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Microsoft Viva : une révolution sur le marché?

Une tribune de Bertrand Duperrin, Head of People and Delivery pour Emakina

Suite à mon dernier article présentant Microsoft Viva, la « Plateforme d’Experience Employé » de Microsoft, beaucoup m’ont demandé si je pensais qu’il allait s’agir d’une révolution sur le marché. C’est à cette question que je vais essayer de répondre ici.

L’Employee Experience Platform est-elle un marché ?

Avant de savoir si Viva va révolutionner un marché, encore faut il savoir de quel marché on parle. A priori, ce serait celui des Employee Experience Platforms (ou EXP).

Mais les EXP sont ils un marché ? Aujourd’hui non ! Je veux bien qu’un éminent spécialiste comme Josh Bersin pense qu’il s’agisse d’une nouvelle catégorie de marché, mais un an après son plaidoyer je ne vois toujours rien venir. La preuve : lors de la sortie de Viva, tout le monde se demandait de quoi on parlait vraiment !

Pour autant, il existe bien un besoin : celui d’une couche entre les multiples outils qu’utilisent les collaborateurs ou qu’on utilise pour les gérer (de l’outil métier aux outils RH donc…) et le collaborateur lui-même.

En un mot, ma vision personnelle de l’Employee Experience Platform est un outil qui rassemble, aggrège et rend plus facile à consommer et utiliser des données, informations, outils et services autrement dispersés.

Contrairement à un « vulgaire » portail, une Employee Expérience Platform ne se contente pas de remonter et exposer des informations et des services mais elle peut également les aggréger pour donner au résultat final plus de valeur que chaque composante prise individuellement.

Si l’EXP n’est pas encore un marché c’est en tout cas un besoin avéré et cela me suffira. D’autant plus que le simple fait que Microsoft y débarque bruyamment ne tardera pas à en faire un marché.

Bref, marché ou non peu importe, la question est de savoir si ça change quelque chose. Pour cela, on doit de demander qui est légitime pour exister sur ce segment.

Que fait une Employee Experience Platform et qui y est légitime ?

Partant du principe qu’une Employee Experience platform agrège des données et des services, sont légitimes tous ceux dont le métier est de fournir ces services ou d’agréger des données. Cela peut sembler évident mais ça n’est pas sans conséquences.

Fournisseurs de services de tout type ? La liste est infinie. Des « usual suspects » comme Microsoft, IBM, SAP, Oracle, Salesforce aux milliers de startups dont les produits ont fini par trouver leur place petite ou grande dans l’entreprise.

Aggrégateur ? On pensera aux usual suspects du marché du portail comme…Microsoft mais également Liferay, Acquia… Mais le portail c’est has been. Gartner a introduit la notion de « Digital Experience Platform » dont on peut légitimement penser qu’on y trouve les candidats légitimes à l’Employee Experience Platform. Cela permet d’ajouter à la liste des Adobe, Sitecore…

En bref c’est un marché tellement proteiforme que presque tout le monde peut être légitime à y prendre pied. Mais je mettrai trois catégories d’acteurs en avant :

Tout d’abord, on l’a dit, les leaders des Digital Experience Platforms (DXP) : comme Adobe, Sitecore ou Acquia. Remarquez que pour Gartner Microsoft n’en fait pas partie en 2020 alors qu’il était inévitable sur le « vieux » marché des portails.

Ensuite ceux qui « détiennent » les données et services et sont légitimes à les aggréger. SAP, Oracle mais aussi Microsoft et de nombreux autres.

Et logiquement ceux qui ont les deux….et à mon avis c’est la tendance qu’à pris le marché.

Microsoft offre principalement des services de communication et de collaboration et bizarrement c’est la direction que prend Viva même si la solution peut intégrer des “systems of records” à côté de “systems of engagement”, domaine ou règne Microsoft.

Mais je vois bien demain un Oracle ou un Workday arriver une EXP orientée RH, SAP avec une EXP orientée finance…Tiens d’ailleurs c’est ce qui se passe avec le nouveau Oracle Journeys.

Je vous parie que, si le marché de l’Employee Experience Platform ne fais pas un “flop”, vous verrez tous les gros éditeurs arriver avec leur vision de l’EXP et qu’on se retrouvera avec une foule de niches…dont la multiplication ira justement à l’encontre de la promesse initiale.

