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Start-up scientifiques: imagerie et medtechs opératoires

Après un petit tour du côté des start-up de la génomique et des analyses biologiques, nous passons ici à deux autres catégories de medtechs: l’imagerie et l’instrumentation médicale. Comme les start-up de l’article précédent, ce sont des sociétés qui font appel aux technologies numériques, voire même encore plus. Elles ont la particularité d’exploiter de gros volumes de données. J’y traite aussi, à la fin, des exosquelettes destinés à corriger des handicaps physiques et moteurs.

Pour ces sociétés comme pour nombre de start-up se pose une question lancinante: comment développer l’activité de la société une fois qu’elle a pu commercer à s’implanter à l’international? Faut-il devenir multi-produits? Utiliser d’autres technologies pour le même problème ou trouver d’autres usage de la technologie créé, ou encore les deux à la fois. Très peu de start-up des medtechs en arrivent à ce stade du développement. Elles se font racheter, périclitent avant ou ont une croissance trop molle pour se diversifier plus avant. Comme d’habitude, l’enjeu est d’avoir la bonne combinaison équipe-produit-marché-vélocité et financement, un alignement des planètes relativement rare.

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Imagerie médicale

L’imagerie médicale est un domaine où de nombreuses start-up et PME françaises se sont lancées. ces dernières décennies. L’industrie française reste cependant marginale à l’échelle mondiale dans le secteur, notamment du fait de nombreuses acquisitions. Les leaders mondiaux sont notamment GESiemensAgilent et Hitachi. Si vous faites un scanner dans un hôpital, vous avez de fortes chances de tomber sur un CT-Scan de GE.

Les techniques d’imagerie sont très variées. Il y a la microscopie optique qui continue à faire des progrès en résolution comme vous allez le voir avec quelques start-up françaises, la microscopie électronique, assez encombrante et destructrice de la matière analysée, l’échographie qui se miniaturise au point de devenir un accessoire de smartphone, l’analyse infrarouge pour la dermatologie, la spectrographie infrarouge qui permet de caractériser la matière en surface ou très légère profondeur, la tomographie optique diffuse qui permet d’analyser les corps mous en profondeur, la tomodensitométrie qui utilise les rayons X, les scanners PET qui utilisent la scintigraphie, et l’imagerie à résonance magnétique, qui est pour l’instant difficile à miniaturiser du fait d’imposants aimants.

L’imagerie médicale en 3D utilise des scanners encore coûteux et encombrants. Elle permet de reconstituer les corps mous ou durs en 3D. Sa résolution est encore relativement faible du fait des longueurs d’ondes utilisées. Certains scanners utilisent plusieurs techniques d’exploration permettant de cartographier plus précisément un corps avec à la fois ses corps mous et durs mais ils ne sont pas courants. Les médecins ont tendance à utiliser un outil par pathologie. Les progrès les plus récents portent sur la miniaturisation des dispositifs pour la combinaison de plusieurs techniques d’imagerie dans un même appareil. L’imagerie médicale intégrée pour les diagnostics rapides non invasifs est une autre fonction clé du mythique tricorder évoqué dans l’article précédent! L’intégration dans un dispositif portable des techniques d’imagerie médicale actuelles est encore plus difficile à obtenir que pour les analyses biologiques.

En attendant, les progrès en cours et à venir portent sur la diminution des doses radioactives (pour les rayons X) pour éviter leurs effets indésirables, des variantes dans les agents de contrastes pour mieux révéler les parties recherchées dans les organes, des améliorations dans la résolution et la combinaison en un seul appareil de plusieurs techniques d’exploration. Les scanners à rayons X progressent avec la technique du comptage de photons qui permet notamment de descendre la résolution au dixième de millimètres et de détecter plus finement des liaisons cancéreuses ainsi que les plaques d’athérome dans les artères.

Imagerie-Medicale-Segmentation

 

Un inventaire «Imagerie Médicale du Futur» a été publié en octobre 2013, associé à quelques recommandations de circonstance pour développer le secteur. Celui-ci comprend 1000 chercheurs et 650 doctorants, 250 entreprises et 40 000 emplois en France, avec des PME qui exportent la moitié de leur production. La plupart sont des sous-traitants faisant partie de l’écosystème des grands industriels étrangers de l’imagerie médicale. Ils fournissent notamment des agents de contraste utilisés pour les scans et des logiciels de traitement et d’analyse des images générées. On y trouve aussi des fournisseurs de composants clés comme Imasonic qui est spécialisé dans les transducteurs à ultra-sons utilisés dans les échographes.

