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Time Well Spent – Pourquoi chacun doit prendre ses responsabilités

Par Matthieu Chéreau, CEO et Fondateur de Tigerlily

Tout commence en 2015, à l’époque où Tristan Harris est « philosophe du produit » chez Google. Déjà il s’inquiète du fait que certaines applications lui volent son temps, et apostrophe les designers d’applications, à ses yeux coupables nous rendre addict. Rapidement Tristan Harris reprend sa liberté et crée Timewellspent. Il devient l’ambassadeur d’une cause globale : lutter contre ces plateformes technologiques qui « hijackent » l’esprit (ce sont ses mots) de plus de deux milliards de personnes. De TED au 60 minutes, il est bientôt partout. Son idée peu à peu fait son chemin, notamment chez des acteurs de la Silicon Valley ayant jadis frayé avec Facebook. D’autres acteurs de la Silicon Valley reprennent son discours. Sean Parker ou encore Chamath Palihapitiya se montrent notamment très critiques à l’égard de Facebook, pointant ses effets délétères sur la société dans son ensemble et les enfants en particulier.

C’est tout logiquement que ce concert de critique s’est structuré, pour donner naissance au Center for Humane Technology (CHT). Lancé hier, il compte parmi ses membres Tristan Harris, mais également des noms familiers comme Dave Morin ou encore Justin Rosenstein (Asana). Son objectif est simple : sensibiliser la société civile aux effets addictifs de certaines applications, et interpeller les concepteurs de ces applications en les amenant à reviser leur design. Le première action choc du CHT consiste à diffuser, avec le support actif de Common Sense Media, une campagne video de sensibilisation auprès de 55 000 écoles publiques. Le CHT prépare en parallèle un site à destination des éditeurs d’applications, pour les interpeller sur l’impact de leurs technologies en terme de santé publique et les amener ainsi à mieux anticiper leurs effets indésirables.

Comment en est-on arrivé là ?

Mais ces effets sont-ils vraiment indésirables ? Evidemment non, puisque l’objectif même de ces applications est de maximiser le temps d’utilisation. Dans cette optique, tous les moyens sont bons. Mais pas pour tout le monde, et certainement pas pour les utilisateurs. En septembre dernier, un article paru dans The Atlantic faisait sensation en décrivant chiffres à la clé les ravages du mobile sur une génération entière : isolement croissant, dépression et taux de suicide en hausse. Le constat est accablant. D’autant plus que nous connaissons ces effets et les éprouvons nous-mêmes tous les jours. Nous connaissons le problème, sans pour autant l’adresser, ni pour nous, ni pour nos enfants. Pourtant, tout indique qu’il y a urgence à agir.

La fin de l’impunité

N’importe quel superhero le sait : de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités. Les Facebook, Apple ou encore Google se le sont récemment vus rappelés.

Messenger sort son application pour les enfants en Décembre dernier ? Des pédiatres et pédopsychiatres appellent bientôt à ne pas l’utiliser.

Apple annonce des résultats records ? Qu’à cela tienne, des actionnaires appellent Tim Cook à prendre ses responsabilités pour contenir et si possible atténuer l’addiction croissante des adolescents à l’iphone. Le même Tim Cook, quelques jours avant, avouait interdire à son neveu d’aller sur les réseaux sociaux… Mais passons. 

YouTube n’échappe pas non plus aux critiques, avec cette fois-ci un adversaire de poids : Stacy Burn, mère d’un enfant de 3 ans, qui témoigne du fin fond de l’Indiana des ravages de YouTube sur son fils : « Mommy the monster scares me! ». L’essentiel n’est pas qu’une mère laisse son enfant de 3 ans seul devant YouTube, mais que les Stacy Burn soient la cible des annonceurs qui font vivre YouTube. C’est tout le modèle de YouTube qui se voit remis en cause. Soudainement, on redécouvre ses algorithmes tordus, et ses travers morbides. Sous les paillettes, YouTube inquiète.

Pour Facebook, Apple, Google et consort, c’est fin de partie. Chacun est sommé de prendre sa responsabilités. Les actionnaires d’Apple sont clairs : si une entreprise crée des externalités négatives, elle ne peut outsourcer ses responsabilités.

Prendre ses responsabilités

Si l’action du Center for Humane Technology est salutaire, c’est parce qu’elle amène l’ensemble des parties prenantes à prendre leurs responsabilités en se positionnant sur le sujet des addictions aux applications et au mobile.

Les acteurs du digital ont si longtemps oeuvré à la diffusion des applications et à l’accroissement de leur usage à grand coups de dollars. A eux de militer en parallèle pour un meilleur usage, d’aider les utilisateurs à faire preuve de mesure et de discernement, en soutenant des associations par exemple, et en supportant des programmes pédagogiques à destination de la société civile.

Les politiques doivent sortir de leur position contradictoire, qui consiste soit à embrasser soit à interdire la technologie. Interdire le téléphone dans les écoles ne fait que contourner le problème et n’y répond pas sur le fond. Le gouvernement serait bien inspiré de regarder outre-atlantique les lois qui se préparent, notamment pour mesurer l’impact des nouvelles technologies sur les enfants. On ne supprime par un problème en l’ignorant : on en évalue l’impact, côté application on pose des règles pour cadrer les interactions, tout en faisant la promotion côté utilisateur de certains usages plus parcimonieux et réfléchis. François Hollande s’est vanté de numériser les écoles en mettant des tablettes dans les mains de tous les enfants. Il est urgent à présent de aider à bien s’en servir.

Avant même que les politiques ne s’emparent de la question, la société civile doit prendre le sujet à bras le corps : aux associations, aux écoles et bien entendu aux parents d’identifier et de mettre en place les actions qui s’imposent pour réduire l’impact négatif que peuvent avoir les applications sociaux sur les enfants et adolescents. Common Sense Media fait un travail exceptionnel aux Etats-Unis pour fournir à tous des outils simple et concrets qui vont dans ce sens. Il serait temps que la France s’en inspire et passe à l’action.

Mark Zuckerberg sait quand le vent tourne. Ce n’est pas un hasard s’il place Timewellspent au coeur de ses résolutions 2018. Facebook a 14 ans, deux fois l’âge de raison. L’heure a sonné pour lui de grandir, et non plus seulement de grossir. C’est un défi considérable pour lui et les autres géants. C’est aussi un défi pour nous, qui devons promouvoir et accompagner ce changement. Nous le devons à nous-mêmes et à plus forte raison encore à nos enfants.

Matthieu Chéreau édite Nouvelles Frontiéres, une lettre qui explore comment nous pouvons aujourd’hui préparer nos enfants à demain.

L’expert:

Matthieu ChéreauMatthieu Chéreau est le co-fondateur de Cheery (https://cheeryonthecake.com), vous pouvez le retrouver également sur son site perso (https://medium.com/nouvellesfrontieres)

Twitter : @matthieuchereau

LinkedIn : matthieuchereau

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