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Ubérisation du business et taxisation de la relation client

L’ubérisation est le mot de l’année 2015, et vu les récents événements, il n’est pas prêt de tomber en désuétude. Si l’on peut remercier Maurice Levy d’avoir permis de poser le débat au travers de cette innovation linguistique, cette dernière ne rend qu’imparfaitement compte de la situation.

L’ubérisation est la conséquence, pas la cause

Le terme «se faire ubériser» laisserait sous-entendre une sorte d’attaque venue de l’extérieur alors qu’il n’en est souvent rien. Uber n’a ubérisé personne : il a vu une demande insatisfaite, un espace et s’y est engouffré. Il y a une différence entre prendre une forteresse de force et y rentrer parce que les grilles sont ouvertes et qu’un panneau, «entrez et servez vous», trône à l’entrée. Ce sont les anciens leaders qui se sont ubérisés en négligeant la réalité de la demande client. S’ils avaient fait leur job rien ne serait arrivé. D’ailleurs le cuisant échec qu’a connu Uber au Japon montre bien que quand les acteurs en place opèrent en phase avec les attentes des clients, il n’y pas d’espace pour les nouveaux entrants.

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Ensuite l’ubérisation n’est pas un phénomène uniforme et ne vient pas que des start up. Enfin, l’ubérisation n’est pas une fatalité : un acteur traditionnel peut se «désubériser».

Donc si Maurice Levy a bien nommé le symptôme, il n’a nommé ni la maladie ni les causes.

La maladie a deux causes : l’une interne, l’autre externe à l’entreprise. L’une relative à son propre fonctionnement, l’autre à l’égard de ses clients.

La Kodakisation ou le refus d’exploiter un atout

Une entreprise peut avoir tous les éléments en main pour réussir mais refuser de les exploiter. C’est l’exemple de Kodak au travers d’une logique que Manuel Diaz avait appelé Kodakisation. Kodak n’a pas raté la révolution numérique : il avaient été parmi les premiers à développer des appareils photos numériques et, de plus, des produits de qualité. Kodak a failli sur deux points : jouer à fond la carte de la l’appareil photo numérique nécessitait un vrai changement de business model (films + développement vs cartes mémoires) et le développement d’un réseau de distribution nouveau en remplacement de l’actuel. Et Kodak n’a osé ni l’un ni l’autre.

On sait ce qu’on quitte, on ne sait pas ce qu’on va trouver. Kodak a ainsi décidé de rester dans sa zone de confort au lieu d’entamer une traversée et brûler son bateau sans espoir de retour. On sait ce qu’il en est advenu. Mais contrairement aux idées reçues Kodak a bien vu le numérique mais n’a pas osé aller au bout de ce que cela signifiait. Idem pour Sony d’ailleurs qui a sombré face au duo iPod+iTunes non pas en raison d’un manque d’innovation, non pas parce qu’ils n’avaient pas les produits mais par refus de mettre en danger ses lignes produit traditionnelles pour les combiner dans une nouvelle offre avec un nouveau modèle économique.

La Taxisation ou l’illusion de la prééminence de l’offre sur la demande

La seconde grande maladie se nomme la Taxisation et la comédie qui se joue sous nos yeux en France en est le meilleur exemple (d’où son nom). Qu’est ce qui différencie un Uber d’un G7? Absolument rien d’insurmontable. Absolument rien qui ne soit copiable, duplicable. A part une chose : la vision du marché.

D’un coté, on a une approche orientée client : il y a un marché de gens qui veulent voyager comme cela et on l’adresse. De l’autre une vision orientée produit : on a un produit qui a eu son heure de gloire et on va continuer à l’imposer ainsi même si le client demande autre chose.

La taxisation, c’est une politique de l’offre qui dit que le client doit faire avec ce qu’on lui offre et qu’il n’a pas son mot à dire, à l’opposé d’une politique de la demande qui aligne l’offre avec la demande du marché. La taxisation du business et de la relation client c’est croire que la médiocrité d’une offre anciennement à jour mais aujourd’hui dépassée, peut être érigée en modèle de manière légitime pourvu qu’on mette les barrières adéquates à l’entrée.

La stratégie n’est pas guidée par le fait de prendre un avantage concurrentiel en termes d’expérience client mais bel et bien de ne rien changer et niveler l’offre par le bas.

Ubérisation = manque de courage + mépris du client

L’ubérisation a donc deux causes profondes : le manque de courage et le mépris du client. On ne l’évitera pas par la technologie mais par de nouveaux comportements et de nouvelles cultures d’entreprise.

bertrand-duperrinBertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.

Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.

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3 commentaires

  1. Globalement d’accord avec ce qui se dit, mais il manque un grand volet important : celui des « employés ». L’auteur traite l’ubérisation d’un marché lui-même, pas des acteurs. « Se faire ubériser » peut également concerner les « employés » d’Uber. Plutôt précaires en l’occurrence. Certes personne ne leur a mis le couteau sous la gorge, hormis peut-être le contexte économique et social français. Quand il n’y a pas de travail ailleurs, on peut accepter des conditions plus précaires pour pouvoir manger aujourd’hui, peu importe ce qu’il y aura demain. Une dimension à ne pas oublier…

  2. L’analyse de la rupture par manque d’adaptation me semble correcte mais la cause de ce manque d’adaptation me paraît incomplète.
    Les taxis sont une profession réglementée en nombre clos, bref un métier dans un carcan réglementaire qui l’empêche de s’adapter. L’hyperprésence de l’état par l’attribution des licences et la dépendance de leur métier vis-à-vis de la préfecture de police ne permet pas une évolution en douceur du métier.

    C’est d’ailleurs une raison plausible pour laquelle le gouvernement se montre si souple et réactif aux manifestation des Taxis

  3. Il n’y a pas si longtemps en écrivant ce type de billet les avocats des taxis envoyaient des lettres recommandées. n’est pas Nicolas Collin?
    On aura au moins gagné ça dans la bataille. On peut maintenant parler des tabous

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