En tout cas, les chercheurs et entrepreneurs français font avancer l’état de l’art. Le secteur est évidemment très consommateur de technologies numériques, qu’il s’agisse des capteurs ou du traitement de l’image. Les marchés correspondant à ces divers acteurs industriels sont relativement modestes.

SuperSonic Imagine est une PME française créée en 2005 et située à Aix-en-Provence. La société a été cofondée par des scientifiques de renom dont le physicien Mathias Fink ainsi que le Prix Nobel de physique Georges Charpak (décédé en 2010). Elle est à l’origine de l’échographe Aixplorer, utilisant la technologie Multiwave qui peut capter deux types d’ultrasons pour générer une meilleure visualisation des tissus mous explorés. Il sert notamment à réaliser des mammographies de détection du cancer du sein et à détecter les fibroses du foie. A ce jour, leur base installée est estimable à environ 1600 appareils. La société faisait 23 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016, avec un résultat net très négatif lié aux investissements encore significatifs. Elle avait levé en tout 140 millions de dollars et fait son IPO en 2014, ce qui est situé dans les records français. Les principaux investisseurs en capital-risque sont Français, dont la CDC et le FSI. La croissance semble cependant relativement lente depuis l’IPO, ce qui est classique dans ce genre de business. Le développement géographique est bien équilibré entre l’Europe, les USA et l’Asie. C’est l’une des entreprises françaises de medtechs la mieux financée à ce jour.

Aixplorer

Abbelight est une startup française provenant d’un partenariat entre l’Institut Langevin – spécialisé dans l’imagerie médicale – et l’Institut des Sciences Moléculaires d’Orsay. Elle propose une solution de nanoscopie pour la biologie qui évite l’utilisation d’un microscope électronique. Ce dernier présente la particularité de détruire le vivant. La technique utilise un laser et un produit chimique fluorescent consommable qui altère la réfraction de la lumière et de manière vibratoire, via une oxydo-réduction cyclique. Il permet de s’affranchir de la barrière de résolution des microscopes optiques liée au phénomène de la diffraction. Le système permet de visualiser des macro-molécules à l’intérieur de cellules vivantes avec une résolution d’environ 10 nm. Il s’agit en fait d’un perfectionnement de la technique de microscopie STORM. L’offre d’Abbelight prend la forme d’un kit de mise à jour de microscopes existants qui est loué 400€ par mois. Il est diffusé par Olympus. Je les avais croisés en 2016 à Scientipôle Initiative.

Abbelight

BioAxial est une société française à l’origine d’une technologie de microscopie à haute résolution utilisant le principe de de diffraction conique et de fluorescence, qui augmente la résolution par rapport à la microscopie optique traditionnelle. Elle permet, comme pour la solution d’Abbelight, de visualiser des virus et des protéines, le tout avec très peu de lumière mais le procédé est différent du STED déjà cité. Il exploite une technique faisant varier l’éclairage via un filtre optique paramétrable s’interposant entre un laser et l’échantillon à examiner. Plusieurs images prises d’affilée sont ensuite combinées pour améliorer la résolution captée. La société a levé en tout 2,7 millions de dollars, le dernier tour datant de 2013. Ses modules optiques sont commercialisés par Nikon. Je les avais vus à Scientipôle en 2010.