Mais à ce jeu là Microsoft part avec un avantage : il est partout et, surtout, lorsque seuls certains employées utilisent SAP ou Oracle dans les entreprises où leurs produits sont déployés, tous utilisent du Microsoft. Donc s’il ne reste qu’une plateforme pour tout rassembler je parie sur Viva ! Mais je reste convaincu que chacun va essayer de faire son EXP dans son coin et que la DRH voudra son EXP « People », le marketing son EXP « client et ventes », etc…

A ce petit jeu là notez le coup gagnant de Microsoft : inexistante (selon Gartner) dans les Digital Experiences Platforms, la firme de Redmond réussit avec un produit bien pensé mais pas tellement novateur à se positionner comme un leader légitime sur les Employee Experience Platforms !

L’important n’est pas le marché de l’EXP…

Il y aurait beaucoup à écrire et analyser pour dire ce que le marché des Employee Experience Platforms va devenir et peut-être le ferai-je un jour si cela a un intérêt. Mais c’est pour moi un arbre qui cache la forêt.

J’écrivais il y a peu que finalement Viva aidait surtout Microsoft à valoriser ses propres produits en exhumant leur valeur dispersée et cachée. Et cela va valoir pour tous les éditeurs : vous avez des produits, des données, plus personne ne s’y retrouve, vous pensez que le potentiel de vos produits et des données qu’ils contiennent n’est pas valorisé ? Si vous savez faire un portail et réfléchissez un peu vous savez faire une EXP convaincante. Si vous vous intégrez avec des outils autre que les votres c’est encore mieux. Et voilà.

Le marché naissant de l’EXP va ressembler au marché du logiciel d’entreprise : un leader horizontal global, des leaders verticaux et voilà. Avec Viva Microsoft n’a rien révolutionné mais juste préempté un marché nouveau pour y garder sa place.

Pour moi c’est ailleurs que l’initiative de Microsoft va porter ses effets : le « bon vieux » marché du collaboratif et des « systems of engagement ».

Sur ce marché Microsoft n’a au niveau mondial que deux concurrents théoriques.

D’abord Google dont il faut bien admettre qu’il est un nain avec 10% du marché là où Microsoft en détient 87%.

Ensuite…Salesforce. Inexistant aujourd’hui mais qui espère frapper un grand coup avec le rachat de Slack dont le seul objectif est de concurrencer Microsoft sur son terrain.

Où sont ces deux là sur le marché de l’Employee Experience Platform ? Nulle part mais ça n’est pas le sujet ! Avec Viva Microsoft veut devenir omniscient sur le poste de travail, dans le navigateur des collaborateurs et, en préemptant la porte d’entrée sur l’environment de travail, empêcher qui que ce soit d’autre de remonter à la surface dans ses domaines de prédilection. Au contraire de tous les noms cités jusqu’ici, seuls ces deux là veulent pour l’un concurrencer Microsoft sur la bureautique et pour l’autre sortir de sa verticale métier et attaquer le collaboratif.

Avec Viva, plus que conquérir un marché nouveau (dont on ne sait pas encore si il existe), Microsoft s’assure juste que Google reste un nain de la bureautique et que Salesforce reste cantonné au CRM.

Viva : pas une révolution mais un mouvement marketing brillant

Au final Viva ne révolutionne rien sur un marché qui de toute manière n’existe pas. Il fait juste oublier son manque de reconnaissance sur le créneau des DXP en créant quasiment ex-nihilo la catégorie de l’EXP. Mais on aura le loisir de parler plus en détail de ce marché si jamais il venait à se structurer.

Par contre en ne laissant à personne d’autre occuper la place si enviée de « premiers écrans que l’on ouvre dans son navigateur » il empêche Salesforce de venir le challenger sur le collaboratif et étale au grand jour la faiblesse de l’offre et de la vision d’un Google incapable d’être crédible sur la dimension portail/aggrégation. Microsoft veut rester le centre de gravité des Systems Of Engagement et Viva va grandement y contribuer.

Mettre deux concurrents en échec avec un produit dont la réelle innovation est dans le discours qui l’accompagne et sans avoir l’air de les viser frontalement…c’est peut être ça le talent.

L’expert:

bertrand-duperrinBertrand Duperrin est Head of People and Delivery pour Emakina, agence digitale présente dans 13 pays. Durant toute sa carrière il a officié au croisement entre la technologie, la mise en performance des talents et la performance de l’organisation. Auparavant il a occupé des postes de directeur dans le monde du Conseil en Management ou dans l’édition de logiciel. Il est également passionné par l’industrie du voyage en général et l’aérien en particulier.

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