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La Chine accélère à pas feutrés vers le “Merge”

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Très loin des projecteurs occidentaux, la Chine avance rapidement dans le domaine des interfaces cerveau-ordinateur (BCI), avec une stratégie de ne pas se laisser distancier par les États-Unis dans la course au “Merge”. Cette ambition repose sur un triptyque que Pékin maîtrise depuis des décennies dans d’autres secteurs stratégiques : coordination étatique, financement massif et intégration verticale entre recherche, industrie et défense. La question de la souveraineté neuronale est particulièrement sensible dans un pays où l’État détient déjà un accès étendu aux données personnelles et où la surveillance technologique est institutionnalisée.

Le China Brain Project, lancé en 2016, illustre cette approche, pensé à la fois comme un programme de recherche fondamentale et comme un moteur industriel, il vise à développer des technologies allant du diagnostic des maladies neurodégénératives à l’interface homme-machine avancée. Les travaux s’étendent des modèles animaux aux essais cliniques, avec une priorité donnée aux applications militaires et médicales, même si Pékin ne cache pas que ces recherches doivent aussi renforcer la compétitivité économique et le potentiel stratégique de la Chine face à Washington.

Ces dernières années, plusieurs annonces discrètes ont marqué la montée en puissance de l’écosystème chinois. En 2024, la start-up NeuCyber NeuroTech, incubée par le Chinese Institute for Brain Research (CIBR), a présenté un implant invasif capable de faire contrôler un bras robotisé par un singe, une démonstration calquée sur les expérimentations de Neuralink. Quelques mois plus tard, les chercheurs chinois annonçaient la réussite des premiers essais cliniques humains d’un implant BCI national, plaçant la Chine comme le deuxième pays au monde à franchir ce cap après les États-Unis. Le dispositif Beinao-1, aujourd’hui testé sur des patients atteints de SLA, traduit déjà des signaux cérébraux en mots simples, preuve que l’intégration clinique est en marche.

Autre innovation, des équipes issues de l’Académie chinoise des sciences ont développé un système bidirectionnel adaptatif capable d’augmenter par cent la précision de la communication neuronale, ouvrant la voie à des interfaces plus stables et plus rapides. Dans le même temps, un robot chirurgical dédié à l’implantation d’électrodes flexibles a été conçu pour accélérer la phase d’industrialisation, étape cruciale pour démocratiser l’usage de ces implants.

Le modèle chinois diffère radicalement de celui des États-Unis. Là où la Silicon Valley privilégie la compétition entre start-up financées par du capital-risque, Pékin orchestre une stratégie nationale coordonnée, où les priorités scientifiques et industrielles sont définies au plus haut niveau. Les cycles de validation y sont plus courts, la réglementation alignée avec les objectifs politiques, et l’accès aux financements publics immédiat pour les projets jugés stratégiques. Cette centralisation réduit l’incertitude économique et permet un déploiement rapide, mais pose des questions éthiques, notamment sur la protection des données neuronales dans un État où la frontière entre civil et militaire est ténue.

Dans la course au “Merge”, la Chine avance à pas feutrés, soucieuse de projeter une image de prudence médicale et de responsabilité scientifique, tout en accélérant discrètement l’intégration de ses solutions dans des programmes plus larges. Mais derrière cette façade mesurée, Pékin construit méthodiquement les fondations d’une souveraineté neuronale qui pourrait redéfinir l’équilibre mondial des puissances technologiques.

 

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