BioAxial

 

LLTech est une start-up de Lille créée en 2007 issue de l’Institut Langevin de Paris. Elle est à l’origine d’appareils servant à réaliser des biopsies optiques pour la détection de cancers comme ceux du rein, de la prostate et du sein fonctionnant en temps réel à la fois en salle de radiologie et d’opération (vidéo). Ce sont des microscopes exploitant simultanément deux technologies optiques: la tomographie optique cohérente plein champ à base d’interférométrie dans l’infrarouge avec une résolution de l’ordre du micron en 3D et l’Imagerie Dynamique Cellulaire qui permet la distinction temps réel de la différence entre tissu normal, cellules cancéreuses et cellules immunitaires. Ces appareils guident le radiologue pour s’assurer que la biopsie effectuée contient suffisamment de tumeur viable pour effectuer les analyses comme leur génomique, et le chirurgien pour lui permettre de vérifier qu’il a bien enlevé toute la tumeur. Le produit qui se situe dans un marché mondial de 5 milliards de dollars a été commercialisé pour commencer pour les applications de recherche, notamment à l’APHP Hôpital Cochin, à l’Institut Gustave Roussy ainsi qu’aux USA et en Asie.

Elements Metrology est une start-up de la région d’Aquitaine qui a développé une technologie de microscope photo-acoustique non destructive exploitant deux lasers et un système d’acquisition permettant de caractériser la matière à l’échelle nanométrique. Elle a été créée dans le Laboratoire Onde et Matière d’Aquitaine de l’Université de Bordeaux et du CNRS et à l’Institut de Mécanique et d’Ingénierie de Bordeaux. Elle permet d’améliorer le fonctionnement des mécaniques cellulaires. La société est tellement early stage qu’elle n’a visiblement pas de site Web. Et pourtant, ce qu’elle fait semble très utile! Comprendre le fonctionnement des cellules à l’échelle moléculaire est fondamental, ne serait-ce que pour comprendre certains mécanismes d’épigénétique ou de fonctionnement des membranes cellulaires dans la propagation de cancers.

Damae Medical est une autre start-up vue à Scientipôle Initiative qui a développé un détecteur de mélanomes à infrarouge capable de les analyser de manière non invasive jusqu’à 1 mm de profondeur dans la peau. Le procédé utilisé est de la Tomographie par Cohérence Optique (OCT), qui s’appuie sur l’interférométrie en lumière faiblement cohérente. Une caméra à haute fréquence capte les interférences de superposition d’un faisceau lumineux de référence avec la lumière réfléchie par les micro-structures de la peau. Ces interférences permettent de reconstituer la distribution spatiale des structures biologiques internes de la peau. Le procédé semble avoir évolué depuis les débuts de la société, qui s’appuyait sur un scan infrarouge. Cela permet de bien mieux caractériser au niveau précoce les mélanomes cancéreux que les solutions d’imagerie traditionnelle, maintenant à base de smartphones. Même si ces dernières sont maintenant très bien complétées par des solutions de machine learning exploitant de vastes bases d’images de mélanomes. L’appareil de Damae Medical, baptisé Octav, sera destiné aux professionnels de la dermatologie. Il sera commercialisé plusieurs dizaines de millier d’Euros. Le projet est issu du CNRS. Il est encore très early stage et n’a pas fait de levée de fonds significative à ma connaissance.

Damae-Octav

 

Voxcan est une start-up basée à Lyon dont le CEO, Emmanuel Chereul, est un ancien astrophysicien ayant travaillé avec le Suisse Michel Mayor, le chercheur ayant découvert la première exo-planète en 1995! Après avoir travaillé sur divers projets d’imagerie médicale au Génopôle de Lyon, il créé Voxcan en 2007. Il trouve des associés, informaticiens plutôt business et un vétérinaire. C’est une rencontre avec le Directeur de l’Ecole Vétérinaire de Lyon qui lance la société qui se lance alors dans l’imagerie médicale d’animaux de laboratoires. Elle permet d’analyser la réaction des animaux à des traitements expérimentaux sans les tuer à chaque étape, dans le cadre de recherche «translationnelle», où l’on teste des paramètres voisins des études cliniques chez l’homme. Des souris immunodéprimées sur lesquelles on greffe des cellules immunitaires humaines servent à tester différents traitements en cancérologie, dans les infections ou sur les pathologies osseuses et cartilagineuses comme l’arthrose. Cela sauve jusqu’à 80% des animaux de laboratoire et permet de gagner du temps. La société de 10 personnes est plutôt un prestataire de service pour les CRO (Contract Research Organization) qui sont des sous-traitants des grands laboratoires de recherche. Elle dispose de ses propres scanners. La société est impliquée dans un projet de recherche européen Horizon 2020 de scanner de mammographie, en collaboration avec un autre Français spécialisé dans les logiciels d’imagerie médicale, Intrasense.

