Facebook: 3 questions sur la suspension de Donald Trump
AFP
Le conseil de surveillance de Facebook a jugé légitime la décision du géant des réseaux sociaux de suspendre l’ancien président Donald Trump pour avoir « créé un environnement où un risque sérieux de violence était possible » pendant l’invasion du Congrès le 6 janvier. Mais les membres de cette « cour suprême » dite indépendante, financée par le groupe californien, ont aussi demandé mercredi à la plateforme de réexaminer l’affaire dans les six mois, et condamné le caractère « arbitraire » de la mesure, qui lui « confère un pouvoir discrétionnaire » sur les sanctions. Trois questions à Julie Owono, une des vingt membres du conseil et directrice de l’ONG Internet sans frontière.
Le conseil a renvoyé la décision finale à Facebook. Donc le débat n’est pas tranché ?
A mon avis, si. La décision précise bien que l’entreprise a eu raison d’agir étant donné la nature exceptionnelle des événements du 6 janvier. Mais elle ne peut pas créer de toutes pièces des règlements dont les utilisateurs n’ont jamais entendu parler, sans les prévenir de ce qu’ils risquent si jamais ils enfreignent le règlement de la plateforme. Donc la décision est extrêmement claire, elle dit à Facebook: « Vous devez appliquer vos règles, et les sanctions prévues en cas d’infraction, surtout dans un cas aussi grave que celui-ci ».
Les utilisateurs influents, tous ceux qui ont une immense audience, et pas seulement les personnalités politiques, savent désormais que l’exception accordée aux contenus relevant de l’information du public sera mieux expliquée, et ne passera pas avant le risque de causer du tort. Nous sommes arrivés à un consensus qui est ancré dans le principe très fort de protection de la liberté d’expression et des droits de l’homme en général. A cet égard, nous ne pouvions pas soutenir une suspension illimitée qui est complètement arbitraire.
Mais en tant que groupe privé, Facebook est-il tenu de respecter la liberté d’expression sur son réseau ?
L’entreprise elle-même s’est engagée à respecter les droits humains, selon des principes définis par les Nations unies, qui rappellent que les gouvernements sont les premiers responsables de la protection de ces droits, mais aussi que les groupes qui ont un impact aussi immense sur nos sociétés devraient s’abstenir de tout impact négatif sur les droits humains. Facebook a d’ailleurs récemment annoncé qu’il comptait prendre en compte les droits humains dans ses affaires, de façon systématique. Ils n’y sont pas tenus de façon légale bien sûr, mais ils s’y sont engagés volontairement, et ont demandé au conseil d’évaluer ses décisions (de modération des contenus, NDLR) non seulement en fonction de son propre règlement mais -et surtout à mon avis- en fonction des principes internationaux sur les droits humains.
Pourquoi ne pas laisser Donald Trump revenir sur le réseau ?
Théoriquement, Facebook pourrait décider de le faire demain, rien ne l’en empêche. Mais le conseil a insisté spécifiquement sur la nécessité pour l’entreprise de changer et clarifier son règlement et sa façon de l’appliquer en période de crise. Et avant de décider de le réadmettre, de prolonger la sanction ou même de supprimer le compte de façon permanente, l’entreprise devrait évaluer les risques potentiels de nuisances futures. Facebook n’a pas répondu à toutes les questions que nous lui avons posées, y compris sur ce qui s’est produit avant le 6 janvier, mais nous lui avons fortement recommandé de mener une évaluation de ce qui s’est passé sur ses plateformes (avant cet événement).