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23 millions d’euros pour Wordsmith : architecture ou effectifs, quel est le vrai levier de modernisation du juridique ?

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Malgré l’adoption massive d’outils digitaux dans les ventes, les RH ou la finance, le juridique reste fréquemment perçu comme un guichet isolé, réactif, peu scalable. Le droit repose encore sur une logique d’artisanat intellectuel. Or l’entreprise, elle, évolue dans une logique d’automatisation, d’itérations rapides, de workflows intégrés. Mais au regard du nombre de legaltech qui se développent sur l’échiquier, il est incontestable qu’une bascule est en cours.

Pour Ross McNairn, fondateur et CEO de la startup Wordsmith, le diagnostic est que: « Ce n’est pas une question de ressource, mais d’architecture. Le droit continue de fonctionner comme un service desk, alors que l’entreprise exige de la scalabilité. » Cette déclaration, issue du communiqué accompagnant la levée de fonds de Wordsmith, résume un changement de paradigme à savoir que le levier de performance du juridique ne réside plus dans l’ajout de talents, mais dans la refonte du modèle opératoire.

Le mythe de la surcharge

Dans de nombreuses entreprises, les juristes croulent sous les demandes, revues de contrats en flux tendu, validations d’achats stratégiques, cadrage réglementaire des projets RH, interprétation des politiques internes… Chaque service a besoin du juridique, mais peu en comprennent les contraintes.

La réponse classique consiste à renforcer les équipes, parfois à externaliser, souvent à prioriser dans l’urgence. Mais cela ne règle rien car l’origine du ralentissement n’est pas humaine, elle est systémique. Comme je l’indiquais précédement, me droit repose encore sur une logique d’artisanat intellectuel, document par document, requête par requête. Or l’entreprise, elle, évolue dans la rapidité d’exécution, la standardisation des processus et l’intégration systématique des outils métiers

De la délégation à l’orchestration

C’est ici qu’intervient une alternative radicale avec l’architecture distribuée de la fonction juridique. Plutôt que de faire transiter chaque décision par le “bureau du droit”, pourquoi ne pas outiller les autres fonctions avec des agents intelligents capables de porter les principes juridiques au plus près de l’action ?

C’est la promesse des plateformes comme Wordsmith, qui permettent aux juristes d’encapsuler leur raisonnement dans des agents IA, capables de relire un contrat, détecter une anomalie, annoter une clause, générer une traduction fiable ou répondre à une question de conformité… et ce sans que le juriste soit systématiquement mobilisé.

Ces agents ne se contentent pas d’exécuter des tâches répétitives mais incarnent une nouvelle manière de penser l’impact du juridique comme une brique structurante de l’architecture décisionnelle de l’entreprise.

Un marché en effervescence

Cette approche s’inscrit dans une dynamique plus large de la modernisation rapide des fonctions juridiques internes, qui deviennent un nouveau terrain d’application pour l’IA générative. Gartner estime que 50 % des tâches juridiques de support pourraient être automatisées d’ici 2026. Mais les approches varient selon les acteurs.

Aux États-Unis, Harvey, soutenu par OpenAI et Sequoia, développe une IA copilote pour les grands cabinets d’avocats. Spellbook propose un assistant contractuel embarqué dans Word, tandis que Ironclad ou Lexion se positionnent sur la gestion du cycle de vie des contrats.

En Europe, le paysage reste éclaté. En France, Doctrine, Softlaw, Gino LegalTech ou Seraphin.legal couvrent des segments allant de la veille réglementaire à la génération de contrats. Legartis (Suisse), Robin AI (UK) ou Juro (UK) cherchent à standardiser les processus contractuels avec des IA plus ou moins verticalisées.

Là où Wordsmith se différencie nettement, c’est dans sa capacité à intégrer les agents IA au cœur des outils métier : Word, Slack, Gmail, Google Docs. Et surtout à permettre aux juristes de construire ces agents eux-mêmes, en alignement avec leur propre style de négociation et leur politique contractuelle.

L’effet réseau du raisonnement juridique

La valeur du juridique ne réside pas uniquement dans la décision elle-même, mais dans la capacité à rendre cette décision accessible, compréhensible et exécutable par les autres métiers. Ainsi un raisonnement juridique ne devrait pas mourir dans un e-mail ou un fichier Word, mais doit être mémorisé dans la culture juridique de l’entreprise pour être réutilisé par dans des agents d’intelligence artificielle.

Ce principe rappelle l’évolution vécue par d’autres fonctions avec le code qui ne se limite plus à l’ingénieur, grâce au no-code ; la donnée qui n’est plus l’apanage des analystes, grâce à la BI embarquée ; ainsi demain, la logique juridique ne sera plus confinée aux juristes.

Ce modèle nécessite une hybridation forte entre droit, ingénierie, UX et produit. Et c’est ici que les “legal engineers” deviennent le chaînon manquant. Les juristes ne seront pas devenus codeurs, mais seront des architectes de la diffusion du droit dans les systèmes de l’entreprise.

Une transformation structurelle, pas cosmétique

Mettre en place cette architecture n’est pas une “feature” de plus, ni une simple automatisation de la relecture de NDA, elle doit être engagée dans une transformation du rôle du juridique dans l’entreprise, et par ricochet, de la perception du droit comme levier stratégique pour l’ensemble des activités de l’entreprise.

Wordsmith en chiffres

Fondée à Édimbourg par Ross McNairn, ancien avocat devenu ingénieur logiciel, Wordsmith AI Ltd. a annoncé le 3 juin 2025 une levée de fonds de 25 millions de dollars (environ 23,2 millions d’euros) en série A, menée par Index Ventures. La plateforme permet aux équipes juridiques internes de créer et déployer des agents IA capables de traiter des contrats, analyser des politiques, générer des réponses juridiques et s’intégrer aux outils existants (Slack, Word, Gmail, Google Docs). Wordsmith compte déjà parmi ses clients des groupes comme Deliveroo, Trustpilot, Remote ou Virgin, et prévoit d’ouvrir des bureaux à Londres, New York et ailleurs en Europe. Un Wordsmith Legal Enablement Academy sera lancé pour accompagner la montée en compétence des “legal engineers”.

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