Mauna Kea présente un point commun avec Voxcan, celui d’avoir été créé par un ancien astrophysicien qui plus est polytechnicien, Sacha Loiseau. C’est un ancien du CNES ainsi que du célèbre JPL, le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa. Le nom de l’entreprise, créée en 2000, vient de l’observatoire Mauna Kea d’Hawaï où il avait passé pas mal de temps à observer les étoiles. Le produit de Mona Kea est Cellvizio, un endomicroscope permettant de réaliser des biopsies optiques non invasives. Il permet de dépister les cancers sans faire de prélèvements, à commencer par le pancréas et les voies biliaires et à terme, les poumons ou les seins. La sonde de l’endoscope est constituée de 30 000 fibres optiques regroupées dans un faisceau de moins d’un millimètre de diamètre. Elle permet de visualiser les tissus explorés à l’échelle microscopique pour identifier des cellules tumorales. La technique empreinte l’optique adaptative et à l’interférométrie utilisées en astronomie. La société avait levé 30 millions de dollars en capital risque et s’est introduite en bourse sur Euronext en 2011 pour lever 56 millions d'euros. La société compterait plus de 400 clients dans le monde avec plus de 700 machines vendues et faisait 8 millions d'euros de CA en 2016.

Mona-Kea-Cellvizio5

Surgivisio sert à réaliser de la chirurgie mini-invasive avec un système de radiologie et de navigation GPS. Il permet de visualiser le geste chirurgical combinée à une image 3D du patient. Le système est adapté à la chirurgie de la colonne vertébrale. Il n’est pas très éloigné dans le principe du robot chirurgical Rosa de Medtech que nous verrons plus loin, à ceci près que ce dispositif ne comprend que la partie imagerie qui doit être complété de l’instrumentation chirurgicale, robotisée ou pas. La société grenobloise a été créée en 2009 et a levé 3 millions d'euros en 2016.

Surgivisio

EOS Imaging est une société créée en 1989 spécialisée dans l’imagerie appliquée aux maladies ostéo-articulaires (hanche, genou, dos) et des chirurgies orthopédiques associées. Leur solution comprend un équipement d’imagerie à rayons X bi-plan basse dose (EOS) captant simultanément deux coupes orthogonales du corps, face et profil, couplé à une station de travail d’analyse d’image 2D/3D (sterEOS) équipée d’une d’une suite logicielle en ligne servant à la planification chirurgicale (EOSapps). La société a connu un développement plutôt lent, son premier appareil étant commercialisé en 2008, témoignant de long cycles de mise au point de produits de ce genre. La solution permet de capter rapidement une vue 3D du corps avec une faible dose d’irradiation. La société a été introduite en bourse en 2012, levant 38 millions d'euros mais son cours a ensuite sérieusement chuté. La société a prise cependant le chemin de la croissance avec des installations dans 51 pays sur tous les continents. Elle est installée à Paris, Besançon, Cambridge (USA), Montréal, Francfort et Singapour. Elle faisait environ 30,8 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016, en croissance de 41% par rapport à 2015.

Scanner-EOS

I’nside est une startup dont j’ai rencontré le fondateur à Strasbourg, Laurent Schmoll, et qui a créé une technologie d’endoscope pour ORL miniaturisée sous la forme d’accessoire de smartphone, exploitant une fibre optique et doté de son propre éclairage LED. L’endoscope est fabriqué et commercialisé par la société allemande Karl Storz spécialisée dans le matériel médical dans le cadre d’un accord de royalties. Le marché visé son les ORL et les médecins généralistes, notamment dans les pays émergents. En collaboration avec l’IrCAD (Institut de Recherche contre les Cancers de l’Appareil Digestif), ils travaillent sur l’adaptation de cette solution aux coloscopies. L’appareil est aussi exploitable pour l’analyse du larynx et les affections des cordes vocales, exploitant notamment les fonctions de ralenti des smartphones (x8).  L’appareil est vendu 700€ pour l’optique sachant qu’il peut réutiliser l’endoscope que les ORL ont déjà tout comme l’éclairage, via une visserie standard. I’nside complète la solution matérielle par une solution d’intelligence artificielle qui exploite les images captées pour caractériser presque instantanément les pathologies ORL des patients. La solution logicielle qui est encore en test peut fonctionner en mode déconnecté sur mobile avec une application de 500 Mo exploitant une base de référence d’images compressée de plusieurs centaines d’images a été développée avec l’aide de l’américain Clarifai. La solution de Karl Storz/I’nside concurrence les otoscopes de Cellscope et Cupris dont l’optique est de moindre qualité, utilisant la LED du smartphone et sont plutôt destinés au grand public.

