
Du freelance au full-stack RH, DEEL lève 257 millions d’euros
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En six ans, Deel est passée d’une idée balbutiante autour du paiement des freelances à une suite logicielle complète couvrant l’ensemble des besoins RH internationaux. Une trajectoire rare dans un secteur dominé par des acteurs établis, construite sur une succession de pivots dictés par l’usage client.
Le franco américain Alex Bouaziz, cofondateur et CEO de Deel, raconte une genèse marquée par les tâtonnements. « Shuo et moi avons démarré il y a environ six ans, et nous peinions à gagner 10 000 dollars. Je ne l’avais jamais raconté avant, tant le début a été embarrassant. » À l’époque, l’objectif est simple : sécuriser le paiement des indépendants. « Notre idée initiale était de faire en sorte que les freelances soient payés et ne disparaissent pas après avoir livré leur travail. Nous avions créé une plateforme d’entiercement où l’argent était bloqué à l’avance et libéré automatiquement à chaque étape franchie. » Mais le marché reste indifférent, forçant les fondateurs à improviser. « Nous sommes entrés dans l’enfer du pivot. Je suis devenu l’agence de recouvrement des freelances utilisant notre produit, envoyant des lettres juridiques menaçantes aux entreprises. Nous avons récupéré 7 000 dollars sur une facture de 15 000 après mon mail. Le freelance nous a donné 1 000 dollars. C’était une immense victoire. »
La transformation s’amorce lorsqu’un utilisateur détourne la solution de son usage initial. « J’aime le fait de lier les contrats aux paiements et d’effectuer le versement au fur et à mesure que le travail avance. En plus, vous me fournissez des contrats prêts à l’emploi et un moyen de payer à l’international. » Deel écoute et pivote.
« Nous avons écouté le client et pivoté vers un produit de gestion des contrats. » Dix jours plus tard, la société enregistre 290 contracteurs et 5 000 dollars de revenus mensuels. « En dix jours, lors du Demo Day, nous avions 290 contracteurs et 5 000 dollars de revenus mensuels. Ce business a ensuite dépassé les 100 millions. »
Cette écoute constante des utilisateurs devient le cœur du modèle. « Pendant tout ce temps, j’ai eu des centaines de clients sur WhatsApp et Slack, et c’est toujours le cas. Nos clients nous disaient quels étaient leurs problèmes les plus importants. Nous avons écouté. » De ces échanges naît l’extension du modèle : d’abord l’Employer of Record, où Deel prend en charge la paie et la conformité des salariés pour le compte des entreprises clientes. « Nous avons lancé l’Employer of Record : Deel emploie les personnes en son nom pour le compte du client et gère toute la conformité. C’est devenu un business à plus de 300 millions de dollars d’ARR. » Puis un système complet de Payroll automatisé. « Nous avons ensuite lancé Payroll, un système qui calcule automatiquement les impôts et verse le salaire net correct aux employés dans le monde entier. C’est devenu une activité à plus de 150 millions de dollars. »
Entièrement distribuée depuis sa création, la société s’est confrontée à ses propres limites organisationnelles.
« Deel a toujours été une entreprise 100 % remote, et à mesure que nous grandissions, il est devenu évident pour nous quels problèmes les entreprises rencontrent lorsqu’elles gèrent des équipes mondiales. Alors nous avons construit Deel pour Deel. » En dix-huit mois, Deel a lancé six nouveaux produits, franchi la barre du milliard de dollars d’ARR et enregistré son premier mois à 100 millions de dollars de revenus en septembre.
« Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons lancé six nouveaux produits, atteint 1 milliard d’ARR et septembre a été notre premier mois à 100 millions de dollars de revenus. »
Le parcours de Deel illustre la capacité d’une entreprise née dans la contrainte à bâtir une architecture logicielle cohérente et intégrée à partir de signaux faibles. Bouaziz le résume simplement : « Toutes les bonnes choses commencent petites et fragiles. »
Deel a levé 300 millions de dollars (environ 257 millions d’euros) lors de son dernier tour de table, mené par Ribbit Capital avec la participation de Coatue Management et Andreessen Horowitz, portant sa valorisation à 17,3 milliards de dollars (environ 14,7 milliards d’euros). Fondée en 2019 par Alex Bouaziz et Shuo Wang, l’entreprise est aujourd’hui l’un des leaders mondiaux du SaaS RH, forte d’un revenu annuel récurrent supérieur à 1 milliard de dollars et d’une rentabilité maintenue depuis trois ans.