Bertrand DuperrinLes Experts

Digital, talents, automatisation… Quelles sont les préoccupations des dirigeants en 2021?

Une tribune de Bertrand Duperrin, Head of People and Delivery pour Emakina

Le 24th CEO Survey de PWC nous donne une photographie des préoccupations des dirigeants en 2021. On y retrouve des sujets évidents comme la pandémie ou le digital, d’autres sont étonnamment sous représentés comme le climat et de manière générale, cela manque de hauteur de vue par rapport aux autres années.

Tous les ans j’attends avec impatience que PWC publie son « CEO Survey » qui nous donne une vue analytique et exhaustive des enjeux et préoccupations des entreprises au travers du regard de dirigeants de différents secteurs à travers le monde. Vu le contexte actuel, j’attendais donc avec un intérêt accru l’édition 2021.

En 2021, la conjoncture l’emporte sur la vision

Le rapport couvre un grand nombre de sujets et je vais me contenter ici de traiter ceux qui m’intéressent de près, mais on voit sans grande surprise qu’au contraire des autres années, l’analyse est beaucoup moins riche en vision sur les grandes tendances de l’économie et, au contraire, plus ancrée dans la réaction à court terme à la crise qui nous frappe depuis plus d’un an maintenant.

Crises sanitaires, cybersécurité, sur-réglementation, incertitudes politiques et économiques, désinformation…autant de sujets très pragmatiques qui font irruption dans le paysage cette année ou gagnent en importance. Si je vais me contenter d’aborder certains de ces sujets, je note tout de même que s’il connaît un surcroît d’intérêt (de 24 à 30%) le changement climatique ne fait pas un bon gigantesque comparé au battage dont il fait l’objet, contrairement à de nombreux autres sujets. Mauvaise perception de l’importance du sujet, mise en perspective par rapport à des sujets autrement plus vitaux à court terme ou preuve que le sujet avait déjà quasiment atteint un plateau ? Ça n’est pas mon sujet aujourd’hui mais nulle doute qu’il faudra en reparler un jour.

Digital : belles paroles ou vrais investissements ?

Sans surprise, un des sujets majeurs est le digital dont la crise a montré que peu importe le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise, le digital était non seulement un catalyseur de business mais aussi la pierre angulaire d’un plan de continuité d’activité.

C’est ainsi que la moitié des dirigeants envisagent d’augmenter leurs investissements relatifs à leur transformation digitale, de manière significative (>10%). C’est le sujet prioritaire en termes d’augmentation d’investissements.

Ça, c’est le côté positif des choses. C’est certainement la première fois que la transformation digitale arrive en tête de classement, devant la réduction des coûts, loin devant le développement durable et à des années lumières de la publicité et des investissements relatifs à la marque.

Mais on peut aussi considérer que le verre est à moitié vide ! Que 83% veuillent augmenter leur investissement en transformation digitale a du sens dans le contexte actuel mais c’est une réponse faite dans un certain contexte et il faudra voir si cela se traduira dans les faits. Ensuite, que 49% veuillent les augmenter de plus de 10% est également une bonne chose, mais 10% en partant de combien ? Soit ces 49% sont ceux qui sont déjà en avance et cela veut dire que les 51% en retard vont se retrouver encore plus à la traîne et n’ont pas tiré de leçons de la séquence actuelle, soit ce sont ceux qui sont en retard et qui veulent combler leur retard auquel cas 10% de pas grand chose ne changera pas la face du monde.

Ensuite, quitte à remettre les pieds dans le plat, la transformation digitale n’est pas un but mais un moyen. On ne fait pas sa transformation digitale mais on applique une nouvelle manière de penser, d’opérer et des technologies à des sujets qui sont, eux, bien connus. Le digital est un moyen de réduire les coûts, de développer les talents, d’améliorer sa supply chain voire d’investir dans sa marque. Dire qu’investir dans l’un est prioritaire et dans l’autre secondaire me laisse donc un peu circonspect.

Autre point qui n’est pas sans m’inquiéter également : celui qui touche à la cybersécurité. Oui, les entreprises ont compris qu’avec la place croissante que prenait le digital dans leurs opérations, la cybersécurité devenait un sujet majeur. Par contre, en dépit de la volonté d’augmenter les investissements dans le digital, seule la moitié des dirigeants comptent l’accompagner d’investissements en matière de cybersécurité.

Pour finir, cette profusion d’investissements digitaux risque de complexifier considérablement l’informatique des entreprises qui l’est déjà beaucoup trop. D’où une ligne directrice qui se dessine: celle de la simplicité voire de la simplification. Reste à savoir comment y parvenir dans un contexte d’investissements massifs et de plans d’actions décidés parfois dans l’urgence.

Des talents et des robots

Autre sujet majeur : le développement des talents pour construire une force de travail mieux formée, flexible et adaptable. La crise nous l’a montré : pour s’en sortir les entreprises ont, pour certaines, dû opérer autrement et, généralement, le télétravail à haute dose a montré l’importance de certaines compétences tant pour supporter de nouveaux scénarios de travail que piloter les équipes à distance.

L’entreprise digitale et à distance n’est pas une affaire d’outil mais une manière d’organiser sa production et cela demande en effet d’investir en conséquence dans son capital humain.

Mais cela n’a pas été le seul enseignement de la crise et la productivité, car c’est bien entendu l’objectif recherché, passera aussi par l’automatisation de certaines tâches, qu’on parle de RPA (Robotic Process Automation) pour des tâches « simples » ou de recours accru à l’intelligence artificielle pour des tâches plus « expertes ». En tout cas 36% des dirigeants annoncent vouloir se concentrer sur l’augmentation de la productivité en utilisant l’automatisation et les robots.

On se dirige donc vers une ligne de conduite qui pourrait se résumer à « des humains qualifiés et formés, oui, là où il font la différence, et des robots ailleurs ».

Par rapport à ce que je disais sur la transformation digitale, c’est un très bon exemple de la confusion entre les investissements en « transformation digitale », en « réduction des coûts » et en d’autres sujets même pas mentionnés.

Du pragmatisme mais pas de hauteur de vue

Je ne vous cacherai pas que pour une fois ce PWC CEO survey me déçoit un peu. Bien sûr il traite principalement de mesures prises en réaction à une crise aussi soudaine que violence et qui demande des ajustements à court terme. Mais cela manque de perspective.

Digital, talents, adaptation à un contexte incertain…oui mais dans quelle optique ? Pour la première fois le PWC CEO Survey ne trace pas de ligne directrice qui nous permette de nous projeter vers une vision de l’entreprise, des modèles économiques et des marchés dans 1, 3 ou 5 ans. Le contexte ne rend bien sûr pas les choses faciles mais appliquer de nouvelles recettes à un ancien modèle ne fonctionne en général pas. A titre de comparaison, l’édition 2015 était autrement plus instructive et amenait un autre niveau de vision et de perspective.

On sait comment les CEOs envisagent comment maintenir le bateau à flot mais aucunement où ils comptent l’amener.

L’expert:

bertrand-duperrinBertrand Duperrin est Head of People and Delivery pour Emakina, agence digitale présente dans 13 pays. Durant toute sa carrière il a officié au croisement entre la technologie, la mise en performance des talents et la performance de l’organisation. Auparavant il a occupé des postes de directeur dans le monde du Conseil en Management ou dans l’édition de logiciel. Il est également passionné par l’industrie du voyage en général et l’aérien en particulier.

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