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Quantique de défense : “On est au début d’un basculement stratégique”, selon Sébastien Lecornu

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En clôture de France Quantum consacrée aux technologies quantiques, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a dressé un constat sur les ruptures à venir dans le domaine du quantique militaire indiquant qu’elles progressent à bas bruit, dans une relative indifférence institutionnelle. Face à des adversaires stratégiques déjà engagés, la France entend accélérer sa propre montée en puissance. A cette occasion, des annonces structurantes ont été formulées.

Le ton est posé! « Il y a un décalage énorme entre la brutalité de la rupture et sa perception« , a affirmé Sébastien Lecornu, en introduction de son propos. Le ministre alerte sur le silence stratégique qui entoure encore le quantique, et notamment ses applications militaires. Un silence d’autant plus préoccupant que « tous les pays présentant un défi de sécurité pour le monde développent un programme quantique« .

Il cite explicitement la Corée du Nord, l’Iran, la Russie, et bien sûr la Chine. Certaines de ces puissances ont cessé de publier des brevets. Ce n’est pas une pause technologique, estime-t-il, mais un basculement vers des circuits exclusivement militaires, souverains, fermés. « Je pense que s’il n’y a plus de brevets déposés, c’est tout simplement parce que nous sommes dans des choix stratégiques« , indique-t-il.

Les usages évoqués ne relèvent pas de la spéculation mais concernent directement la supériorité opérationnelle avec la détection sous-marine, des capteurs de nouvelle génération, la guerre électromagnétique. « Quand vous commencez à parler de détection sous-marine de masse métallique, je ne vous fais pas de dessin sur ce que ça peut vouloir dire », confie le ministre. Loin du mythe de l’ordinateur quantique universel, c’est bien la couche capteur/communication qui concentre les enjeux à court terme.

Face à ces perspectives, plusieurs annonces concrètes ont été formulées :

  • Lancement d’un campus quantique de défense, conçu comme un espace sécurisé de collaboration entre acteurs publics et privés, civils et militaires. Il s’agira d’un « cercle de confiance », selon les mots du ministre, destiné à traiter les sujets classifiés liés au quantique, avec des règles d’accès précises.
  • Création d’un laboratoire quantique de défense hébergé par la DGA. La fiche de poste du futur directeur est en cours de diffusion. Ce laboratoire aura vocation à rapprocher la recherche technologique des besoins opérationnels, dans une logique d’expérimentation accélérée.
  • Objectif de montée en puissance budgétaire, le ministère des Armées prévoit d’investir 250 millions d’euros entre 2024 et 2030 dans le quantique, et travaille à mobiliser 200 millions supplémentaires, afin de « changer complètement d’échelle ».

Ce chantier s’inscrit dans un objectif plus large de décloisonnement. Le ministre appelle à briser les frontières culturelles entre recherche fondamentale et besoins opérationnels, entre univers publics et entreprises privées, entre civil et militaire. Il salue au passage l’exemple de l’IA, structuré en quelques années autour de l’agence ministérielle AMIAD. Le quantique doit suivre une trajectoire similaire, sans nuire à la créativité, mais en garantissant un pilotage cohérent. « Ce qu’on a réussi à faire sur l’intelligence artificielle tient au fait qu’on a remis de l’ordre sans abîmer la créativité. »

Il revient aussi sur l’enjeu des ressources humaines, appelant à concevoir des parcours professionnels hybrides permettant aux talents de circuler entre secteurs. L’expérience de l’atome ne suffira pas à modéliser ces nouveaux flux : « Sur le quantique, ça ne sera pas possible de faire comme dans les années 60. Il faut construire autre chose. »

Autre point structurant, l’articulation entre investissement public et initiative privée. Thalès est cité comme exemple d’industriel ayant pris les devants sans attendre de commande publique. L’État joue ici un rôle d’effet de levier, mais aussi de signal de confiance pour réchauffer un écosystème encore frileux.

Le ministre a rappellé que les technologies de défense restent parfois mal vues dans certains cercles financiers. Pour l’anecdote, Il a évoqué le cas de PME françaises travaillant sur la dissuasion nucléaire, qui ont eu des difficultés à obtenir des prêts ou des services bancaires en raison de leur activité.

La question de la synchronisation industrielle est également centrale, alors que la France définit les contours de ses plateformes militaires des années 2040 à 2060 (futur Rafale, porte-avions de nouvelle génération, spatial de défense) l’intégration des capteurs quantiques devient critique. « C’est comme si on voulait faire un sous-marin à propulsion nucléaire sans maîtriser l’atome. »

L’importance des commandes expérimentales dans un cadre classifié a été rappelée, comme pour les capteurs quantiques appliqués à la guerre électronique. Des travaux sont notamment engagés sur les antennes, les interférences électromagnétiques et la miniaturisation des composants.

Sébastien Lecornu appelle à assumer une prise de risque incrémentale, au service de la souveraineté. « Ce qui compte, c’est qu’on accélère », a-t-il affirmé. L’enjeu est moins de tout maîtriser que de ne pas se laisser dépasser. Et de ne pas, dans vingt ans, équiper les forces françaises de plateformes puissantes mais technologiquement désynchronisées.

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