DECODE VC

L’Europe peut-elle créer une entreprise à 1 000 milliards ?

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Le chiffre frappe l’imaginaire, un trillion de dollars. Une barre symbolique franchie par quelques rares entreprises dans le monde, presque exclusivement américaines ou chinoises, Apple, Microsoft, Nvidia, Alphabet, Amazon, Tencent. Dans ce club fermé, aucun acteur européen et c’est à cette carence que Cherry Ventures, fonds de capital-risque basé à Berlin, entend contribuer à changer.

Alors que les investissements dans la tech européenne ont reculé à 45 milliards de dollars en 2024, trois fois moins qu’aux États-Unis selon Atomico , Cherry Ventures refuse de céder à ce qu’il qualifie de « discours du déclin ». Le fonds a levé au 1er trimestre 500 millions de dollars répartis entre un fonds early-stage et un “opportunity fund” destiné à renforcer les meilleures participations en Serie B et suivants. L’objectif est à la fois de soutenir les premiers pas de jeunes startups et d’accompagner, sur la durée, celles qui peuvent viser une échelle mondiale.

Une ambition, plusieurs fractures

Dans sa lettre ouverte, Cherry Ventures veut « contredire les attentes conventionnelles » et répondre à une décennie 2020 marquée par l’émergence de nouvelles technologies, et surtout l’intelligence artificielle. Le fonds souligne que l’Europe compte aujourd’hui 35 000 startups en phase d’amorçage, plus que n’importe quelle autre région du monde, et que sa main-d’œuvre technologique a été multipliée par sept depuis 2015.

Mais cette mobilisation volontariste ne résout pas les déséquilibres structurels. L’échelle de financement reste asymétrique face aux États-Unis et à la Chine. L’Europe souffre d’un manque de capital patient pour accompagner les entreprises au-delà du cap des 10 ou 20 milliards de valorisation. Les IPOs transatlantiques, les fusions inversées, ou les acquisitions précoces restent trop la norme. Le seuil symbolique du trillion est, pour l’heure, réservé aux entreprises capables de maîtriser intégralement des chaînes industrielles mondiales, de capter massivement la demande numérique ou d’opérer à des marges colossales, des conditions qui échappent encore largement aux acteurs européens trop isolés.

Une génération à bâtir

Si Cherry Ventures ne nie pas les limites du système, le fonds veut engager une transition. « Les fondations de l’Europe sont solides […] mais notre culture de l’innovation doit changer », peut-on lire dans leur message. Cela passe par la nécessité d’une coopération entre entrepreneurs, chercheurs, investisseurs et pouvoirs publics mais aussi repose sur une génération nouvelle de fondateurs, passée du mimétisme au leadership. « Au début des années 2000, les startups européennes copiaient pour la plupart les modèles américains […]. L’écosystème doit atteindre un point de maturité où une deuxième ou troisième génération de fondateurs prend le relais », observe Filip Dames, cofondateur du fonds.

Pourtant des startups à l’instar de Supercell, Revolut, Klarna ou UiPath ont montré qu’une échelle mondiale était accessible depuis l’Europe, mais aucune n’a encore franchi le seuil du trillion, une marche encore très haute.

La valeur, au-delà de la valorisation

Au-delà de l’ambition chiffrée, l’une des idées maitresses des dirigeants du fonds tient davantage dans la durée que dans la valorisation. « Une innovation transformatrice à l’échelle mondiale nécessite des investisseurs tournés vers l’horizon, pas vers la sortie », affirme le fonds. Une forme de contre-pied à la logique de rotation rapide des portefeuilles qui a jusqu’à présent dominé le capital-risque européen. L’idée n’est pas seulement de faire émerger un géant, mais de permettre à des entreprises technologiques de s’inscrire dans le temps long, à l’image de ce qu’ont réussi certaines entreprises familiales ou industrielles du Vieux Continent.

Créer une entreprise à 1 000 milliards en Europe suppose bien plus qu’un afflux de capital et exige une transformation du cadre, des mentalités, des horizons d’attente. Une question bien posée, reste à savoir si l’écosystème européen acceptera d’y répondre collectivement.

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