Transport

Pourquoi la France est loin d’être la championne de l’autopartage professionnel

Avec 150 000 usagers en 2014, la France est loin d'être à la pointe de l'autopartage dit «professionnel». A la différence des nouvelles solutions de covoiturage ou de location de voitures entre particuliers, l'autopartage professionnel, c'est la mise à disposition, par un professionnel, d’une flotte de véhicules pour un client ou un utilisateur. En France, on comptait en effet cinq fois moins d'usagers qu'en Allemagne en 2014, d'après l’étude «Usages novateurs de la voiture et nouvelles mobilités» publiée début janvier par le ministère de l'Economie.

Développé en France depuis les années 2010, l’autopartage professionnel concernait 3 900 véhicules professionnels (à 80% électriques), soit 0,01% du parc automobile total en 2014.

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L'étude, qui s’appuie sur une analyse documentaire du secteur (données et statistiques) ainsi que sur des consultations d’experts, en France et à l’international, a été commanditée par la Direction Générale des Entreprises (DGE) et le Commissariat général au Développement durable (CGDD), et réalisée par Tech2Market, société de conseil et Gerpisa, le Réseau International de l'Automobile.

Dans l'autopartage, l'étude distingue trois modèles : «en boucle» (le véhicule est ramené à la station de départ), «en trace directe» (le véhicule peut être déposé dans une autre station que celle de départ), et le «free-floating» (la mise à disposition de véhicules dans une zone délimitée, l'utilisateur géolocalisant le véhicule le plus proche de lui).

Nouvelles opportunités pour les constructeurs

Paradoxalement, l'autopartage est proposé en priorité dans les grands centres urbains, comme Paris, Lyon ou Strasbourg, où l'usager dispose de nombreux autres moyens de transport que son propre véhicule, comme le réseau de transports publics. Le service est en revanche peu présent dans les zones rurales, où 93% des ménages possèdent un ou plusieurs véhicules. C'est pourtant dans ces mêmes zones qu'une alternative à la voiture aurait le plus de sens (avec des déplacements plus longs en moyenne et transports en commun quasi-absents), comme l'explique l'étude. 

Si Bercy s'est penché sur le sujet, c'est parce que l'autopartage pourrait également ouvrir de nouveaux débouchés pour les constructeurs européens qui font face depuis plusieurs années au ralentissement du marché automobile. De fait, un mode de gestion du parc automobile plus optimal, comme le permet l'autopartage, aurait pour conséquence l'augmentation du nombre de kilomètres par véhicule, et donc un renouvellement du parc.

L'Allemagne, premier laboratoire d'expérimentations

Ces nouvelles opportunités business, les constructeurs allemands l'ont bien compris. En pointe sur l'innovation, les budgets mobilisés sont déjà conséquents. Outre-Rhin, les BMW, Daimler, Volkswagen et une «multitude de marques dont beaucoup opèrent dans le segment Premium», se sont déjà positionnés sur l'autopartage. La plupart ont déjà investi dans ce domaine. 

Avec 437 000 clients de services d’autopartage «en libre circulation» en 2014 (+58% par rapport à l’année précédente), le développement de l’autopartage en Allemagne est considéré par les auteurs de l'étude comme «exemplaire».

Reste que si l'Allemagne fait figure de championne, c'est d'abord pour ses investissements plus que sur les usages. «Même en Allemagne où l’autopartage est réputé être bien développé, la flotte ne représente que 0,03% du parc avec 13 950 véhicules professionnels» précise l’étude. 

De plus, l’offre d'autopartage «en boucle» y est développée dans la plupart des zones urbaines (380 villes sont concernées). Par comparaison, en France, 23 agglomérations seulement proposent ce type d'offres. Là encore, les investissements massifs des grandes marques automobiles nationales, et le travail en commun avec des gestionnaires de parking ou des transporteurs publics, ont permis de créer les conditions favorables à ce développement en Allemagne.

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Enfin, outre-Rhin, les constructeurs automobiles ont vu un moyen de toucher une cible jeune (les 18 – 25 ans) et peu encline à acheter une voiture neuve à court-terme. Habitués à conduire leurs véhicules, ces futurs clients auront ensuite plus de chances d’être fidèles à un constructeur pour leur premier achat.  

Cette clientèle intéresse d'ailleurs les constructeurs français implantés en Allemagne. Citroën a par exemple lancé son offre d’autopartage C2C Multicity en exclusitivité à Berlin.  

Au Japon, une approche pragmatique

Le marché de l'autopartage n'explose pas qu'en Allemagne. Au Japon, le nombre d'usagers de l'autopartage au Japon a été multiplié par vingt entre 2010 et 2014.

