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[FICTION] Start-up : commençons par la faim

Par Car Blabla, pseudo d'un collaborateur de start-up

Cette semaine, nous vous proposons de découvrir le retour d’expérience d’un collaborateur de start-up sur la relation ambiguë avec les fonds d’investissement,  le décalage entre communication et réalité… Ou simplement son expérience dans une machine à brûler du cash. 

Contexte

Depuis quelques années, le monde des start-up fait beaucoup parler entre médias et grand public – comme tout ce qui est à la mode et porteur de bouleversements – sans que l’on sache très bien ce qui relève de l’œuf et de la poule.

A cet égard, l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2017 et de sa «Start-up Nation» a sans doute servi de catalyseur. Mais la réelle accélération de cette volonté entrepreneuriale de la génération Y – née entre 1980 et 2000 ou Millennials – remonte aux années 2010 grâce à deux éléments majeurs :

  • la rupture technologique que constitue la 4G (à partir de 2013 en France) ayant permis l’essor du m-commerce et autres Uber-like,
  • et une prise de conscience politico-économique en France (notamment après le mouvement des Pigeons en septembre 2012).

Comme tout ce qui est nouveau et «trendy» (branché), beaucoup de croyances farfelues ou exagérées circulent.

Je ne prétends pas apporter des réponses définitives ni un éclairage parfait mais j’ai eu la chance de connaître deux vraies (j’explicite ci-dessous ce que j’entends par vrai 😉) start-up entre 2013 et 2018 et pourtant radicalement différentes dans leur approche. Je vais quitter fin 2018 la seconde car ses excès ne m’étaient plus tolérables.

Cette série d’articles est à la fois une catharsis et un témoignage de l’intérieur d’une start-up perçue comme fantastique par les médias. Mais en premier lieu, il faut définir ce qu’on entend par le terme start-up.

 

C’est la question que je posais à chaque entretien : comment définiriez-vous le terme start-up en un mot ? 4 candidats sur 5 avaient une définition au mieux vague, la plupart du temps inexacte – ce qui est savoureux car la plupart était de la génération Y, mais logique dans le contexte médiatique actuel.

Une start-up est une société qui n’est pas nécessairement ni petite ni nouvelle, ni même technologiquement innovante – en tout cas ce n’est pas ce qui doit la définir. Sa vertu cardinale est la croissance. Son besoin impérieux de croissance. Ce qui compte n’est pas tant le start que le up. Et la croissance se fait souvent grâce à un besoin inassouvi ou à une faille de marché exploité et industrialisé. Il s’agit également d’une société de haut niveau et (très) ambitieuse – ce qu’en attend un fonds d’investissement – d’où l’attrait de la French Tech pour la nouvelle dénomination de scale-up.

Un exemple suffit à le comprendre : Uber (créé en 2009) est valorisé 72 milliards de dollars tout en ayant perdu 4,5 milliards de dollars (!) en 2017. Côté français, BlaBlaCar (créé en 2006), qui a attendu juillet 2014 pour lever 100 millions d’euros, est valorisé 1,6 milliard d’euros en 2017 mais perd toujours de l’argent.

Pour comparaison, en 2017, Saint-Gobain (créé en 1665 !) affiche un résultat positif de 3 milliards d’euros pour une valorisation cinq fois inférieure à Uber. De son côté, Valeo affiche un résultat positif d’un milliard d’euros pour une valorisation huit fois inférieure. On le voit, les valorisations d’Uber, Airbnb (30 milliards de dollars) ou WeWork (47 milliards de dollars) n’ont que peu à voir avec une innovation technologique.

Il s’agit d’une allocation de fonds en anticipant une croissance exponentielle à venir et, partant, une forte valorisation des actions. Et dans ce jeu, c’est le plus gros qui gagne(ra) le plus.

Tout ceci aiguise les appétits…

Croissance ou communication ?

Les articles sur les start-up présentent en général les succès (oui, parler d’échec c’est moins inspirant). Mais qu’y a-t-il derrière ?

La plupart des start-up à succès réalisent une vraie croissance de leur chiffre d’affaires avec des innovations de marché et des produits fantastiques, un service client et un après-vente excellent – et largement meilleur que la plupart des acteurs historiques.

Avec une puissante ambition, c’est principalement cela que les investisseurs achètent.

Mais pas toujours.

Les CEO de start-up à croissance pérenne évitent de passer 100% de leur temps à lever des fonds et se concentrent d’abord sur une croissance saine du chiffre d’affaires. Vu le temps et l’énergie requis face aux VC pour rencontrer, expliquer, argumenter, il est difficilement tenable pour une petite structure d’avoir pour seuls revenus des levées de fonds. Et ce même si l’écosystème publique français est devenu généreux depuis quelques années.

Cela dit, les levées de fonds non-subies sont dans l’ADN d’une vraie start-up. Or il existe une autre catégorie de start-up qui, n’ayant pas de réel asset technologique, préfère se concentrer sur sa communication et sur de l’Inbound Marketing. Ceci en attendant de répondre opportunément au besoin d’un corporate qui financera sa R&D.

La start-up que je viens de quitter fait partie de cette deuxième catégorie.

Et, de ce fait, elle entre en opposition avec la définition de la start-up : elle n’a ni réelles ventes, ni réel chiffre d’affaires depuis sa création en 2016, sa croissance n’est que déclarative. Il n’y a pas que cela de factice. Il y a également le produit ou l’innovation de marché.

La technologie ? Les mots-clés à la mode depuis 2016 : intelligence artificielle, deep learning, machine learning…

Du machine learning justement – ou apprentissage automatique – c’est une partie de notre pitch.

Et c’est très pratique pour se justifier : il nous faut une quantité considérable de données pour les séries temporelles. Et il en faut du temps pour acquérir puis interpréter des data et isoler des modèles. Se justifier auprès des prospects était en fait ma principale tâche lors de mes 18 mois passés dans cette start-up. Et pourtant, même si un VC ou un fonds corporate sur 30 acceptait d’y croire, c’était suffisant pour boucler des levées de fonds.

Notre vraie force était (est) en fait le marketing et la communication : cela s’appelle le storytelling. Mais poussé à son extrême. Quand une faille de marché est trouvée, le point de départ idéal serait d’imaginer une réponse accomplie, sans réelle possibilité de la vérifier. Dans notre cas, ce serait mettre la sécurité de conduite en jeu.

La plupart de mes interlocuteurs – hors clients – étaient faciles à endormir. Face à des concepts qui ont l’air Tech, innovants et tellement à la mode (et face à un bon storytelling), même des personnes très intelligentes et cultivées ne cherchent pas à trop creuser, souvent de peur de paraître ignorantes, voire rabat-joie.

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2 commentaires

  1. Enfin du franc-parler. Curieux même de la part de FW, qui semble faire son chiffre grâce aux vendeurs d’air de tout poil. Ce qui n’a rien de honteux, ce n’est que le symptôme de ce qu’a toujours été le monde du web. 20% de créateurs, 80% de bullshit total.

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