Nside-Stortz

 

Dans un autre registre, I’nside est en train de lancer la marque Augmented Doctor et sa solution Toktokdoc (vidéo), une application mobile de consultation de médecin à distance qui se relie à divers capteurs (tensiomètrre, glucomètre, oxymètre, photo pour par exemple prendre la gorge…). Les photos sont stockées dans iPhoto et pas dans l’application pour respecter la vie privée. La solution intègrera bientôt une sorte de Shazam du médecin pour le diagnostic audio du souffle cardiaque. L’application est lancée en février 2017 sous iOS puis sous Android en mars 2017. La solution permettra de payer la consultation à la minute.

Medtechs opératoires

Les medtechs opératoires interviennent pour mener des opérations diverses ou en mode post-opératoire pour en suivre de près les effets et notamment prévenir les complications. Les plus médiatisés sont les robots chirurgicaux. Ils combinent souvent des outils d’imagerie médicale comme des endoscopes et des bras robotisés reproduisant automatiquement ou, le plus souvent, à distance, les gestes du chirurgien. Les robots actuels mettent généralement en œuvre l’équivalent du niveau 4 de la conduite autonome, qui est encore sous la supervision du chirurgien. La prochaine étape sera de créer des robots chirurgicaux entièrement autonomes.

La plus connue des start-up française de ce secteur est la montpelliéraine Medtech SAS créée en 2002 par Bertin Nahum, un Français originaire du Bénin. Elle a mis sur le marché son système ROSA en 2007 dédié à l’assistance à la chirurgie du cerveau, comme pour les traitements de la maladie de Parkinson (pose d’électrodes), les hydrocéphalies ou les cavernomes cérébraux (anomalie de vaisseaux sanguins du cerveau qui se dilatent sous forme de sphère reliée à des vaisseaux). En 2011, elle en sortait une déclinaison ROSA Spine dédiée à la chirurgie de la colonne vertébrale. Le robot utilise un bras à 6 axes de liberté contenant une caméra endoscopique et de capteurs lui donnant des capacités haptiques. La société a réalisé une introduction en bourse en 2013 lui permettant de lever 20 millions d'euros après un premier financement en capital risque de 2 millions d'euros. Mais c’était insuffisant pour rester indépendant sur la durée et financer un développement ambitieux. Medtech était acquis par l’Américain Zimmer Biomet pendant l’été 2016. C’était la seule entreprise européenne indépendante du secteur.

Le secteur des techniques chirurgicales est cependant très diversifié. La liste des start-up françaises suivantes l’illustre bien avec des solutions dans l’ophtalmologie, la cardiologie, ou l’urologie.

Eye Tech Care est une start-up que j’ai rencontrée à Rilleux la Pape près de Lyon fin novembre 2016. J’y ai rencontré son CEO, Thierry Wolf, un Allemand qui a succédé a l’un des fondateurs pour accélérer son développement international. Ce business developer a un parcours de chercheur dans l’énergie solaire, les matériaux, puis le secteur dentaire. Il a aussi œuvré pendant 7 ans chez Zeiss en cancérologie. L’idée de la société est venue de l’application thérapeutique des ultra-sons pour traiter les glaucomes qui atteignent 4% des plus de 45 ans. Il s’agit d’une dégénération du nerf optique provocant une diminution progressive du champ périphérique de vision. Il n’y a pas de rétablissement possible mais on peut ralentir l’évolution de la maladie qui est notamment liée à une sur-pression intra-oculaire sur le nerf optique. Elle est gérée habituellement avec des collyres, puis avec une opération laser provoquant l’évacuation des larmes, puis une chirurgie passant par la création d’un trou dans l’œil.