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Dominé par trois grands acteurs (Times 24, Orix et Carsharing Japan) qui couvrent 95% des usagers et 83% des véhicules concernés par l’autopartage, le marché est concentré. Ces services sont localisés dans les grandes métropoles, comme Tokyo. A côté de ces trois grandes sociétés, d’autres acteurs, plus petits et moins structurés, sont parfois présents dans une seule et unique ville (comme Cariteco par exemple, qui n’existe que dans la ville de Nagoya).

La problématique de décongestion de l’espace étant centrale au Japon, les gestionnaires de parking ont joué un rôle-clé dans le développement des offres d’autopartage. Times 24, acteur incontournable du marché à Tokyo, est gestionnaire de parkings à l’origine. La société est donc propriétaire de ses emplacements de parking, ce qui lui confère un avantage concurrentiel non négligeable. 

A l’image des autres offres proposées à Tokyo, Times Car Plus est plutôt «rigide» par rapport aux offres en France : l’utilisateur réserve son véhicule à l’avance, précise la durée d’utilisation (et paie au temps passé au volant), et le ramène là où il l’a pris.

Les constructeurs automobiles n'ont, quant à eux, pas investi le marché de l'autopartage. 

Des ouvertures ciblées aux Etats-Unis

L’usage individuel reste le mode de déplacement premier des Américains (à 83%), bien devant les transports publics (1,90%). Aussi, le marché de l’autopartage s’y développe timidement : 44% des services d'autopartage qui s'y sont développés depuis 1994 ne sont plus en activité au moment de l'étude. 

Soutenu par des facteurs démographiques et structurants (baisse des immatriculations de voitures et intensification de l’utilisation des smartphones), l'autopartage commence malgré tout à s'imposer dans les usages. Le nombre d’inscrits à un service d’autopartage a augmenté de 34% entre l’été 2013 et l’été 2014, et le parc de véhicules partagés a doublé, comme le montre l'étude. Le modèle «en boucle» y est majoritaire, l’aménagement et la géographie des villes américaines facilitant l’usage de la voiture.

En octobre 2014, deux services d’autopartage, développés par les constructeurs Daimler et BMW (Car2go et DriveNow), étaient disponibles dans 12 villes américaines. D’autres acteurs se sont lancés sur le marché depuis, à l’image de SHIFT carsharing à Las Vegas par exemple. Bolloré, acteur incontournable sur le marché français, a lancé son offre Blueindy à Indianapolis début 2015, qui rappelle le service Autolib’ à Paris.

Bolloré, le quasi monopole en France

En France, de nombreux acteurs ont investi le segment de l’autopartage «en boucle», dans un modèle public-privé avec le soutien des collectivités. Le réseau Citiz, fondé en 2002 regroupe quinze opérateurs d’autopartage indépendants, parmi lesquelles des sociétés coopératives, des associations et des entreprises publiques. Il possède une flotte de 750 véhicules thermiques, répartis sur plus de 300 stations. 

La société Bolloré domine le marché de l’autopartage «en trace directe», avec ses offres Autolib’ à Paris (72 000 abonnés, 8 millions de locations et 73 millions de km parcourus en 3 ans), Bluely à Lyon (250 véhicules et 26 000 locations en 2014) et BlueClub à Bordeaux (100 véhicules au lancement en 2014). 

Seule La Rochelle fait figure d’exception, avec le service Yélomobile, mis en place dès 1999 et totalement intégré à l’offre de mobilité de l’agglomération (bus, vélos, voitures, etc. accessibles avec une carte d’accès unique).  

Vu comme un véritable moyen de réhabiliter la voiture en milieu urbain, l’autopartage suppose néanmoins des investissements très importants au démarrage. Il n’y a aujourd’hui pas de volonté affichée des constructeurs automobiles, ni des gestionnaires de parking français d’investir massivement dans cette voie. En cause : le ROI plus faible comparé à d’autres investissements.

Les hésitations des acteurs du secteur ont laissé la place à des start-up souhaitant travailler sur ces problématiques de nouvelles mobilités. On observe aujourd'hui des opérations de croissance externe, menées par des entreprises déjà présentes dans la location de véhicules et souhaitant investir le marché de l'autopartage, à l'image d'Europcar qui a racheté la start-up Ubeequo ou bien d'Avis qui a acquis Zipcar l'année dernière. D'autres acteurs optent pour une stratégie dite d'open innovation, à l'image de Vinci qui a créé un «Lab» pour se rapprocher des start-up de son secteur en 2013, et son propre accélérateur en 2015.  Jusqu'à un réveil plus concret des constructeurs?

 

L'étude en intégralité:

 
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2 commentaires

  1. L’article ne fait pas mention du premier service à proposer de la trace directe comme Boloré mais aussi du service en boucle comme au JAPON. Je parle du service AUTO BLEUE disponible sur u la METROPOLE de NICE.
    Non seulement l’offre est unique (deux services que l’on peut choisir suivant son usage) mais en plus il y a différents modèles: de la citadine souple iOn à l’utilitaire Partner ainsi que la ZOE ! Tout le monde peut s’y retrourver

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