HARD RESETIN THE LOOP

Pourquoi laisser les retraités américains profiter des rendements de nos startups ?

💥 Hard Reset : pour en finir avec les mythes de la tech
📤 Vous pouvez m'adresser vos réactions à richard@decode.media

Les chiffres sont connus, et malgré de multiples prises de positions, peu challengés par les politiques. La répétition est donc nécessaire et rappelons à nouveau que les fonds de pension européens gèrent actuellement plus de 3 000 milliards d’euros d’actifs, et moins de 0,05 % de cette somme est investie dans le capital-risque, quand aux États-Unis, les fonds de retraite y allouent jusqu’à 15 % de leurs portefeuilles.

Le résultat est que les profits générés par les startups européennes, celles que l’on finance, que l’on forme et que l’on subventionne, sont captés par des investisseurs américains. Ainsi, chaque licorne européenne financée par des fonds étrangers représente une part de création de valeur qui échappe aux Européens et finance les retraites californiennes, tandis que les épargnants européens restent cantonnés à des placements à faible rendement.

Le problème n’est pas un manque de capital, mais d’allocation. L’Europe dispose de l’épargne la plus abondante dans le monde, mais celle-ci reste immobilisée dans la dette publique, l’immobilier institutionnel ou encore les obligations souveraines. Autant d’actifs qui sécurisent le présent, mais ne construisent pas l’avenir.

Si les fonds de pension européens allouaient ne serait-ce que 1 % de leurs actifs au capital risque, 30 milliards d’euros seraient disponibles chaque année pour financer les technologies stratégiques du continent, soit l’équivalent de trois programmes Horizon Europe entièrement dédiés à la croissance des entreprises, et cela sans créer un seul nouvel impôt.

La frilosité des fonds de pension européens tient à une culture du risque désalignée avec les cycles d’innovation qui conduit les gestionnaires d’actifs à préférer la stabilité comptable à la volatilité stratégique. Les cadres prudentiels, que ce soit Solvabilité II, IORP II, etc,  renforcent cette aversion et pénalisent mécaniquement les actifs non cotés, tout en compressant la prise de risque dans des corridors réglementaires étroits.

Le capital risque ne doit pas être présenté comme une spéculation, mais comme une source de diversification et de rendement long terme qui permet de financer des actifs réels : entreprises, brevets, emplois, usines, technologies stratégiques.

D’autant que la question du financement des startups est indissociable de celle de la souveraineté économique: comment prétendre défendre une Europe indépendante sur les plans technologique et énergétique si ses propres innovations sont financées et valorisées ailleurs ?

Certains pays ont déjà compris cette logique et montrent qu’il est possible d’allier prudence institutionnelle et soutien à l’innovation. Ainsi les Pays-Bas et la Suède allouent plusieurs milliards d’euros au capital-risque via leurs fonds de pension, quand le Canada et la Norvège ont fait du non-coté un pilier de leur politique d’investissement.

Tant que les fonds de pension européens n’investiront pas dans leurs propres entreprises, l’Europe continuera de financer la croissance et les retraites d’autres continents. Le jour où elle réorientera son épargne vers l’innovation qu’elle créée, elle cessera d’exporter sa valeur, et commencera enfin à capitaliser sur son avenir.

Suivez moi
Bouton retour en haut de la page