Eye-Tech-Care-1

Eye Tech Care propose une technique utilisant un dispositif d’émission d’ultra-sons qui baisse la pression autour du nerf optique de manière ciblée et non invasive. Le processus est réalisé en trois minutes chez des professionnels. La sonde (ci-dessus) est positionnée sur le globe oculaire après anesthésie locale. Les praticiens sont les ophtalmos spécialistes du glaucome, soit 10% des ophtalmos. Le système cible de manière très précise le corps célien qui produit l’humeur aqueuse, sur quelques mm. La société emploie 25 personnes à Rillieux la Pape, 4 en chine et 2 en Inde. Les filiales dans ces deux pays étant dédiées à l’homologation du produit par les autorités de santé locales. Elle a déposé 7 brevets, les premiers en 2008. La machine est vendue 40 000 euros et le consommable 600 euros. Le calibrage de la sonde se fait en fonction de l’œil du patient. Les ventes ont démarré en Europe en 2013. Le procédé a été validé sur 250 patients dans des études et plus de 4000 patients ont été traités à ce jour. La start-up a été financée par Omnes Capital, le fonds Sham géré par Turennes, CEA Valorisation et Banexi (devenu Kreaxi). Ils ont intégré des chinois le capital et levé en tout 46 millions d'euros. C’est un rare cas de choix de la Chine au détriment des USA.

Carmat est une société que l’on ne présente presque plus. Elle fabrique des cœurs artificiels dont les premières expérimentations ont bien fait parler d’elles. Leur cœur artificiel est dédié aux patients souffrant d’insuffisance cardiaque biventriculaire terminale. La société a été créée en 2008 par le professeur Alain Carpentier, Jean-Luc Lagardère (à l’époque, de Matra Défense) et le fonds Truffle Capital représenté par Philippe Pouletty. La société qui avait levé 33 millions d'euros en capital risque, en sus de plusieurs millions d’euros de subventions françaises et européennes, a été introduite en bourse en 2010 en levant 18 millions d'euros puis 29,3 millions d'euros en 2011 à la suite d’une augmentation de capital. Donc, au total 80 millions d'euros de financement. Il lui reste actuellement 43 millions d'euros de trésorerie. Elle brule 20 millions d'euros par an et génère moins de 200 000 euros de revenus. La première implantation humaine a eu lieu fin 2013. Quelques autres ont suivi. La durée de survie des patients a été comprise entre 3 semaines et 9 mois. Le cœur artificiel pèse 900g et nécessite une alimentation électrique externe, que le patient peut porter sur lui. Une étude, dite PIVOT, à plus grande échelle avait démarré en 2016 mais a été interrompue brutalement fin 2016 par les autorités sanitaires françaises (ANSM) après le décès de son premier patient. Il s’avère que celui-ci avait par inadvertance débranché la batterie de son cœur! Entre temps, la société a décidé de demander l’autorisation de conduire des essais aux USA. Il faut avoir le cœur bien accroché pour entreprendre dans le cœur artificiel!

Carmat

Instent est une start-up francilienne qui a développé un stent connecté ultraminiaturisé permettant un meilleur suivi du patient. Il est adapté aussi bien aux pathologies cardiaques que pour le suivi post-AVC dans le cerveau. La société a été créée à Paris par un ingénieur allemand, Franz Bozsak. Un stent est un dispositif maillé glissé dans une artère qui permet de la maintenir ouverte ou de l’ouvrir en cas d’occlusion lié à une thrombose. Instent a créé un stent traditionnel complété d’une fine couche de centaines de capteurs en contact avec l’artère qui ne font que quelques dizaines de microns d’épaisseur. Il transmet en RFID les informations permettant de reconstituer une représentation en 3D de la section d’artère surveillée. Le stent permet d’identifier les cas de bonne cicatrisation, liés à la création d’une couche de cellules endothéliales qui évitent la coagulation du sang, celui de la resténose qui voit l’artère se reboucher et la formation soudaine de caillot sanguin. Cela permet de doser avec précision la prise d’anti-coagulants, évitant ses excès comme le déclenchement d’hémorragies internes ou son défaut, générant la création de caillots sanguins. La société a été fondée en 2014. Les premiers tests sur animaux ont eu lieu entre 2015 et 2016. L’application humaine est prévue pour 2020. C’est une autre start-up que j’ai croisée à Scientipôle Initiative.

