Laurence FaguerLes Experts

Supply chains: pourquoi le manque de transparence sera l’un des principaux défis pour les marques en 2021

Interview de Sébastien Breteau (QIMA), par Laurence Faguer, experte retail et BeautyTech

INTERVIEW

Sébastien Breteau, QIMA

Les supply chains peu digitalisées seront deux fois plus exposées à des problèmes de qualité et de transparence.

Habillement, électronique, alimentaire … : nos produits du quotidien sont le fruit de chaînes d’approvisionnement mondialisés de plus en plus complexes. Parallèlement, les consommateurs et les gouvernements exigent davantage de qualité et de transparence, mais toutes les entreprises ne sont pas prêtes – et elles le savent.

En effet, le manque de transparence dans la chaîne d’approvisionnement, et les problèmes de qualité produit, sont parmi les principaux défis que les marques et distributeurs auront à relever en 2021. La crise sanitaire a mis en exergue les fragilités du commerce mondial ; mais seules les entreprises qui prennent le tournant du digital pourront gagner en compétitivité.

Avec 4 000 collaborateurs, QIMA sécurise les chaînes d’approvisionnement mondiales grâce à des solutions de contrôle qualité et d’audits fournisseurs dans 85 pays du monde. En 2020, l’entreprise a décidé « d’ouvrir » son expertise avec la solution QIMAone : une plateforme SaaS de contrôle qualité et conformité, qui permet aux marques de collaborer de manière centralisée et transparente avec leurs fournisseurs.

INTERVIEW

Laurence Faguer : En mars dernier, vous avez signé une Tribune dans Decision-Achat qui a fait du bruit. Vous décriviez le rapport d’initiative législative adopté par le Parlement européen à une très forte majorité, sur le devoir de diligence des entreprises européennes. « Un texte extrêmement ambitieux » précisiez-vous. De quoi s’agit-il exactement ?

Sébastien Breteau : Effectivement, c’est un sujet majeur. Le devoir de vigilance oblige les entreprises multinationales à avoir des chaînes d’approvisionnement plus responsables, notamment du point de vue des droits humains et de l’environnement. La catastrophe de l’effondrement du Rana Plaza en 2013 au Bangladesh, dans lequel travaillaient des sous-traitants de marques occidentales que nous connaissons tous, et qui a fait plus de mille victimes, a agi comme un coup de tonnerre. La France a légiféré en 2017, et en 2021 ce sont les institutions européennes qui s’emparent du sujet.

Néanmoins, il est encore difficile pour la plupart des marques qui s’approvisionnent auprès de fournisseurs internationaux, de réellement connaître leurs fournisseurs. Si nous voulons que cette législation européenne puisse favoriser un commerce international plus éthique et durable, les marques, avec leurs fournisseurs, doivent travailler de deux manières : mettre en place des programmes de sourcing éthiques, ce que beaucoup font d’ores et déjà, et aussi digitaliser leur supply chain pour avoir une meilleure visibilité de leur réseau d’approvisionnement.

Nos auditeurs peuvent être déployés sur le lieu de production dans les 48 heures, dans 85 pays.

En véritable pionnier, vous avez créé QIMA en 2005. Quelle était la difficulté constatée que vous vouliez résoudre à l’époque ? 

Sébastien Breteau : Fraîchement diplômé, je suis parti en Asie avec l’envie d’entreprendre, et j’ai créé une société qui accompagnait des grandes marques dans la fabrication de produits et packaging en Chine. J’ai alors énormément appris, notamment sur la difficulté à s’assurer de la conformité d’un stock de marchandises produites à plusieurs milliers de kilomètres. Des services existaient, mais le processus pour commander une inspection était compliqué et lent.

J’ai donc créé QIMA en 2005 avec l’idée de digitaliser ce métier du contrôle qualité : apporter une expérience plus simple, flexible et réactive pour commander facilement une inspection produit ou un audit fournisseur à l’autre bout du monde. Nos auditeurs peuvent être déployés sur le lieu de production dans les 48 heures, dans 85 pays.

15 ans plus tard, nous sommes un des leaders du contrôle qualité et conformité. Notre mission est d’apporter transparence et sécurité dans les supply-chains mondiales. QIMA, c’est aujourd’hui 4000 collaborateurs dans plus de 35 bureaux et laboratoires. Nous avons 14 000 clients dans les biens de consommation (textile, ameublement, jouets, alimentaire …).

À l’heure du e-commerce, l’impact d’un produit défectueux reçu par le client est démultiplié.

