HARD RESETIN THE LOOP

Figma, le signal tant attendu par les marchés financiers ?

💥 Hard Reset : pour en finir avec les mythes de la tech
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La cotation de Figma au New York Stock Exchange est elle le marqueur qu’attendait de nombreux acteurs de la tech, qu’ils soient fondateurs, salariés et bien entendu investisseurs? Valorisé à plus de 60 milliards de dollars dès la première séance (valorisation qui a fortement baissée depuis), sera t elle l’IPO capable de rallumer l’appétit des financiers de la tech et de relancer un cycle d’introductions en bourse ? C’est bien entendu les questions que nous nous sommes immédiatement posée et auxquelles nous vous donnerons quelques éléments de réponses tout au long de la semaine au travers d’une revue des prochaines potentielles introductions en bourse.

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Mais revenons plus précisément sur cette IPO, qui s’inscrit dans un contexte où les grands acteurs de la tech connaissent une forte reprise d’activité. Ainsi vous n’aurez pas manqué de remarquer que les GAFAM et autres géants enregistrent cette année des résultats records, des chiffres portés par l’IA, le cloud ou encore la publicité digitale, et doublé d’un forte rationalisation de leurs effectifs pour être en phase avec l’ère IA qui s’ouvre.

Cette introduction en bourse pourrait être suivie par un pipeline de sociétés privées à forte valorisation: Canva, Databricks, Stripe, Midjourney, SpaceX, Klarna, Revolut, des ex startups qui se préparent à également  franchir le pas, encouragées par le succès de Figma mais surtout la pression croissante des investisseurs institutionnels, qui témoignent de marques d’impatience, de transformer les valorisations privées en liquidités, Show me the money Jerry!

Et cette tendance ne se limite pas aux Etats Unis, il en va de même en Chine et asie, Shanghai et Hong Kong qui renforcent leur rôle de plateformes boursière pour accueillir les sociétés technologiques locales, alors que les tensions politiques et réglementaires engagées par le gouvernement Trump, limitent désormais les IPO chinoises sur les marchés américains. Cette réorientation ouvre ainsi un nouveau front dans la compétition boursière mondiale, où les places asiatiques cherchent elles aussi à capter des dossiers stratégiques, que ce soit dans les semi-conducteurs, les biotechs ou encore les logiciels.

Figma, un scénario de sortie qui s’inscrit comme un véritable cas d’école

L’introduction en Bourse de Figma restera comme l’un des épisodes les plus marquants qui cloture une ère de la tech pour en ouvrir une autre. Plus qu’un simple succès financier, l’opération illustre les tensions entre les stratégies de long terme, les arbitrages de gouvernance et et les débats sur l’équité du processus d’IPO.

De la bourse des décrocheurs de Peter Thiel à l’outil devenu un incontournable du design

Née en 2012 sous l’impulsion de Dylan Field et Evan Wallace, Figma incarne la réussite de la génération Thiel Fellowship. L’abandon du projet initial, de logiciel pour drones, débouche sur une intuition plus forte : créer un outil de design collaboratif utilisable directement dans le navigateur, et capable de fluidifier le travail en équipe. En 2016, la mise en ligne de l’éditeur collaboratif temps réel devient la fonctionnalité pivot.

La pandémie de Covid-19 accélère l’adoption de l’outil. Figma devient la référence des équipes produit télétravaillant ou disséminées sur plusieurs régions ou pays. La solution séduit Microsoft, Uber, Coda, et se diversifie avec FigJam. En 2022, Adobe annonce son intention de racheter Figma pour 20 milliards de dollars, voyant dans l’éditeur collaboratif une menace directe pour Adobe XD et un levier pour accélérer sa transition vers le cloud. L’accord, qui prévoyait le maintien de Dylan Field à la tête de l’entreprise, suscite rapidement l’attention des régulateurs, notamment de la CMA britannique, qui redoute une réduction de la concurrence et un frein à l’innovation. Après plus d’un an d’enquête, l’opération est abandonnée fin 2023 et Figma encaisse un milliard de dollars de frais de rupture. Loin d’affaiblir la société, cet échec la renforce, elle conserve son indépendance, sort de l’ombre de son rival et aborde son IPO de 2025 avec une trésorerie accrue et l’envie de rebondir de manière indépendante.

Un pop d’introduction, qui ravit les uns et moins les autres

Dès la première séance, l’action bondit de 250 %, la plus forte hausse jamais enregistrée pour une IPO américaine de plus d’un milliard de dollars levés. Mais derrière ce succès se cache une controverse. En fixant le prix d’introduction à 33 dollars par action, Dylan Field et ses banques conseillères ont choisi de privilégier une base actionnariale composée d’institutionnels de long terme. Ce qui laisse croire à de nombreux commentateurs qu’une “valeur a été laissée sur la table” estimée à plus de 3,5 milliards de dollars, qui aurait été captée par les fonds qui ont pu accéder au placement initial, un mécanisme qu’il convient d’expliquer pour nuancer le propos.

