
Qu’est-ce que le DIGITAL OMNIBUS, projet de refonte du cadre numérique européen?
📩 Pour nous contacter: redaction@fw.media
La Commission européenne prépare une nouvelle étape dans la gouvernance numérique de l’Union. Baptisé Digital Omnibus, ce train de mesures vise à simplifier un ensemble de réglementations devenues trop complexes et à renforcer la cohérence entre les grands textes adoptés depuis 2020 sur la donnée, la cybersécurité et l’intelligence artificielle. Derrière l’objectif technique, l’enjeu est bien entendu politique à savoir consolider la souveraineté numérique européenne.
Un projet né de l’empilement réglementaire
Depuis cinq ans, l’Union européenne a produit une série de textes structurants, à commencer par le RGPD pour la protection des données personnelles, le Data Governance Act et le Data Act pour encadrer le partage des données, le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA) pour réguler les grandes plateformes, sans oublier le Cyber Resilience Act et l’AI Act, premier cadre mondial pour l’intelligence artificielle.
Cet édifice normatif, salué pour sa rigueur, a aussi généré une forte charge administrative, en particulier pour les PME et les acteurs publics confrontés à des règles multiples, parfois redondantes. C’est dans ce contexte que la Commission a lancé mi septembre, un appel à contributions pour construire un paquet de simplification numérique baptisé Digital Omnibus.
Une ambition de cohérence et d’efficacité
Le projet s’inscrit dans la communication officielle « Une Europe plus simple et plus rapide », qui fixe trois priorités :
- Réduire la charge administrative en généralisant le principe once only afin que les entreprises et citoyens n’aient à fournir une même donnée qu’une seule fois à une administration.
- Aligner les obligations entre les différents règlements numériques pour créer un environnement de conformité harmonisé à l’échelle européenne.
- Accélérer la numérisation des services publics, avec une logique digital by default inspirée des modèles estonien et danois.
Si le Digital Omnibus n’est pas une nouvelle réglementation, il a pour objectif réécrit et aligne plusieurs dispositions existantes pour améliorer leur lisibilité et supprimer les chevauchements.
Vers une gouvernance intégrée du numérique européen
L’objectif poursuivi est de bâtir un cadre où les données circulent plus librement entre administrations, tout en maintenant un haut niveau de sécurité et de protection. Cette approche s’appuie sur l’idée que la compétitivité européenne dépend désormais de la qualité de son infrastructure administrative et juridique et permettre une interopérabilité fluide entre États membres, ministères et institutions.
Le Digital Omnibus s’articule ainsi avec des programmes européens structurants comme le Once Only Technical System (OOTS), qui met en place la circulation automatique des données entre autorités publiques, Gaia-X, pour un cloud interopérable et souverain, et le European Data Innovation Board, qui coordonne la gouvernance des espaces de données sectoriels.
Un texte encore en discussion
Le projet final doit être présenté d’ici la fin de l’année 2025, avant les phases d’amendement par le Parlement et le Conseil.
La consultation publique a déjà suscité plusieurs critiques, certains acteurs de la société civile, comme European Digital Rights (EDRi), redoutent un affaiblissement du consentement explicite prévu par la directive ePrivacy; d’autres pointent le risque d’une dérégulation partielle au profit des grandes plateformes et de l’industrie publicitaire, sous couvert de simplification ; enfin, des observateurs estiment que la fragmentation des initiatives nationales (cloud, cybersécurité, IA) risque de limiter les effets du texte s’il n’est pas accompagné d’une gouvernance unifiée.
Un enjeu de souveraineté numérique
Au-delà de la simplification administrative, le Digital Omnibus s’inscrit également dans une stratégie de réduire la dépendance de l’Europe aux infrastructures extra-européennes.Aujourd’hui, près de 70 % des données européennes transitent par des serveurs américains, et moins de 10 % des puces avancées sont fabriquées sur le continent. La Commission veut créer un socle commun qui permette de sécuriser la donnée publique, d’harmoniser les procédures, et de renforcer la confiance dans les services numériques.
Entre simplification et vigilance
Le défi est de simplifier sans fragiliser, si la Commission parvient à réduire la complexité réglementaire sans affaiblir les garanties du RGPD et de l’ePrivacy, le Digital Omnibus pourrait devenir la colonne vertébrale administrative de la souveraineté numérique européenne. À l’inverse, un texte trop permissif risquerait de remettre en cause le modèle européen de protection des données.






