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The Merge : quand l’homme et la machine fusionnent

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Dans l’écosystème tech mondial, The Merge s’impose comme l’un des concepts les plus radicaux de la décennie. Popularisé en 2017 par Sam Altman, cofondateur d’OpenAI, il désigne le processus par lequel humains et machines s’intègrent dans un flux bidirectionnel d’informations, jusqu’à former un système cognitif hybride. Ce n’est plus l’homme utilisant l’intelligence artificielle comme un outil extérieur, mais l’IA intégrée directement dans ses processus mentaux. L’héritage transhumaniste est assumé, la machine n’est pas là pour assister, mais pour co-penser.

Dans le débat public, The Merge est souvent réduit aux BCI, les Brain Computer Interfaces, ou interfaces cerveau–ordinateur. Ces dispositifs, invasifs ou non, traduisent l’activité neuronale en instructions numériques ou renvoient des signaux vers le cerveau. Mais cette vision est très réductrice, la BCI est une brique matérielle, un point de contact or The Merge est une architecture complète, qui inclut aussi les protocoles de traduction neuronale, les brain codecs capables de condenser des intentions complexes, les IA multimodales aptes à contextualiser et anticiper les pensées, la collecte et l’exploitation en temps réel de données physiologiques dans une logique de bio-cyber symbiosis, ainsi que les couches de gouvernance, de sécurité et de régulation indispensables à la fusion. C’est un système global où se rejoignent technologie, cognition et structures sociales.

Pour Bryant McGill, observateur de longue date des systèmes complexes, le Merge ne doit pas être considéré comme un futur hypothétique mais un processus qui est engagé. Nos smartphones, capteurs biométriques, montres connectées et assistants vocaux constituent déjà une extension cognitive, ils adaptent leurs réponses à nos signaux biologiques, émotionnels et comportementaux. Sans implants, nous fonctionnons déjà comme des nœuds biologiques intégrés à un réseau cybernétique invisible, dans une boucle où chaque interaction alimente des algorithmes qui nous influencent en retour.

Sur le plan technique, l’infrastructure du Merge repose sur trois dynamiques. La première est la captation neuronale, qu’elle se fasse via des implants intracorticaux comme ceux de Neuralink, capables de capter des signaux à résolution micrométrique, ou via des méthodes non invasives telles que l’électroencéphalographie haute densité, la spectroscopie proche infrarouge fonctionnelle (fNIRS) ou la magnétocencéphalographie portable. La deuxième est la traduction de ces signaux par des modèles d’IA, qui interprètent l’activité cérébrale pour exécuter, anticiper ou même suggérer des actions. La troisième est l’intégration cognitive, où la machine ne se contente plus de répondre, mais co-élabore les décisions, localement grâce à l’edge computing ou via le cloud pour des traitements plus lourds. Lorsque la latence de traitement passe sous le seuil de la perception consciente (environ 300 millisecondes) la machine cesse d’être perçue comme un outil externe et devient un co-traitant cognitif. L’apparition d’un universal brain codec jouerait alors un rôle structurant comparable à celui du TCP/IP pour Internet.

Mais réduire le Merge à son architecture technique serait ignorer ses dimensions stratégiques. Il est déjà un terrain de compétition business mais aussi géopolitique. Aux États-Unis, de nombreux acteurs de l’écosystème de la Valley alimentent les avancées de Neuralink, Merge Labs, Precision Neuroscience ou Synchron. En Chine, l’approche est comme à l’accoutumée centralisée et extrêmement rapide, intégrant recherche publique, industrie et défense, avec des essais cliniques déjà réalisés et un calendrier d’industrialisation agressif. L’Europe, elle, reste concentrée sur des applications médicales et académiques, freinée par des cycles réglementaires longs et l’absence d’acteurs capables de jouer la rupture à grande échelle. Derrière ces stratégies se dessine une bataille déterminante pour la maîtrise des standards, où celui qui contrôlera le brain codec ou l’OS neuronal pourra verrouiller l’accès à l’infrastructure cognitive de demain.

Les implications économiques sont considérables. Une interface neuronale bidirectionnelle pourrait devenir la prochaine grande plateforme mondiale. Les premiers débouchés seraient médicaux, avec des applications dans la neuroprothèse, la rééducation motrice ou les thérapies cognitives. L’industrie verrait émerger des systèmes pilotés directement par la pensée, tandis que la défense viserait la supériorité informationnelle et la coordination instantanée. Mais l’horizon, c’est le marché grand public, où l’interface neuronale remplacerait progressivement écrans et claviers, et où la valeur serait captée par ceux qui maîtrisent le matériel, les systèmes d’exploitation et les écosystèmes applicatifs.

Ce basculement comporte des risques majeurs ainsi Bryant McGill alerte sur la stratification cognitive où une minorité d’early adopters pourrait capter un avantage évolutif, redéfinir seule les règles de la cohabitation et creuser un fossé durable entre “augmentés” et “non-augmentés”. La fracture ne se limiterait pas à la productivité car elle toucherait la capacité même à percevoir, comprendre et influencer le monde. Dans ce contexte, la gouvernance du Merge ne peut se limiter à des garde-fous techniques. Elle pose des questions fondamentales : qui possédera et administrera l’OS neuronal ? Comment garantir l’intégrité et la confidentialité des signaux cérébraux ? Où placer la limite entre assistance et modification cognitive ? Certains, comme McGill, défendent des approches contractuelles, où humains et IA établiraient des accords bilatéraux vérifiables, plutôt que de s’en tenir à des règles imposées unilatéralement.

Cette mutation ouvre aussi un nouveau front en cybersécurité. La neurosecurity devient un enjeu vital et protéger les flux neuronaux contre les intrusions, les détournements ou l’injection de contenus manipulatoires. Les menaces memétiques pourraient être injectées directement dans la boucle cognitive, court-circuitant l’esprit critique. L’attention hacking, qui exploite déjà nos vulnérabilités attentionnelles via les réseaux sociaux, pourrait agir au cœur même de notre flux mental.

Trois trajectoires se dessinent pour l’avenir du Merge. Dans la plus optimiste, la fusion est encadrée par des standards ouverts et une régulation forte, ses bénéfices largement diffusés. Dans la plus sombre, le marché se concentre entre quelques acteurs imposant leurs protocoles propriétaires et créant une dépendance cognitive massive. Entre les deux, le scénario le plus probable reste une adoption progressive, secteur par secteur, avec des équilibres mouvants entre ouverture et captation.

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