Franz-Bozsak

UroMems est une start-up de Grenoble créée en 2011 qui propose un traitement innovant de l’incontinence urinaire sévère avec un dispositif médical implantable actif qui pallie l’insuffisance sphinctérienne à l’aide d’un système MyoElectroMécanique. Il se place autour du conduit urétral et son ouverture et fermeture est géré automatiquement par la mesure en temps réel de l’activité du patient. La pression contre l’urètre est maximale lorsque le patient est très actif et se relâche sinon. Elle a levé 14 millions d'euros fin 2016 auprès des fonds allemand Wellington Partners et b-to-v Partners AG et auprès du fonds public de soutien à l’innovation dans les biotechs (FABS) géré par Bpifrance, Cita Investissement et CEA Investissement.

Vexim est une start-up de Toulouse créée en 2006 qui a créé une solution pour le traitement des pathologies traumatiques du rachis, SpineJack. L’implant guérit une vertèbre fracturée et restaure l’équilibre de la colonne vertébrale. Les produits sont déjà distribués dans le monde. C’est en fait un spin-off de la recherche de Teknimed, un fournisseur de substituts osseux et de ciments chirurgicaux. Vexim propose aussi le Masterflow, un système de mélange et d’injection de ciment orthopédique. La société qui emploie plus de 60 personnes est présente via des filiales commerciales en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et aux USA et via des distributeurs dans le reste du monde..

Poietis est une start-up française qui imprime de la peau humaine à l’aide d’une technique de bio impression à base de laser, plus précise que les techniques d’extrusion habituelles (vidéo). Le laser sert à envoyer des micro-gouttelettes de cellules de 50 microns d’épaisseur à raison de 10 000 gouttelettes par seconde. Le procédé est originaire de l’INSERM et de l’Université de Bordeaux. Les fondateurs de Poeietis sont Fabien Guillemot, un chercheur de l’INSERM passé par Harvard, et Bruno Brisson, un HEC doté d’une expérience business de plus de 20 ans dans le domaine des biotechnologies. La société a levé 2,5 millions d'euros dans un premier tour. Elle est basée à Pessac près de Bordeaux. Elle travaille à la fois sur sa solution de production de peau et sur des contrats de recherche. Les premières applications sont le test de toxicité et d’efficacité thérapeutique de thérapies ou cosmétiques. D’où un premier partenariat conclu avec L’Oréal, qui ambitionne d’’imprimer un follicule pileux avec leur méthode, servant à tester des méthodes permettant de faire repousser les cheveux. Rendez-vous dans quelques mois ou années pour en savoir plus!

Microlight3D est une autre start-up, située près de Grenoble et qui imprime également des matériaux organiques en 3D avec une technique laser. Elle se focalise sur la production de pièces pour la chirurgie réparatrice (matrices osseuses ou dentaires). L’imprimante s’appuie sur des travaux de recherche du LIPhy, le Laboratoire Interdisciplinaire de Physique de Grenoble (laser et optique) et du Laboratoire Jean Kuntzmann également de Grenoble (mathématiques). La société est encore en phase d’incubation.

Biomodex est une jeune startup qui utilise l’impression 3D pour créer des modèles en 3D d’organes complexes permettant aux chirurgiens de s’entraîner avant les opérations. Les organes sont soit génériques, soit imprimés sur mesure en fonction des patients et de leurs résultats d’imagerie médicale 3D. J’ai croisé l’équipe des fondateurs à Scientipôle Initiative. Ils sont respectivement issus de l’Essec et de Centrale Paris. Ils sont aussi accompagnés par Dassault Systèmes. La société exporte déjà et installe un bureau à Boston pour mieux couvrir les USA. On a ici un background scientifique et recherche limité. La start-up se situe plus dans l’ingénierie et le process.