Est-on en mesure de quantifier ce que représente un défaut de qualité dans les entreprises aujourd’hui?

Sébastien Breteau : Une perte de temps et d’argent, c’est certain ! On estime que l’ensemble des coûts liés à la gestion de la qualité (au-delà de la sous-qualité) représente 15 à 20% du chiffre d’affaires d’une entreprise, et 40% des coûts opérationnels.

A l’heure du e-commerce, l’impact d’un produit défectueux reçu par le client est démultiplié, d’une part parce qu’il va s’empresser de dire du mal de la marque sur les réseaux sociaux qui sont une immense caisse de résonance, et d’autre part car les retours produits sont facilités, et donc plus coûteux pour les marques. Il est complexe de chiffrer la facture exacte de la sous-qualité, mais ce qui est sûr c’est qu’elle va en s’accroissant, et qu’il existe des moyens de la minimiser.

Il semble que ce sujet de la qualité se soit encore accru en raison de la pandémie. Est-ce le cas?

Sébastien Breteau : Je pense surtout que la pandémie a mis dans un état de stress extrême les supply-chains. Lorsque des pays entiers ont fermé boutique (Chine, Inde, Bangladesh…) au premier trimestre 2020, des entreprises qui s’y approvisionnaient ont dû changer leur fusil d’épaule, parfois dans la panique, et trouver des nouveaux fournisseurs dans des régions qui produisaient encore. Et là, effectivement, les déconvenues en matière de qualité, et également d’éthique, se sont accumulées. Dans le baromètre QIMA du 1er trimestre 2021, nous avons constaté par exemple que le pourcentage d’usines auditées en non-conformité éthique s’est accru de + 100% entre le premier semestre et le second semestre 2020 … Une tendance alarmante.

Cet état de stress, qui oblige les supply-chains à accroître leur agilité, peut être géré avec un mélange de présence experte sur le terrain et de solutions digitales pour collecter la donnée qualité et conformité en temps réel. C’est à ce besoin que nous répondons avec QIMAone.

En quoi consiste cette plateforme, et en quoi diffère-t-elle de ce que vous faisiez historiquement?

Sébastien Breteau : QIMAone est une plateforme de collecte et d’analyse des données qualité dans les supply-chains. Les marques peuvent collaborer avec leur réseau de fournisseurs pour qu’à chaque étape du cycle de fabrication et de production, des contrôles soient effectués et la donnée consolidée. Cette donnée est traitée pour permettre au client d’identifier, anticiper et traiter les risques qualité et conformité. Le résultat, c’est plus de visibilité sur ses fournisseurs, et in fine l’augmentation de la qualité produit.

Chez QIMA, nous avons dès nos débuts développé une plateforme digitale qui connecte nos clients avec nos centaines d’inspecteurs, auditeurs et laboratoires et leur permet de récupérer les rapports de contrôle et d’analyser les résultats des services opérés par QIMA. La nouveauté avec QIMAone, c’est que nous avons d’une certaine manière « ouvert » cette plateforme et cette expertise métier : les clients QIMAone n’utilisent pas forcément les inspecteurs de QIMA, mais ils peuvent utiliser l’outil avec leurs propres équipes ou leurs fournisseurs.

Le lancement de QIMAone part aussi d’un constat : sur notre métier historique, les clients sont encore faiblement digitalisés. Nous avons publié récemment une étude sur la transformation digitale des supply-chains des entreprises de biens de grande consommation. Elle s’appuie sur les réponses de plus de 700 entreprises de l’habillement, de l’électronique, de l’alimentaire, des jouets, etc. Les résultats sont saisissants : 56% des entreprises ont des processus supply-chain faiblement digitalisés, et 6% des entreprises fonctionnent même encore avec des reporting « papier-crayon » ! Les entreprises peu digitalisées sont d’ailleurs deux fois plus exposées à des risques qualités critiques pour leur activité.

Votre solution utilise-t-elle de nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle?

Sébastien Breteau : Effectivement, nous utilisons l’intelligence artificielle et le deep learningsur des fonctions de prise de décision et d’automatisation. Nous avons par exemple construit notre propre module de reconnaissance vocale pour la prise de mesures. La prise des mesures lors d’une inspection est une tâche très fastidieuse et propice aux erreurs, et elle monopolise souvent deux personnes (une qui mesure et l’autre qui prend les notes). Avec QIMAone, l’inspecteur est autonome et peut dicter ses mesures en suivant les indications de l’application. Nous faisons économiser 40% de temps d’inspection avec ce module, tout en minimisant les erreurs.

