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Attention au fossé digital

Par Bertrand Duperrin, expert FrenchWeb

Dans un billet précédent je faisais référence à une étude Accenture parue cet été. Mon propos était de dire que beaucoup d’entreprises ont pris le virage du digital au prisme de leur marque et avec des stratégies souvent ambitieuses et bien conçues mais que lorsque la marque vit sans sa bulle et méconnait l’entreprise qui est derrière on assiste souvent à des sorties de route mémorables.

C’est ce que confirme l’étude en question sur laquelle je voudrais revenir rapidement.

Pas de stratégie orientée client sans stratégie orienté interne

La transformation digitale nous la vivons tous en tant que client. Nouvelle promesse, expérience fluidifiée, omnicanalité, services et conseils à la demande, effet «Wow». Et au final souvent une énorme déception quand tire un peu trop sur la corde, que l’on abandonne le digital pour rentrer dans un magasin ou une agence: la belle façade se lézarde et les dysfonctionnements apparaissent au grand jour.

Dissimuler des modes opératoires d’un autre temps derrière une superbe façade digitale ne fonctionne donc pas. Une leçon à apprendre pour les trop nombreuses entreprises qui n’osent pas mettre les mains dans la complexe et poussiéreuse mécanique interne. Il est pourtant clair que si on construit une promesse pour un monde rapide, flexible et un client en quête de personnalisation et d’expérience fluide et sans couture, un mode opératoire conçu pour de la standardisation de masse et qui a déplacé prise de décision et responsabilisation de l’homme vers le process ne peut que générer au mieux de l’insatisfaction.

Vers des modes opératoires digitaux

Il n’y aura pas donc de stratégie digitale de marque sans une stratégie orientée organisation. Accenture identifie 4 piliers pour construire cette stratégie:

  • L’organisation: tout est question de vitesse. 15% des entreprises «installées» pensent avoir un mode opératoire suffisamment rapide et agile pour répondre au marché contre 62% des «disrupteurs» digitaux. Rapidité de conception, de décision, de mise sur le marché, d’allocation de fonds…. A tire personnel je rajoutera le management agile comme possible option pour avancer.
  • Les incentives: l’adage «dis moi comment tu m’évalues je te dirai comment je me comporterai» a toujours tout son sens. Les incentives conduisent les changements comportements et pas seulement au niveau du collaborateur: cela commence par la direction générale et le board. Un board qui n’est pas intéressé par le long terme ne validera pas de stratégie digitale avec les moyens suffisants. Ce qui rappelle également l’importance du Directeur Financier et du DRH dans l’équation.
  • La culture: un mode opératoire digital doit être aussi peu hiérarchique que possible et tolérer le risque, collaboratif et orienté client. Tout l’opposé de l’ADN des «anciennes entreprises». Une solution proposée: ancrer le design thinking dans la culture d’entreprise.
  • Les capacités: notamment sur les 3 points qui suivent. Etre capable de sourcer, attirer et retenir les talents. Développer un écosystème de partenaires. Conduire une automatisation intelligente des process internes.

Attention au fossé digital entre  le collaborateur et la direction

Si le fossé des modes opératoires est un vrai frein à la transformation digitale des organisations, un autre fossé me semble aussi dangereux: celui qui existe entre collaborateurs et direction quant aux capacités de l’entreprise à réussir dans un monde digital. A titre d’illustration je vous conseille la lecture de cette étude de Cap Gemini Consulting relative intitulée «The Digital Culture Challenge: Closing the Employee-Leadership Gap».

Un chiffre qui ne surprendra personne pour commencer. Pour 62% des dirigeants c’est la culture qui est le principal frein à leur transformation digitale. Et, sans surprise non plus, c’est en France que ce sentiment est le plus perceptible.

Et, comme on le voit trop souvent, les directions se méprennent totalement sur la manière dont leur vision de la situation est partagée. On a déjà vu que les entreprises prétendent connaitre leurs clients alors que ces derniers ont un ressenti totalement opposé, et bien il en va de même avec la perception de la culture digitale d’une entreprise par les collaborateurs.

Si aux Etats-Unis, en Suède au Royaume-Uni ou en Espagne l’écart de perception entre direction et collaborateurs est faible (peu importe que la perception soit faible ou élevée), pour les autres pays cela ressemble davantage aux montages russes.

Avec 45% de dirigeants convaincus de la bonne culture digitale de leur entreprise pour 3% des collaborateurs, les entreprises françaises envoient un signal bien inquiétant et se dire que c’est pareil ou pire presque partout ailleurs n’est pas une réponse satisfaisante.

Reste à comprendre les raisons de ces écarts. On dit souvent que «Perception is reality», autrement dit peu importe qu’une chose soit vraie ou non, la manière dont elle est perçue dans la tête des gens devient leur réalité. Ces écarts peuvent donc résulter soit d’une vision trop optimiste de la direction soit d’une vision trop négative du collaborateur.

Dans le cas présent on remarque:

  • que dirigeants et collaborateurs ne s’entendent pas sur la fait qu’il existe une vision digitale et qu’elle soit communiquée dans l’entreprise,
  • qu’en dehors des USA la direction n’est pas vue comme montrant l’exemple contrairement à la perception qu’elle a de ses actions,
  • qu’en dehors des USA la définition des rôles et des KPIs n’est pas vue par les collaborateurs comme alignée sur les enjeux de transformation,
  • qu’en dehors des Etats Unis où il y encore une fois cohérence, les dirigeants sont convaincus d’avoir réorganisé leur entreprise comme il le faut alors que les collaborateurs disent ne rien voir.

L’étude présente ensuite un détail de la vision direction/collaborateur sur de nombreux points. Le seul point de convergence semble concerner l’utilisation de la technologie pour l’engagement du client. Pour le reste c’est le -plus ou moins- grand écart.

Et au final le jugement est sans appel.

Derrière tout cela, il y a un vrai sujet qui va au delà de la différence des perceptions.

  • des directions générales qui ne donnent pas l’impression d’avoir fait leur travail ou qui ont sous-estimé les besoins et les attentes,
  • une incapacité à valoriser ce qui est fait,
  • et, avant tout, un problème de confiance.

Ce dernier point me semble le plus important. Peu importe que la perception des collaborateurs soit fondée ou non, sa traduction concrète est qu’ils ne font pas (à tort où à raison) confiance à leurs dirigeants pour mener la transformation digitale de leur entreprise.

Fossé entre la marque et les opérations. Fossé entre direction et collaborateurs. Ca n’est pas dans ces conditions qu’on risque d’avancer beaucoup.

L’expert:

bertrand-duperrinBertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.

Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.

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