Frederic-Vacher-Thomas-Marchand

Exosquelettes

La chirurgie réparatrice explore un autre domaine qui est bien à part: celui des exosquelettes, qui sont, côté santé, des prothèses permettant de redonner le contrôle de la marche ou des membres supérieurs aux personnes handicapées ou accidentées. Nombre de projets se lancent dans ce créneau mais peu d’entre eux survivent. Il faut dire qu’ils sont à la fois complexes aussi bien du point de vue technique que de celui du financement. Il faut avoir les reins solides pour créer de genre d’objet sur la durée, mener de longues campagnes de tests, faire progresser l’état de l’art, jusqu’au jour où un déploiement peut-être lancé. Entre temps, il faut pouvoir faire baisser le prix de l’exosquelette aussi bas que possible pour le faire financer par les tiers-payants.

L’un de ces projets les plus connus à ce jour en France est Wandercraft. Créé par une belle brochette de pointures scientifiques et techniques, issues de Polytechnique et de Normal Sup, la société bénéficie de bons moyens techniques et financiers. Elle regroupe des compétences en mécanique, en électronique, en batteries et en systèmes asservis. Wandercraft se positionne comme le premier fournisseur –à venir– d’exosquelette permettant aux personnes à mobilité réduite (PMR) de marcher naturellement et de se déplacer à terme dans la ville pour vaquer à ses activités courantes, comme les personnes valides.

Wandercraft3

L’exosquelette est assez classique: c’est un robot asservi qui s‘adapte autour des jambes et du bassin de son utilisateur. Il lui permet de se lever et de marcher. Le calculateur embarqué pilote les mouvements de l’exosquelette pour se rapprocher le plus possible de la marche humaine. Ses douze moteurs sont électriques et placés à différents endroits de l’exosquelette. L’ensemble est alimenté par des batteries au lithium fournissant quelques heures de marche, correspondant à une journée d’utilisation classique. Je les avais aussi vus passer chez Scientipôle Initiative (décidément…) en 2013 et aussi eu l’occasion de les visiter pendant l’été 2016 avec Jean-Louis Constanza, ancien d’Orange et de Criteo, qui les a rejoints après les avoir accompagnés de l’extérieur. Ils ont été notamment financés par Xavier Niel. A ce jour, la société a été financée à hauteur de plus de 4 millions d'euros mais il lui en faudra certainement plus pour tenir jusqu’à la commercialisation qui est prévue entre 2017 et 2018. Wandercraft concurrence le très connu constructeur japonais Cyberdyne et son «HAL for medical use».

En France, d’autres tentatives du genre sont aussi sur les rails, et notamment au CEA. Plusieurs laboratoires planchent dessus. Il y a d’un côté le laboratoire Clinatec de Grenoble, cofondé par le CEA, et impliquant le CEA LIST, qui travaille sur un exosquelette à quatre membres destiné aux tétraplégiques. Ils captent les intentions de mouvements via des capteurs EEG placés sur le crane de l’utilisateur, à l’endroit des zones de commandes motrices.

CEA-Clinatec

Un autre laboratoire du CEA LIST travaille sur un exosquelette des membres inférieurs, que j’avais pu observer aux Université d’Eté du MEDEF en aout 2016 (ci-dessus). Le système se distingue de celui de Wandercraft en adoptant une motorisation différente: un moteur hydraulique est placé dans le dos de l’appareil et les actuateurs sont des vérins hydrauliques plus légers que des moteurs électriques. Une approche équivalente a été adoptée par l’Israélien ReWalk Robotics, l’Américain Ekso Bionics et le Français RB3B, dont les exosquelettes nécessitent l’usage de béquilles pour préserver l’équilibre. Ils servent notamment aux programmes de rééducation à la marche après des traumatismes du cerveau (AVC). Ceux de RB3B sont dédiés aux applications industrielles et militaires pour la manipulation de charges lourdes. Enfin, divers projets sont aussi lancés pour créer des exosquelettes des mains comme l’ExoHand de l’allemand Festo.

Olivier-EzrattyOlivier Ezratty est consultant en nouvelles technologies et auteur d’Opinions Libres, un blog sur les médias numériques (TV numérique, cinéma numérique, photo numérique) et sur l’entrepreneuriat (innovation, marketing, politiques publiques…). Olivier est expert pour FrenchWeb.

 

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