ils jugeaient autrefois trop lentes ou conservatrices.
- Objectif n°1 : le “cash-out fondateur”. Les investisseurs proposent aux dirigeants autofinancés de monétiser une partie de leur patrimoine, tout en restant majoritaires. Une manière de sécuriser leur engagement sans perturber le modèle économique.
- Objectif n°2 : financer la croissance externe. Le ralentissement généralisé fait émerger des opportunités d’acquisition attractives. Pour un acteur rentable, lever un ticket ponctuel dans ce but devient un arbitrage légitime.
Équilibre subtil : ne pas céder trop vite, ni trop cher
Mais attention au piège des clauses. Si la valorisation est mal calibrée, la dilution réelle peut s’emballer en cas de baisse future.
« Un 10 % cédé à l’entrée peut se transformer en 30 à 40 % à la sortie si le multiple ne tient pas. Il faut être très clair sur la valo et les préférences », rappelle Jean-Louis Bénard.
D’autant que les référentiels de marché sont flous pour les sociétés rentables : peu de transactions comparables, peu de benchmarks. Et un dilemme récurrent : comment évaluer une entreprise qui génère du cash sans cramer de cash ?
La dette et le RBF deviennent des outils sérieux
Plutôt que de céder du capital, de plus en plus de fondateurs privilégient des leviers non-dilutifs :
- La dette bancaire traditionnelle, aujourd’hui accessible pour les structures saines.
- Les obligations convertibles, réservées aux profils solides.
- Et le Revenue-Based Financing (RBF), qui s’appuie sur les flux récurrents pour financer la croissance.
Mais là encore, prudence : un pic de churn ou une perte de clients peut fragiliser le remboursement. « Quand le revenu devient erratique, le modèle RBF montre ses limites », note Bénard.
Les effets secondaires de la crise : une concurrence affaiblie
Les startups financées à outrance doivent désormais se restructurer. Réduction d’effectifs, coupes budgétaires, recentrage produit : leurs marges de manœuvre commerciales se réduisent. Les bootstrappers, plus stables, plus crédibles, peuvent chasser sur les portefeuilles clients affaiblis de leurs concurrents.
« Ce sont des opportunités de conquête. Il ne faut pas hésiter. Sinon, d’autres le feront à votre place. »
Cette nouvelle donne profite aussi au marché de l’emploi, avec un rééquilibrage des prétentions salariales et une meilleure disponibilité des profils.
Croissance externe : opportunité ou piège ?
Racheter une startup en difficulté peut accélérer sa propre croissance. Mais le risque est réel : équipes instables, culture fragile, surcoûts cachés. Pour Jean-Louis Bénard, la clé reste dans la compatibilité des valeurs et des modes de gestion.
« Quand une équipe habituée à brûler 500k par mois doit s’adapter à un pilotage frugal, ça peut vite coincer. »
Un retour du bon sens entrepreneurial
La crise agit comme un révélateur. Elle réhabilite le pilotage sain, la proximité client, la maîtrise du cash, le tout sans renier l’ambition. Pour les bootstrappers, c’est un changement de statut. D’invisibles, ils deviennent des exemples.
« Ce n’est pas grave, c’est toujours l’hiver. Il suffit juste de mettre un hoodie de plus », conclut Bénard.
![]() |
![]() |
![]() |