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Pourquoi votre plateforme e-commerce n’est plus vraiment la vôtre

Dans l’ombre des grandes annonces sur l’IA, l’omnicanal ou le live shopping, un phénomène structurel transforme silencieusement le commerce digital : la montée en puissance des App Stores. Longtemps perçus comme de simples répertoires d’extensions, ces écosystèmes sont devenus le cœur battant des plateformes e-commerce. Mais cette dépendance croissante soulève des enjeux critiques : fragmentation, surcharge technologique, perte de contrôle… et apparition de nouveaux rapports de force.

Une externalisation massive des fonctions critiques

Historiquement, les plateformes e-commerce intégraient en natif l’essentiel des fonctions métier : catalogue, tunnel d’achat, CRM, emailing, gestion des stocks, etc. Aujourd’hui, nombre de ces fonctions sont externalisées via des apps : automatisation marketing, fidélité, personnalisation, merchandising dynamique, analytics, IA générative… Sur certaines plateformes, plus de 80 % des utilisateurs installent au moins cinq apps tierces dans les six premiers mois.

Le modèle semble gagnant : l’e-commerçant accède rapidement à une solution spécialisée, souvent low-code, sans investissement lourd. L’éditeur de la plateforme, lui, enrichit son écosystème à moindre coût. Mais derrière cette apparente efficacité, une nouvelle dépendance s’installe.

L’illusion de la simplicité

Avec des App Stores dépassant parfois les 8000 modules (Shopify), l’offre paraît pléthorique. En réalité, peu d’apps concentrent l’essentiel des installations. Le marché est dominé par quelques acteurs SaaS verticaux très bien financés, qui imposent leurs standards d’interfaçage, leur rythme de mise à jour et leurs prix.

De plus, les marchands découvrent vite les effets secondaires :

    • empilement de solutions redondantes,
    • hausse du coût global (abonnements cumulés),
    • conflits de compatibilité,
    • surcharge du back-office,
    • dégradation des performances du site.

L’App Store devient un labyrinthe : une liberté apparente masquant une complexité croissante.

Une délégation stratégique problématique

Dans un modèle App Store-centric, l’e-commerçant confie des fonctions stratégiques à des éditeurs tiers : gestion de la donnée client, scoring, recommandations personnalisées, segmentation… Ces apps capturent une partie de la relation client, souvent sans que l’entreprise en ait une visibilité complète.

Cette délégation affaiblit la capacité à construire une vision long terme du produit. Elle réduit aussi la souveraineté sur la donnée, limite l’interopérabilité, et pose des risques juridiques (RGPD, exportabilité, sécurité des données).

Plus largement, elle traduit une forme de désengagement technologique : la plateforme devient un socle, l’app store un patchwork, le produit final une somme de dépendances.

L’émergence d’alternatives modulaires

Face à cette prolifération, plusieurs contre-modèles apparaissent :

    • Les solutions headless et composables (Commerce Layer, Medusa, Saleor) intègrent peu d’apps mais reposent sur des API ouvertes.
    • Des plateformes comme Swell ou Shogun Frontend proposent des environnements plus fermés mais plus cohérents.
    • Des e-commerçants internalisent à nouveau certaines fonctions critiques pour regagner du contrôle, quitte à rallonger les délais de mise en œuvre.

La promesse de l’App Store — « plug & play » — est remise en question : la question n’est plus seulement peut-on installer cette app ?, mais doit-on déléguer cette fonction ?

Vers un éclatement du modèle plateforme

L’App Store n’est plus un simple espace fonctionnel. Il devient une place de marché, un levier stratégique, un facteur de différenciation… mais aussi un risque de fragmentation.

Ce glissement est lourd de conséquences :

    • Il rend les plateformes dépendantes de leur propre écosystème tiers.
    • Il dilue leur proposition de valeur face à des acteurs verticaux (Klaviyo, Yotpo, Gorgias…) qui peuvent décider de devenir eux-mêmes plateformes.
    • Il accélère le morcellement du stack e-commerce, au détriment de la cohérence produit.

Dans ce contexte, le rôle du CTO ou du directeur e-commerce évolue : il ne s’agit plus de choisir une plateforme, mais d’orchestrer un écosystème dynamique de services dont il faut maîtriser les interconnexions, les coûts et la gouvernance.

Conclusion

Les App Stores sont devenus un moteur d’innovation rapide… mais aussi un piège de complexité silencieuse. Le défi pour les marchands n’est plus de choisir « la meilleure app », mais de repenser leur architecture globale, d’arbitrer entre simplicité court terme et souveraineté long terme, et d’accepter que dans le commerce digital moderne, la vraie plateforme n’est peut-être plus celle que l’on croit.

Benchmark des grandes plateformes e-commerce face à la logique App Store

Plateforme Positionnement Nb d’apps (env.) Approche technique Dépendance à l’App Store Contrôle sur les données Niveau de customisation
Shopify SaaS tout-en-un pour PME & scale-ups +8000 SaaS fermé + APIs Élevée Faible (environnement contrôlé) Moyen à fort (via apps)
Prestashop Open Source + modules payants +4000 PHP/Smarty + App Store Moyenne à élevée Fort (self-hosted possible) Fort
BigCommerce SaaS + ouverture composable (API-first) ~1300 SaaS modulaire + headless Moyenne Moyen Fort (mode headless)
WooCommerce Plugin WordPress pour TPE/PME +1000 Open Source PHP Moyenne Fort Fort
Medusa Headless open source natif ~100 API-first / JS / composable Faible Très fort Très fort
Commerce Layer API-first pour e-commerce international ~50 Composable, multi back-end Très faible Très fort Très fort
Saleor Headless open source (GraphQL) ~200 Open Source / composable Faible Très fort Très fort
Swell SaaS headless avec App Store intégré ~300 SaaS API-first Moyenne Moyen à fort Fort
Shopware Hybride SaaS/on-prem + extensions +1500 PHP/Headless + marketplace Moyenne Fort Fort

 

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