Par ailleurs nous faisons aussi un gros effort sur la ‘data visualisation’. Avec nos équipes principalement basées à Lille de Data Scientists, experts en Business Intelligence et designers UX, les modules de statistiques et de cartographie de QIMAone aident nos clients à prendre de meilleures décisions sur la gestion de leur supply chain.

Qu’est-ce que QIMAone apporte concrètement dans le quotidien des équipes qualité?

Sébastien Breteau : Je pense que QIMAone apporte visibilité, agilité et simplicité. L’idée est de sortir des multiples fichiers Excel, des données hétérogènes qu’il faut compiler à la main, des chaînes d’emails interminables pour partager des instructions. Un responsable qualité peut enfin piloter avec tous ses interlocuteurs, depuis une plateforme unique, les protocoles qualité de sa marque et la performance de ses produits et fournisseurs.

 

Pouvez-vous nous donner un exemple concret de déploiement chez un retailer?

Sébastien Breteau : Nous avons récemment déployé la solution QIMAone chez IKKS. La marque souhaitait mieux contrôler la qualité dans les usines de ses fournisseurs en Chine, au Bangladesh et au Vietnam notamment.

IKKS était déjà un client des services QIMA. Avec QIMAone, la marque peut désormais demander à ses fournisseurs partenaires de réaliser des inspections au sein d’une plateforme centralisée. C’est aussi une manière pour la marque de responsabiliser ses fournisseurs. C’est une vraie évolution pour les hommes et les femmes de leur chaîne d’approvisionnement, qui se digitalisent au contact de la plateforme!

Alors qu’il y a une large gamme de logiciels sur le marché -il semble que de nouveaux outils apparaissent presque tous les jours …, quels sont, selon vous, les éléments clés à rechercher dans le choix d’une solution de qualité et de conformité?

Sébastien Breteau : La première chose, c’est la connaissance terrain du métier du contrôle qualité. Notre solution embarque des centaines de modèles de check-lists personnalisables et l’ensemble des bonnes pratiques que nous avons accumulées au fil des ans sur le terrain. Cette expertise est clé pour fournir le support nécessaire : sur ce type de solutions, avoir un expert qualité comme interlocuteur, et pas simplement un commercial « tech », fait une grosse différence.

Ensuite,  le service « derrière » le logiciel. La présence en parallèle de notre réseau d’inspecteurs sur le terrain est un vrai atout. Car nous allions ainsi « le meilleur des deux mondes » : l’humain et la technologie. Si par exemple la marque a un doute sur la donnée récoltée par un fournisseur, elle peut en quelque clics missionner un inspecteur QIMA sur place, partout dans le monde. S’il faut former des fournisseurs sur place en Chine, en Inde, au Mexique… Là encore notre réseau peut le prendre en charge.

D’un point de vue « produit », au-delà des fonctionnalités, je pense que l’expérience utilisateur, la simplicité d’usage doivent être un élément clé, et sont souvent laissés de côté dans les logiciels B2B. Nous faisons de gros efforts sur les designs d’interface dans QIMAone, et faisons en sorte de pouvoir interfacer avec les ERP, SCM ou PLM de nos clients pour faciliter l’usage au quotidien.

Pour un retailer ou une marque qui souhaite aller plus en avant, en quoi consistent les premières étapes de discussion avec vous?

Sébastien Breteau : Il peut faire simplement une demande de démonstration sur le site webQIMAone et nous prendrons contact ensuite avec lui pour cerner son besoin et ses attentes. Notre équipe Customer Success, composée d’experts en assurance qualité, peut ensuite paramétrer la solution pour les besoins du client, et le déploiement est rapide : entre la signature du contrat et les premières inspections dans la plateforme, il se passe typiquement 3 semaines.

Pour aller plus loin :

TÉLÉCHARGER dès maintenant l’enquête : Enquête QIMAone 2021 sur la transformation digitale des supply chains

Suivez  QIMAone Site webLinkedin, Twitter 

L’experte:

Laurence Faguer est une marketeuse et entrepreneuse « go-between » France et USA, fondatrice de Customer Insight.

A la demande d’entreprises françaises, elle repère en personne les innovations en Digital, Mobile et Retail aux Etats-Unis, avant qu’elles ne soient connues en France, puis les aide à transposer avec succès ces stratégies ayant fait leur preuve aux U.S.

Laurence est l’une des expertes retail et beautytech de FrenchWeb, vous pouvez régulièrement retrouver ses analyses, et interview sur Decode Retail.

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