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Corporates, start-up: il est temps de passer à l’action!

L’open innovation est devenue un sujet de comptoir. Tout le monde en parle, mais peu agissent vraiment, faute de pouvoir garantir un modèle économique gagnant. Les grandes entreprises mettent officiellement les start-up au centre de leurs discours, mais quelles sont les grandes réalisations business concrètes? Les entrepreneurs se découragent dès que les paroles ne sont pas suivies d’effets et que le temps court. Pourtant, à l’évidence, le modèle industriel traditionnel est à bout de souffle. Il arrive à péremption. Le temps est venu de s’engager pour une nouvelle croissance et d’accélérer les ponts entre économie traditionnelle et nouvelle économie, entre grands groupes et start-up. 

Le grand scepticisme des entreprises françaises

Paris crée plus de start-up que Londres. Une grande partie est rachetée par des entreprises françaises. Pourtant en 2015, le montant moyen des opérations françaises n’est que de 1,6 million d’euros, contre 5 millions quand c’est une société américaine qui achète. Dès lors, deux lectures s’imposent: les entreprises françaises valorisent mal les start-up, et/ou faute de les payer à leur juste valeur, elles les laissent aux Américains et aux Asiatiques et se replient sur des tier 2 ou 3. Les entreprises françaises ne s’attaquent pas encore aux bonnes cibles. Elles ne visent pas assez haut, pas assez vite.

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En matière de Corporate Venture aussi, nous sommes en retard: nous avons investi 24 fois moins que les Etats-Unis en 2015. Après les années 2000 et des doutes largement partagés sur la création de valeur stratégique et financière, un grand nombre de fonds de Corporate Venture ont dû fermer boutique ou revoir drastiquement leur casting et positionnement. Mais la France n’a pas dit son dernier mot. Les pratiques s’améliorent: des fonds de plus en plus gros sont créés avec une véritable vision stratégique, l’activité s’intensifie et le nombre d’investissements dans des start-up tier 1 aux côtés de fonds de capital-risque indépendants augmente. Les nouveaux moyens déployés par Michelin, en cible quasiment à la hauteur des budgets R&D, ou la qualité des investissements du fonds ViaID de Norauto-Midas ouvrent de nouvelles perspectives.

À vrai dire, les entreprises françaises n’hésitent pas toujours pour de mauvaises raisons. Le choc culturel est sérieux et la preuve de la valeur des start-up et de leur impact sur la topline ou la bottom line des grands Corporates, en tant que prestataire, partenaire ou nouvelle ligne produit, n’est ni formalisée ni démocratisée. Résultat, pour ne prendre que l’exemple de l’acquisition, entre 2012 et 2015, Google seul a réalisé 70 acquisitions soit près de deux fois plus que la totalité des entreprises du SBF120. Certes on peut objecter qu’un Google digital native, pure player du digital, est plus à même d’acquérir des start-up. Pourtant GE annonce en ce début d’année l’ambition d’acquérir plus de startups que la firme de Larry Page en 2017! Les grands groupes français doivent voir grand, et suivre ce rythme. Il est temps de passer à l’action! 

Peut-on encore laisser filer nos start-up?

Les entreprises françaises s’intéressent à la French Tech, mais sans preuves concrètes de sa valeur, elles sont tentées d’agir a minima. Le premier risque, c’est de se limiter à la communication et aux opérations gadgets. Un incubateur d’entreprise? Oui, s’il est solidement ancré dans la stratégie industrielle du groupe. S’il est désigné avec les métiers pour construire de réelles collaborations business, et pas seulement conçu pour apparaître furtivement dans la presse. Un entrepreneur a besoin de clients. Pourquoi proposer à une startup de venir acculturer le Comex ou de participer à un hackathon quand on pourrait rapidement signer un contrat, au bénéfice des deux parties?

Mais le vrai risque est plus grand. Si les entreprises françaises ne partent pas dès maintenant à la chasse aux startups françaises, les Chinois et les Américains vont rafler la mise. PriceMinister racheté par Rakuten, LeBonCoin par Schibsted, Mesagraph par Twitter, Wit.ai par Facebook… et plus près de chez nous en Europe Captain Train racheté par Trainline, Withings par Nokia… On ne peut que se réjouir que nos startups françaises réussissent à poursuivre leur croissance en s’adossant à des groupes industriels européens, et même internationaux. N’a–t-on pas en France aussi les moyens de propulser ces start-up françaises? Quel carcan enserre encore nos grands leaders pour ne pas aller chercher ces partenaires de croissance à portée de main? Quand pragmatisme et patriotisme économique se rencontrent, pourquoi ne pas réunir nos forces pour gagner en vitesse et en parts de marché?

Prendre des risques, sortir les crocs et accepter de se planter! 

C’est au patron de décider de passer de la communication à la priorité stratégique. À lui d’anticiper les zones de rupture ou de diversification propres à son activité, et de s’affranchir du diktat de la politique de risque. Seule une taskforce formée et dotée peut guider le choix d’une startup et le dispositif idoine: acquisition, contrat, partenariat de distribution ou investissement?… fonds, fonds de fonds, incubateur, lab, community management, direction innovation… Une start-up n’a d’intérêt qu’au regard d’une vision industrielle particulière. Grâce à une stratégie claire et des personnes dédiées (et passionnées, qui n’ont rien lâché pour concrétiser leur vision), Axa s’est positionné en partenaire de l’économie collaborative. Le groupe a élaboré une nouvelle assurance au trajet et a constitué une communauté de startups partenaires, à commencer par Blablacar.

Une fois la stratégie affirmée, c’est l’exécution qui reste fondamentale. Elle demande énergie, détermination et des personnalités engagées. Il faut échouer rapidement et fréquemment pour performer. Et cela ne doit pas empêcher d’avancer. De Fortuneo à Grisbee, en passant par Mangopay, Younited ou encore Smartangels, Crédit Mutuel Arkea sont devenus exemplaires dans la construction d’un écosystème de start-up grâce à une vision stratégique parfaitement exécutée: tickets dans les start-up disruptives versus partenariats et acquisitions des start-up complémentaires. Pour réussir, il faut des circuits de décision plus rapides et itératifs. Il est urgent de se planter! 

On prône l’agilité et la qualité du modèle de croissance des start-up. Certes il est plus difficile de le translater aux mammouths installés, à l’économie legacy. Pour autant c’est là qu’est le challenge. C’est à cette transition du modèle qu’il faut s’attaquer. Et cela passe aussi par le mélange des genres, la lente mais certaine hybridation des équipes. On a tôt fait de s’épuiser en tant qu’intrapreneur, à pousser la startup ou son modèle de travail dans les grands groupes. C’est pourtant la voie de la survie et nous devons tenir bon.

C’est par la preuve que nous pourrons convaincre les patrons français que les startups créent de la valeur, en améliorant leur marge ou en ouvrant de nouvelles opportunités de business. Nous avons déjà un faisceau de preuves. Que chacun apporte sa pierre à l’édifice. Cela commence par exposer les bénéfices tangibles de son partenariat pour ses clients et partager sa mesure du ROI et ses bonnes pratiques. 

La tendance porte à l’optimisme, mais ne nous reposons pas sur des lauriers trop facile. Il y a autant à parcourir que le chemin déjà parcouru ces trois dernières années. La machine est en marche, de belles histoires s’écrivent, leur valeur s’objective, il faut les partager. La croissance de demain ne naîtra pas de l’isolement, elle naîtra de manière certaine de la collaboration. 

Cecile-Brosset

 

Cécile Brosset est la directrice du Hub de Bpifrance.

 

 

 

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