
Ce que nous apprend l’entrée de Revolut dans les télécoms
En annonçant le lancement d’une offre mobile en Europe, Revolut n’ouvre pas un simple service complémentaire. Elle adresse une faille stratégique que les opérateurs historiques – Orange, SFR, Free – peinent à combler depuis des années : l’interface. Cette incursion dans le secteur télécom n’est pas un caprice, c’est une démonstration de force de la super app, et voici ce qu’elle révèle:
Le secteur télécom est technologiquement avancé mais commercialement figé
La 4G, la 5G, la fibre… Les opérateurs français ont investi massivement dans les infrastructures. Pourtant, la promesse client ne suit pas. Tarification illisible, frais cachés, procédures de résiliation laborieuses, interfaces mal conçues : l’innovation technique n’a pas été traduite en innovation d’usage. Revolut, en proposant un forfait mobile directement intégré à sa superapp bancaire, cible précisément ce décalage.
La relation client devient la véritable zone de différenciation
Revolut n’apporte pas de nouvelle antenne mais elle apporte une expérience. L’utilisateur peut activer son forfait, gérer sa consommation, résilier ou ajouter des données depuis la même application où il suit ses comptes bancaires ou investit en bourse. Le produit télécom est invisible, seule compte l’interface. C’est une leçon directe pour les opérateurs historiques, encore dépendants de parcours clients en silos, d’applications cloisonnées, de modèles hérités.
Les MVNO ne sont plus de simples distributeurs à bas prix
Revolut opérera comme MVNO, c’est-à-dire sans infrastructure propre, en s’appuyant sur les réseaux existants. Ce modèle, longtemps relégué au low-cost, devient aujourd’hui un levier stratégique. En 2024, les MVNO ont capté plus de 1,6 million de nouveaux clients au Royaume-Uni, quand les grands opérateurs perdaient des abonnés. L’émergence de marques fortes, orientées produit, transforme les MVNO en concurrents frontaux sur l’usage, pas seulement sur le prix.
L’agrégation de services devient plus puissante que l’intégration verticale
Orange diversifie, SFR restructure, Free optimise. Mais tous restent prisonniers d’une logique d’opérateur intégré. Revolut, elle, assemble des briques : banque, assurance, télécom, crypto, investissement. L’utilisateur reste dans une seule interface. Cette capacité à agréger sans posséder redéfinit la chaîne de valeur. Le contrôle de l’infrastructure devient secondaire face au contrôle de l’attention.
La valeur perçue se déplace de la technologie vers la simplicité
L’erreur stratégique des opérateurs historiques est d’avoir confondu complexité technique et valeur client. Le consommateur n’achète plus un réseau, il achète une facilité. Le succès de l’eSIM de Revolut pour les voyages, devenu son service non bancaire le plus utilisé, en est la preuve. Une mise en service instantanée, sans carte physique, sans boutique, suffit à convertir des usages.
L’entrée de Revolut dans les télécoms agit comme un révélateur.
Elle ne vise pas la domination du marché, mais l’illustration d’un principe : dans les secteurs matures, la prochaine vague de disruption ne vient pas d’un progrès technique, mais d’une reprise en main du produit du point de vue de l’utilisateur.
Revolut rappelle aux opérateurs une vérité oubliée : on ne change pas de fournisseur pour un mégabit de plus, mais pour trois clics de moins.