
Retailers et marques : comment éviter d’être pris en otage par la géopolitique
Alors que les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine se durcissent, les entreprises de la distribution deviennent les dommages collatéraux d’un affrontement économique global. Tarifs douaniers, restrictions réglementaires, mesures de rétorsion : le terrain de jeu des marques n’est plus seulement concurrentiel, il est désormais géopolitique. Dans ce contexte instable, comment anticiper, absorber et réagir?
Des décisions politiques aux conséquences opérationnelles
La récente hausse des droits de douane américains sur les produits chinois, conjuguée à la fermeture du régime de minimis, bouleverse les chaînes d’approvisionnement mondialisées. Ce resserrement affecte directement :
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- les coûts d’importation sur les segments grand public (textile, électronique, jouets),
- la planification de production pour le second semestre, notamment les pics Q4,
- et la capacité des marques à maintenir leurs marges sans affecter le prix final.
Les conséquences se traduisent par des retards, des surcoûts logistiques, des ruptures de stock, et des arbitrages contraints sur les zones de distribution.
La dépendance structurelle à la Chine
Diversifier les zones de sourcing ne se décrète pas. Les alternatives comme le Vietnam, le Cambodge ou l’Inde présentent des capacités industrielles plus faibles, des délais de transition longs et un coût unitaire souvent supérieur à celui de la Chine.
Dans certains secteurs, la qualité et la scalabilité de la production chinoise restent inégalées. Ce n’est pas un choix par confort, mais une réalité opérationnelle. Même les marques de luxe y sous-traitent certaines lignes, parfois sous NDA, pour conserver des marges cohérentes avec leurs ambitions de croissance.
Trois priorités immédiates
Face à cette réalité, l’enjeu n’est plus d’éviter la crise, mais de restructurer son exposition. Trois axes d’action s’imposent :
1. Renégocier le partage du coût logistique
Les marques doivent engager rapidement des discussions avec leurs partenaires logistiques et fournisseurs :
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- révision des tarifs au réel,
- clauses de flexibilité en cas de surcoût douanier,
- mutualisation partielle des hausses de transport ou d’assurance.
2. Déployer une stratégie de dual sourcing raisonnée
Il ne s’agit pas d’abandonner la Chine, mais de construire un écosystème de production en miroir :
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- répartir la fabrication entre plusieurs bassins industriels,
- segmenter les produits selon leur sensibilité au tarif,
- renforcer la traçabilité des composants pour anticiper les blocages réglementaires.
3. Ajuster le pricing avec méthode
L’augmentation tarifaire ne doit pas être un tabou. Elle doit être :
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- progressive et segmentée selon l’élasticité du produit,
- accompagnée d’une communication client sur la transparence et la qualité,
- corrélée aux cycles promotionnels et aux pics de demande.
Une guerre économique qui impose de nouveaux réflexes
Le commerce mondial est devenu un champ de forces mouvantes, où les États reprennent le contrôle des flux, des normes et des alliances commerciales.
Les entreprises doivent intégrer la gestion du risque géopolitique dans leurs outils de pilotage. Cela implique :
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- une veille réglementaire active,
- des scénarios de stress test tarifaire,
- et une gouvernance réactive capable de redéployer les ressources rapidement.
Feuille de route tactique
Action | Impact attendu |
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Réévaluer les incoterms et les délais contractuels | Gagner de la flexibilité opérationnelle |
Sécuriser les flux critiques pour Q4 | Prévenir les ruptures en période de forte demande |
Répartir la production sur deux zones minimum | Réduire la dépendance logistique et politique à un seul pays |
Réajuster les prix sur les gammes à forte marge | Absorber une partie des hausses sans impact direct sur les produits d’appel |
Impliquer les équipes finance, achat et supply | Aligner décisions court terme et stratégie moyen terme |
Reprendre la main sur la chaîne de valeur
Le commerce n’est plus un simple jeu de volumes, de marge et de branding. C’est un exercice de souveraineté économique pour les marques. L’époque de la mondialisation dépolitisée est révolue. Les entreprises ne peuvent plus se permettre de subir. Elles doivent apprendre à arbitrer, anticiper et négocier dans un monde où le politique et le commerce sont redevenus indissociables.