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Macron débloque 5 milliards d’euros pour doper le financement des startups

Par Innocentia Agbe et Maxence Fabrion

Pour éviter que les startups et scaleups françaises n’empruntent le même chemin que Drivy, Alderaban Robotics, Luckey Homes ou Zenly, qui ont tous basculé sous pavillon étranger, Emmanuel Macron annonce ce mardi une série de mesures pour compléter la chaîne de financement de l’écosystème technologique français sur le segment late-stage. Dans ce cadre, l’exécutif a pu s’appuyer sur les recommandations de Philippe Tibi, ancien président de l’association française des marchés financiers, qui a remis en juillet son rapport sur le financement des entreprises technologiques françaises au ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, et au secrétaire d’État en charge du Numérique, Cédric O.

En marge du France Digitale Day, événement qui réunit entrepreneurs et investisseurs de la Tech française et européenne, le président de la République débloque ainsi une enveloppe globale de 5 milliards d’euros pour permettre à la France de garder ses pépites technologiques dans l’Hexagone et les aider à acquérir une envergure internationale. Cette somme ne provient pas du budget de l’État, mais d’autres mécanismes de financement, comme la possibilité d’affecter de l’argent qui provient des assurances.

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Avec cette enveloppe, l’objectif est de détourner les futurs champions tricolores du Nasdaq, indice boursier de référence dans la Tech, choisi notamment par Criteo en 2013, pour les propulser vers la Bourse de Paris, qui souffre aujourd’hui d’un faible portefeuille de startups d’envergure. En 2018, 7 startups françaises ont levé plus de 50 millions d’euros, contre 9 en Allemagne et 25 au Royaume-Uni. Aux États-Unis, ce sont 189 jeunes pousses qui ont levé plus de 100 millions de dollars l’an passé, selon le baromètre du capital-risque du cabinet de conseil EY.

Emmanuel Macron, le président de la République française, lors de la soirée de lancement du France Digitale Day 2019 à l’Élysée. Crédit : François Tancré.

Les tickets supérieurs à 30 millions d’euros encore trop rares en France 

Si la Tech française peut aujourd’hui compter sur un investissement early-stage (seed, série A et B) particulièrement actif pour aider les startups à prendre leur envol, la chaîne de financement est fragilisée par un déficit en matière de financement late-stage. Or les levées de fonds supérieures à 30 millions d’euros sont indispensables pour les startups qui n’ont pas encore atteint le point d’équilibre. Et pour cause, ces entreprises ont besoin de capitaux pour poursuivre leur développement et s’imposer à l’échelle mondiale. C’est notamment le cas de Meero qui a levé 205 millions d’euros en juin. Un tour de table qui a permis à la startup d’intégrer le cercle très fermé des licornes françaises.

Bien souvent, faute de structures suffisamment solides en France et en Europe pour les accompagner, ces jeunes pousses prometteuses se tournent alors vers les fonds anglo-saxons pour financer les prochaines étapes de leur croissance. Une défaillance mise en lumière dans le rapport Tibi. «Les fonds français sont rarement capables de financer des tickets supérieurs à 30 millions d’euros. D’après France Invest, ils n’ont financé, en 2018, que deux tickets supérieurs à 30 millions d’euros et ont investi un montant compris entre 15 millions et 30 millions d’euros dans seulement neuf entreprises, pour un montant total de 271 millions», souligne le document. 

2 milliards provenant des fonds d’assurances-vie et de fonds institutionnels

Par conséquent, les 5 milliards d’euros promis par le chef de l’État seront découpés en deux parties. Dans le cadre d’une première enveloppe de 2 milliards d’euros, l’État mise sur deux verticales. D’un côté, Bpifrance, la filiale spécialisée de la Caisse des dépôts, est amenée à poursuivre son action. Pour l’heure cantonnée à un rôle de soutien des jeunes pousses dans leur phase d’amorçage, la structure doit désormais devenir un fer de lance du financement late-stage via des véhicules d’investissement sous sa coupe. 

Ces derniers pourraient être alimentés par les gestionnaires d’actifs français, notamment les assureurs qui disposent de filiales dédiées pour gérer les fonds collectés par les produits d’assurance-vie. La manne à exploiter est conséquente puisque la France est le premier marché d’Europe continentale pour la gestion d’actifs avec près de 4 000 milliards d’euros d’actifs gérés. L’Hexagone peut compter sur des cadors du secteur au rayonnement mondial, comme Amundi, Natixis Investment Managers, AXA Investment Managers et BNP Paribas Asset Management.

Cependant, ces poids lourds ne se sont pour l’heure pas engagés dans la gestion d’actions du secteur technologique. Et pour cause, pour des questions de gouvernance réglementaire, ils n’en ont pas la possibilité. Investir dans des projets à risques n’étant pas inscrit dans leur mandat, les spécialistes français de la gestion d’actifs concentrent leurs investissement dans placements moins risqués comme les dettes de l’État et l’immobilier. Le gouvernement souhaite y remédier pour ajouter le maillon manquant de la chaîne de financement des startups françaises. Un allégement réglementaire est à prévoir, mais les contours du dispositif voulu pour le gouvernement n’ont pas encore été clairement définis.

