
Pourquoi l’UX n’est pas le sujet prioritaire pour les géants de l’IA… et n’est pas pour autant une opportunité durable pour les startups
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Dans la course à l’intelligence artificielle, les géants ont choisi leur terrain : la performance brute des modèles. Chez Anthropic, OpenAI, Google DeepMind ou Microsoft, l’essentiel des ressources est consacré à l’entraînement de systèmes toujours plus rapides, et plus fiables. L’expérience utilisateur, elle, reste pour le moment au second plan, la valeur se joue encore sur la puissance du moteur, pas sur la forme du volant.
Et le statu quo ne freine pas l’adoption, car l’interface standard, une boîte de texte dans laquelle on saisit une requête, suivie d’une réponse, fonctionne parfaitement. Elle est comprise par tous et s’intègre sans friction dans les outils existants. Ce choix relève d’un réflexe classique en technologie : le skeuomorphisme.
Comme les premières applications de prise de notes qui imitaient un carnet en cuir ou les premiers sites de e-commerce qui copiaient les rayons d’un magasin physique, les acteurs de l’IA reproduisent les codes familiers du moteur de recherche ou du chat en ligne. Cette continuité rassure et accélère l’adoption, mais elle bride l’exploration de nouveaux paradigmes d’interaction.
Vu de l’extérieur, cette mise à distance du design d’expérience pourrait ressembler à une opportunité idéale pour les startups. Dans les faits, l’espace est plus étroit qu’il n’y paraît. Une innovation UX qui séduit les utilisateurs peut être copiée et intégrée en quelques mois par le fournisseur du modèle. Et si cette innovation ne fait que corriger une faiblesse technique, elle peut devenir inutile dès la génération suivante. Dans l’IA, l’amélioration rapide des modèles rend fragile tout avantage fondé sur les limitations temporaires d’un moteur.
On le voit déjà sur le marché. Magical, qui automatise la saisie répétitive dans les applications métier, sera concurrencée par les Copilot de Microsoft ou Google Workspace. Compose AI, qui complète intelligemment des emails dans Gmail, risque de disparaître avec l’intégration native de « Help Me Write » par Google. Merlin, extension Chrome pour interroger ChatGPT sur n’importe quelle page, perdra son attrait quand les navigateurs et systèmes d’exploitation intégreront directement ces fonctions. Jasper, spécialiste de la rédaction marketing automatisée, se retrouve en concurrence frontale avec les templates avancés désormais intégrés à ChatGPT, Claude ou Canva. Même Otter.ai, pionnier de la transcription et du résumé de réunions, subit la pression de Zoom, Google Meet et Microsoft Teams qui offrent désormais ces fonctions par défaut.
Pour beaucoup, l’issue la plus réaliste n’est pas la domination d’un marché mais l’acquihire, à savoir être rachetées pour intégrer leurs talents et leur expertise produit dans la roadmap d’un acteur majeur. Un destin qui, s’il garantit une sortie, acte aussi que la valeur principale n’était pas dans l’interface elle-même mais dans l’équipe capable de la concevoir.
L’alternative, plus exigeante mais plus pérenne, consiste à se spécialiser dans des verticales à forte barrière d’entrée. Les secteurs où la réglementation, la confidentialité ou la profondeur métier créent une inertie qui protège l’interface des copies rapides. Dans la santé, le juridique, la finance régulée, l’énergie ou la défense, la valeur ne réside pas seulement dans l’ergonomie mais dans l’intégration d’expertises, de protocoles et de données qu’un acteur généraliste ne peut pas absorber aussi vite. C’est dans ces niches que des startups peuvent construire une proposition défendable, en devenant non pas un simple “skin” d’IA, mais un outil certifié, intégré et indispensable à un métier.
Dans cette équation, l’UX n’est pas un champ libre, les géants de l’IA y laissent volontairement planer un parfum de conservatisme, héritage du skeuomorphisme, tout en sachant qu’ils peuvent s’approprier à tout moment une innovation validée par le marché, ce qui laisse peu de place pour des startups qui veulent se positionner sur l’expérience.
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