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FUSION: quand deux start-up tentent (difficilement) de fusionner

Par Tristan Laffontas, co-fondateur de MoiChef

Après avoir raconté au monde entier que je suis au RSA (y compris sur RMC dans «3 minutes de gloire» à côté de Roselyne Bachelot, allez comprendre) j’ai reçu énormément de messages, tous plus géniaux les uns que les autres. J’ai également rencontré plein de personnes, dont certaines sont devenues des amis, voire même des collaborateurs. J’ai aussi rencontré Marc.

Marc, c’est celui qui a eu l’idée géniale de créer OpnKitchen, les cours de cuisine ultimes (privés, en immersion, dans la cuisine du chef, pendant un vrai service. Rien que ça), accompagné par son associée Marine et épaulé par leur développeur Alex.

La rencontre

Un e-mail bref, une invitation dans l’agenda, un autre rdv en même temps et je décide de ne pas aller boire ce café. Après tout, c’est Mathilde qui s’occupe des partenariats communication, elle ira donc sans moi.

A son retour, sans trop savoir m’expliquer pourquoi, elle me dit qu’il faudrait peut être que je le revoie, ce Marc. Le rendez-vous est pris, je rencontre enfin le fondateur d’OpnKitchen qui me présente sa start-up: proposer des cours privés en immersion dans les cuisines des plus grands chefs. Il me suggère ensuite un «échange de visibilité». Cette pratique est très courante entre start-up qui s’adressent aux mêmes communautés (les passionnés de cuisine en l’occurrence). Je parle de toi, tu parles de moi, nos clients respectifs découvrent un service qui peut les intéresser.

Sauf que cette fois ci, je ne suis pas du tout d’accord.

«OK, c’est mignon, mais si on se contente de ça, on joue vraiment petit bras!»

L’évidence

Plus nous parlions, plus j’avais l’impression de parler à mon alter ego. Nos start-up avaient sensiblement le même âge (pas loin de 3 ans), levé autant d’argent (environ 100 000 euros il y a un an) et étaient au même stade de maturité (on s’éclate mais on mange des pâtes). Mais surtout, nous adressions exactement les mêmes communautés: les passionnés de cuisine d’un côté, les très grands chefs de l’autre.

A ce stade, c’est à dire après 35 minutes d’échange avec un total inconnu, voire un potentiel futur concurrent, n’importe quel chef d’entreprise sensé serait parti avec un beau partenariat de communication. Mais non, à la fin du rendez vous je me souviens avoir (difficilement) sorti quelque chose comme:

«Bon, Marc, là… On est d’accord pour dire qu’on est -sans le dire- en train d’évoquer une éventuelle future potentielle fusion entre nos deux start-up

«Oui, j’ai l’impression.»

0,7% de chances que cela se fasse

Immédiatement après ce rendez-vous, j’ai appelé mon associé Romain pour lui expliquer ce qu’il venait de se passer.

«Entre nous Romain, d’après moi il y a 100 raisons pour que ça n’arrive jamais cette histoire, aujourd’hui on est à 0,7% de chances que ça se fasse»

Ne me demandez pas d’où j’ai sorti ce chiffre absurde, mais j’y croyais sincèrement, ça semblait tellement improbable. Je savais aussi que nous avions déjà fait le plus difficile: avoir deux PDG se disant les yeux dans les yeux que ça pourrait être une bonne chose. J’avais bien évidement plein de questions en tête (Comment expliquer ça à nos clients? Comment partager les parts de nos entreprises? Que vont dire nos investisseurs? Qui sera le nouveau PDG? Quel nom garder? Comment va réagir l’équipe? Combien ça va coûter tout ça? Et si on ne s’entend pas?) mais je ne pouvais m’empêcher d’y croire. Un gut feeling comme disent nos amis américains.

«Une semaine tous ensemble à picoler dans une maison de campagne.»

Il y avait néanmoins une question qui me semblait primordiale et qui prévalait toutes les autres: «Et si on ne s’entend pas?» J’ai donc proposé deux choses à Marc immédiatement:

  1. On va se voir tous les jours, ou presque, jusqu’à ce qu’on trouve une bonne raison de ne pas fusionner. Ou l’inverse.
  2. Il n’y aura pas de fusion tant qu’on n’aura pas passé trois jours tous ensemble à picoler dans une maison de campagne

«Deal.»

Tout faire pour éviter la fusion ratée.

 

Une semaine et 4 rendez-vous plus tard, nous étions en Normandie dans une maison de famille, avec de quoi manger, boire et écrire.

Au-delà du vin et de la bière qui accompagneraient les BBQ, nous avons préparé ce weekend en remplissant tous un long formulaire de plus de 40 questions, parfois très personnelles, parfois gênantes, mais toutes essentielles pour apprendre à se connaitre en si peu de temps (un grand merci à Guilhem Bertholet pour le questionnaire).