Cela étant, parmi les grands gagnants, on retrouve Index Ventures, Sequoia Capital ou encore Greylock Ventures, présents pour le premier depuis le seed round, qui a vu la valeur de sa participation multipliée bien au delà des projections initiales. La capitalisation de la société, qui a été au delà de 71 milliards de dollars à son pic, est désormais divisée par deux, cela étant le prix de l’action est aujourd’hui au dessus du double de celui fixé lors de son introduction.

Un arbitrage contesté, mais stratégique.

En fixant le prix d’introduction à 33 dollars par action, Dylan Field a volontairement privilégié une logique de long terme et attirer dans le capital de Figma des investisseurs institutionnels considérés comme “patients”, capables de stabiliser le titre et d’accompagner la société sur plusieurs années. Ce choix a pourtant suscité de vives réactions, notamment Bill Gurley, associé de Benchmark et critique récurrent du modèle traditionnel d’IPO, qui y a vu une démonstration éclatante de l’inefficacité du système, estimant que Figma avait “laissé sur la table” plus de 3,5 milliards de dollars au profit d’un cercle restreint d’acheteurs initiaux.

Le mécontentement ne s’est pas limité aux observateurs de la Silicon Valley. Côté particuliers, la frustration a également été palpable, ainsi sur les réseaux sociaux, de nombreux utilisateurs de plateformes comme Robinhood ont raconté n’avoir obtenu qu’une seule action, malgré des ordres de souscription, provoquant l’impression d’un marché verrouillé, où les petits porteurs se retrouvent exclus des gains spectaculaires de la première séance.

Pour les banques chefs de file, notamment Morgan Stanley, Goldman Sachs, et JPMorgan, l’équation reposait sur une mécanique de ne mettre en circulation que 7 % du capital total. Ce faible volume de flottant a créé une rareté artificielle, alimentant la pression acheteuse dès l’ouverture, tout en réservant l’accès aux acteurs institutionnels sélectionnés en amont. Si cette stratégie a garanti un démarrage spectaculaire et attiré des actionnaires de référence, elle a aussi cristallisé le débat sur la gouvernance des introductions en Bourse et la répartition de la valeur entre fondateurs, investisseurs historiques et nouveaux entrants.

Au delà de la controverse, ce qu’il faut retenir c’est que l’IPO sert d’abord à construire un actionnariat de long terme, pas à maximiser 24 heures de produit de cession, que le prix primaire est contraint par des ordres fermes aujourd’hui, et non par la clairvoyance soudaine des commentateurs d’après-coup et que la réussite d’une IPO ne se lit pas au “pop”, mais à la qualité du registre et à la tenue à 6/24 mois.

Figma, l’IPO qui redonne de l’air aux investisseurs

Pour conclure, oui l’introduction en Bourse de Figma est un signal fort, qui dépasse le seul cas de l’entreprise. Elle marque bien une respiration attendue par l’ensemble du secteur technologique, en offrant un scénario de sortie qui pourrait redonner confiance aux investisseurs et ouvrir la perspective d’un cycle d’IPO après plusieurs années d’atonie. Pour les fonds de capital risque, longtemps confrontés à la pression croissante de leurs LP et au blocage du marché secondaire, elle démontre qu’une alternative de liquidité est de nouveau possible. En réussissant à transformer un rachat avorté en une introduction historique, Figma ne franchit pas seulement une nouvelle porte, mais elle offre aussi au marché un signal de redémarrage, susceptible d’entraîner d’autres sociétés privées à forte valorisation à franchir le pas.

Nous vous proposons tout au long de la semaine de découvrir les startups qui s’apprêtent à franchir le pas.

Fondée en 2012 par Dylan Field et Evan Wallace, Figma a levé au total plus de 330 millions de dollars auprès d’investisseurs comme INDEX VENTURES, SEQUOIA CAPITAL, GREYLOCK PARTNERS et ANDREESSEN HOROWITZ et a été introduite en bourse. Elle a réalisé un chiffre d’affaires total de 749 millions de dollars en 2024 (contre 504 en 2023) Figma a dépassé les 900 millions de dollars de revenus annualisés en 2025, avec une croissance de 48 % sur un an. Elle affiche une marge brute de 88 % et une marge opérationnelle de 17 % au premier trimestre, pour un bénéfice net de 45 millions de dollars. L’entreprise dispose de 1,54 milliard de dollars de trésorerie et n’a aucune dette.

 

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