Une annonce que salue François Véron, co-fondateur du fonds d’investissement Newfund. «C’est à la fois positif et logique que l’assurance vie soit de plus en plus investie dans le private equity au sens large», explique-t-il. «Cela marque un mouvement – qui je pense est vraiment structurel- d’orientation de l’épargne vers les entreprises via le véhicule de l’assurance vie. C’est une bonne chose pour l’économie et pour les épargnants Xavier Lazarus, co-fondateur du fonds Elaia, accueille également cette nouvelle avec enthousiasme. «C’est une excellente nouvelle», commente-t-il. «Nous avons fait beaucoup de progrès, mais si on ce compare à d’autres écosystèmes ce qui manque encore beaucoup ce sont des financements privés à long terme. Pour cela, les Anglo-Saxons ont les fonds de pension, etc., toute une série d’outils pour financer le très long terme. Comme nous n’avons pas le même système de retraite en France, les seuls qui disposent de cette épargne là sont les assurances vies. Si le mouvement initié est encore petit à l’échelle de ce qu’ils peuvent faire, c’est déjà une très belle nouvelle qu’il soit enclenché

Le défi pour les assurances sera de réussir le virage. «C’est une évolution structurelle qui va leur demander de nouvelles compétences, du reporting, de la gestion, etc.», rappelle François Véron. Un point que souligne également Xavier Lazarus. «Quand on a quelque chose qui était peu développé et que tout à coup on met beaucoup de moyens, il faut faire attention à ne pas noyer le moteur», explique-t-il. «Il faudra donc réussir à bâtir des équipes et des stratégies de qualité et se donner un peu de temps avant de voir les résultats.»

Paris, futur «Nasdaq européen» ?

En ce sens, l’émergence de fonds «Global Tech», réclamés pour le rapport Tibi, pourrait favoriser les tours de table supérieurs à 100 millions d’euros, incontournables avant l’entrée en Bourse d’une entreprise technologique. «Pour cela, les fonds doivent au moins gérer un milliard d’euros», assure le rapport. La création d’un cadre propice à l’actionnariat dans les valeurs technologiques pourrait alors permettre à la Bourse de Paris de devenir un «Nasdaq européen», préconisé par le rapport Tibi.

Pour collecter les 2 milliards d’euros promis par Emmanuel Macron, l’exécutif mise également sur des fonds d’investissement qui auront été soigneusement identifiés par Bercy. Parmi les fonds français les mieux dotés, figurent notamment Partech, Ardian, Idinvest, Alven et Iris. Cependant, en ne gérant qu’entre 200 millions et 400 millions d’euros pour leur fonds en cours, ils sont encore trop modestes pour rivaliser avec leurs concurrents étrangers. Et il n’est pas forcément nécessaire de traverser l’Atlantique pour trouver une force de frappe plus conséquente. Une traversée de La Manche suffit amplement pour s’en rendre compte. «Au Royaume-Uni, Atomico a réussi à lever 765 millions de dollars en février 2017, tandis qu’Index Ventures a levé 1 milliard de dollars pour son quatrième fonds de capital-croissance en juillet 2018», note le rapport Tibi. Sur cette volonté d’éditer une liste de fonds estampillée «validée par Bercy», Xavier Lazarus note que cela peut servir aussi à initier le mouvement à condition qu’il ne s’agisse pas «d’une mainmise ou d’un contrôle un peu trop fort» de l’État, au risque de «retomber dans les travers du passé». Mais ce dernier se veut optimiste : «J’ai tendance à croire que la vision aujourd’hui des personnes qui ont conçu ce plan, c’est d’amorcer quelque chose et pas une volonté de contrôle».

3 milliards d’euros pour des opérations de «Buy Out»

À côté de cette ligne de financement de 2 milliards d’euros, 3 milliards seront également débloqués et confiés à des gestionnaires d’actifs afin de dégager les fonds early stage de leurs participations dans des startups en permettant aux fondateurs ou managers de financer des opérations de «Leverage Buy Out», aussi appelées rachat avec effet de levier. Une aubaine pour les fonds d’investissement early stage dont les opportunités de sorties sont aujourd’hui réduites.

Si le dispositif est bien pensé, il pourra en effet être un atout de plus pour l’écosystème pense Xavier Lazarus. «Il faudra voir ce qu’ils veulent en faire. S’il s’agit juste de compléter un système qui est déjà très complet avec de la surchauffe, c’est-à-dire le LBO traditionnel dans des PME-ETI standards, il n’y a pas beaucoup d’intérêt. En revanche, si cela concerne des sociétés technologiques encore en recherche de croissance et de projection pour que les actionnaires des premiers âges puissent sortir sans pour autant avoir à céder la société en M&A ou à la mettre en Bourse alors qu’elle est encore fragile, cela peut être très vertueux

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Un commentaire

  1. C’est une bonne initiative. Toutefois, il faut aussi prévoir ce qui va se dérouler après le financement ! Faire décoller une affaire c’est bien, mais il faut aussi mettre en place des systèmes qui vont permettre à ses entrepreneurs de pérenniser leurs activités.

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