A la fin de ce «week-end», le constat était sans appel: nous avions tous une folle envie de travailler ensemble car nous savions que ce serait pour nous l’occasion d’aller au bout de notre rêve, beaucoup plus vite. Nous nous sommes tous tapés dans la main. La machine était en marche.

La fusion: théorie VS pratique

Après l’euphorie, les questions difficiles sont arrivées. Nous avions répondu à beaucoup d’entres elles en Normandie (L’équipe? À fond. La marque principale? Moichef, et OpnKitchen deviendrait un service de MoiChef. Le Président de la nouvelle entité? Celui qui parle tout le temps et qui aime ça: moi). Mais il restait les questions légales, juridiques … tout ce qui me fait rêver.

«Nous avons donc pris la courageuse décision de … ne pas en prendre.»

Après avoir consulté les amis entrepreneurs, amis avocats, et même une très grande société de conseil spécialisé dans les FUSAC ou M&A (Fusion & Acquisition ou Merge & Acquisition) nous en sommes arrivés à la conclusion que l’opération totale pourrait coûter jusqu’à 15 000 euros (frais juridiques, audit comptable etc…).

15 000 euros pour se réveiller le lendemain matin et que … rien n’ait changé. 15 000 euros que de toute façon, nous n’avons pas.

Nous avons donc pris la courageuse décision de … ne pas en prendre (les entrepreneurs et autres personnes sensés qualifieront cette décision d’inconsciente, suicidaire ou simplement stupide. Je les comprends et ne leur en tiens pas rigueur).

Au final, le seul contrat que nous avons est un Google docs que nous avons rempli progressivement, chacun de notre côté.

A défaut de pouvoir (pour l’instant) formaliser cette fusion de façon officielle, nous pouvions le faire de façon opérationnelle : nous avons donc décidé de ne plus se lâcher et de travailler ensemble tous les jours, sur la Box, ou sur OpnKitchen.

A partir de ce moment, plus rien ne pouvait nous arrêter. Nous avions la possibilité d’offrir à nos passionnés de cuisine une offre beaucoup plus complète et parfaitement complémentaire. Idem pour nos Chefs partenaires, qui pourraient désormais tous ouvrir leurs cuisines à leur plus grands fans et pour les plus chanceux d’entre eux, profiter d’une mise en avant pendant un mois avec la Box MoiChef (il n’y en a que 12 par an, nous sommes donc obligés de faire une sélection).

SUCCESS !

Depuis ce jour d’été, nous ne nous sommes plus quittés. Nous travaillons tous les jours ensemble, Marc travaille même plus pour la Box que pour OpnKitchen et inversement pour moi.

Concrètement, ça change quoi?

Dans l’immédiat, rien ne change, ni pour nos clients ni pour nos chefs. Les abonnés à la Box vont continuer à la recevoir tous les mois et les cours de cuisine d’OpnKitchen sont toujours disponibles, avec encore plus de chefs qu’avant.

Bien sûr, nous pourrons désormais communiquer sur les deux services et nous sommes convaincus que de nombreux abonnés à la Box vont tenter l’expérience du cours de cuisine privé en immersion, et vice versa.

L’avenir

Au delà d’avoir rencontré une équipe incroyable, et je peux déjà le dire, de nouveaux amis, cette fusion est pour nous l’opportunité de réaliser notre rêve beaucoup plus rapidement: devenir LA plus belle communauté de passionnés de cuisine.

Pour la première fois, cette communauté de passionnés rassemblera non seulement des amateurs(trices) qui adorent cuisiner, ont le goût du challenge et un besoin permanent de découverte, mais également les plus grands Chefs au monde. (de France pour l’instant, mais ça viendra).

Les abonnés à MoiChef ont déjà accès à un groupe secret sur Facebook sur lequel sont également présents nos grands Chefs partenaires. Lorsqu’un chef 2 étoiles félicite un de nos passionnés de cuisine sur le dressage de son plat, je sens qu’on a atteint notre objectif, même si je pense que nous avons encore une grande marge de progression pour faire vivre cette communauté.

Oui, c’est un pseudonye. Les Chefs utilisent leur compte perso pour rejoindre le groupe secret.

Risque d’explosion

Aujourd’hui, tout semble parfait. Néanmoins, le bon sens me permet de dire qu’inévitablement la situation peut un jour dégénérer. Comment réagirons-nous si demain OpnKitchen génère 90% de nos revenus? Ou l’inverse? Ce n’est pas notre Google Docs qui jouera le rôle d’arbitre.

La fusion légale reste donc un objectif fort pour début 2018. Mais d’abord, on va vendre des centaines de cartes cadeaux pour noël.

Cet article est mon premier publié directement sur Medium. Je pense continuer à utiliser cette plateforme pour mon prochain, dont le titre sera a peu près: «Comment j’ai réussi/raté ma fusion entre deux startup».

Le contributeur:

tristan-laffontas

 

Tristan Laffontas est le co-fondateur de MoiChef.

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