INDUSTRIETRENDS

Quand l’industrie devient software, la mutation silencieuse des machines européennes.

We Love Innovation, en partenariat avec GYS.

En Europe, l’industrie vit une transformation invisible mais décisive pour son avenir, à savoir que ses machines deviennent des logiciels. Sous la pression de la productivité, de la traçabilité et de la décarbonation, la mécanique seule ne suffit plus. Chaque poste de soudage, chaque chargeur, chaque robot embarque désormais des millions de lignes de code.

À Laval, l’entreprise française GYS incarne cette révolution, ainsi ses machines, autrefois purement électromécaniques, fonctionnent aujourd’hui comme des ordinateurs, elles calculent, dialoguent, s’auto-diagnostiquent et se mettent à jour. Ce changement n’intervient pas seulement dans la nature des produits, mais dans celle du savoir industriel européen.

De la mécanique à la programmation

Pendant des décennies, l’industrie s’est mesurée à sa capacité de production physique, or aujourd’hui, la valeur réside dans l’intelligence embarquée. Plus de 60 % du contenu technologique d’une machine provient désormais de l’électronique et du logiciel.

Chez GYS, un simple poste de soudage contient aujourd’hui plusieurs millions de lignes de code et effectue jusqu’à 70 000 calculs par seconde, une véritable prouesse technologique. Ces systèmes communiquent avec des robots, des cobots, des logiciels de supervision ou des plateformes cloud locales. “Nos produits sont devenus des ordinateurs qui soudent, chargent ou réparent”, résume Bruno Bouygues, PDG de l’entreprise.

Ce glissement du matériel vers le logiciel bouleverse les organisations, ainsi les bureaux d’études, autrefois dominés par les mécatroniciens, accueillent désormais des développeurs, des spécialistes de systèmes embarqués et des ingénieurs data. GYS compte aujourd’hui plus de 200 ingénieurs et techniciens, et le logiciel représente déjà un tiers des effectifs R&D, une part qui pourrait atteindre 60 % d’ici dix ans.

Une industrie sans standards

Quand Windows et Android ont imposé des architectures universelles, l’industrie n’a pas de langage commun, et chaque fabricant est confronté à une solitude informatique dans laquelle il doit développer son propre écosystème.

Pour GYS, la vision de Bruno Bouygues a été de bâtir en interne l’intégralité de la chaîne logicielle, de la couche basse électronique, au système d’exploitation et des protocoles de communication, pour développer les applications de gestion et de diagnostic. Si cette intégration verticale confère une maîtrise totale, elle demande une expertise rare, qu’elle doit entretenir et développer en permanence. Un choix coûteux mais qui s’avère être aujourd’hui un avantage concurrentiel substantiel. A titre d’exemple de ce savoir-faire, l’entreprise a par exemple conçu une bibliothèque universelle de drivers capable de connecter un robot industriel à une machine en quelques minutes, contre une semaine auparavant.

Cette absence de standardisation crée aussi un avantage stratégique en matière de souveraineté, les industriels capables de coder leur écosystème deviennent autonomes et indépendants de solutions logicielles américaines ou asiatiques et peuvent ainsi garantir la continuité technologique de leurs produits sur vingt ans, face à un secteur qui tend vers une obsolescence de plus en plus rapide.

Quand le logiciel devient le cœur du modèle économique

Point essentiel, cette mutation ne relève plus seulement de la technique, mais se conjugue avec les modèles d’affaires. Dans l’industrie, la marge se déplace désormais vers le logiciel : supervision, mises à jour, diagnostic à distance, maintenance prédictive, chacun comprendra que maitriser la chaine technique est un fondamental pour bâtir un modèle économique solide.

Les grands clients industriels ne cherchent plus seulement à acheter une machine, mais veulent se doter d’un équipement complet, moderne, doté d’une infrastructure logicielle fiable et évolutive. Une solution capable d’être mise à jour, interconnectée et suivie dans le temps. Chez GYS, chaque machine embarque un système d’exploitation propriétaire et des modules logiciels modulables, qui permettent d’activer de nouveaux services après l’installation, assurant l’évolutivité des machines commercialisées.

Ce modèle transforme aussi la relation commerciale en permettant l’ajout de fonctions supplémentaires. Là où le client investissait en CAPEX pour un matériel, il raisonne désormais en OPEX, dans une logique de service continu : mises à jour, data, support, sécurité. Le logiciel devient alors la garantie de performance et de compétitivité à long terme.

La réinvention humaine de l’usine

Cette révolution logicielle implique de bâtir une courbe d’apprentissage solide. GYS a choisi de tout développer en interne, dans ses usines de Laval, plutôt que de délocaliser ou d’externaliser le code. Les prototypes, la mécanique, les cartes électroniques et tous les logiciels sont conçus sur le même site.

Ce rapprochement entre conception et production crée une culture d’ingénierie unique. “Plus une machine apporte des fonctions supplémentaires, plus celles-ci sont utilisées par nos clients et plus ils nous poussent à avancer en collaboration sur des nouveaux sujets auxquels nous n’avions pas pensé seul. Ce co-développement est passionnant”, confie un ingénieur de la R&D.

Ce modèle très intégré et très ancré localement attire une nouvelle génération d’ingénieurs hybrides, à la fois développeurs, électroniciens et praticiens du terrain.

L’Europe face à sa révolution logicielle

Face à la fast industrie, l’Europe peut jouer une autre carte, notamment celle de la durabilité et de la souveraineté technologique. Grâce à cette approche, les machines de GYS sont conçues et être maintenues longtemps, avec des systèmes embarqués stables et des protocoles de sécurité renforcés. Ce modèle n’offre pas la vélocité chinoise, mais une fiabilité et une compatibilité à long terme qui séduisent les grands groupes industriels soucieux de ne pas investir dans des machines trop rapidement obsolètes.

Ce basculement vers du software n’est pas non plus un alignement sur la Silicon Valley, mais une réinvention à l’européenne, mélangeant finement hardware et software intelligent, robuste, capable d’évoluer sans obsolescence prématurée.

Ce que cela change pour les grands clients industriels

Pour un constructeur automobile, un énergéticien ou un équipementier, ce basculement redéfinit le cahier des charges. Acheter une machine, c’est désormais choisir une architecture logicielle, et le coût initial n’est plus le critère clé, il faut désormais évaluer la capacité du fournisseur à maintenir son code, à garantir la compatibilité des générations futures et à assurer la sécurité des mises à jour.

Ces changements transforment la relation fournisseur-client et l’inscrit en partenariat de long terme. GYS, en gardant la maîtrise complète de son code, garantit la continuité logicielle et la compatibilité inter-machines, deux conditions essentielles pour les usines connectées de demain.

Une transformation irréversible ?

Derrière les châssis d’acier et les cartes électroniques, le code devient la véritable matière première industrielle et in fine, la question n’est plus de savoir si cette transformation aura lieu, mais combien d’entreprises en Europe sauront l’exécuter avec précision. Celles qui, comme GYS, ont intégré le logiciel au cœur de leur savoir-faire industriel, prennent une longueur d’avance, les autres devront apprendre très vite, ou disparaître

Suivez moi
Bouton retour en haut de la page