Comment l’AgTech répond aux défis de l’agriculture
L’agriculture mondiale doit augmenter la production alimentaire de 70% pour nourrir 2,3 milliards de personnes de plus d’ici à 2050, intensifier la lutte contre la pauvreté et la faim, utiliser plus efficacement les ressources naturelles qui s’amenuisent et s’adapter au changement climatique, préviennent les Nations Unies. Et d’un autre côté, les agriculteurs, en France notamment, doivent aussi pouvoir vivre plus décemment de leur métier.
L’AgTech pourrait répondre à certains de ces défis grâce à des évolutions technologiques dans le domaine des équipements (robots, drones, capteurs…) et dans celui des logiciels informatiques (cloud, IA, big data…). «La finalité est d’aboutir à une automatisation et à une robotisation des tâches les plus ingrates et chronophages de l’agriculteur, tout en collectant et en analysant une masse de données pour fournir des solutions d’aide à la décision pour piloter l’exploitation», résume le cabinet d’analyse Xerfi. Le Salon de l’agriculture qui se tient à Paris jusqu’au 3 mars est l’occasion de retrouver ici une sélection des sujets AgTech traités par FrenchWeb.
L’AgTech française peut-elle rivaliser à l’échelle internationale ?
Ces dernières années, l’Hexagone a assisté à l’émergence de jeunes pousses spécialisées dans les innovations agricoles (Miimosa, Agriconomie, Sencrop, Weenat, Perfarmer, La Ruche qui dit Oui…) pour dépoussiérer un secteur qui peine à suivre la cadence infernale imposée par les puissance agricoles comme les États-Unis, la Russie ou même le Brésil. Si le mouvement semble aller dans la bonne direction, l’AgTech française peine encore à peser sur la scène mondiale.
Selon le cabinet DigitalFoodLab, 227 millions d’euros auraient été investis dans les start-up françaises de l’AgTech et de la FoodTech lors de l’année 2018. Un montant qui permet à l’Hexagone de s’ériger en leader européen avec 2,6% investissements mondiaux du secteur. Cependant, un tel pourcentage paraît bien faible face aux États-Unis qui captent près de la moitié des investissements de l’AgTech mondiale. Celle-ci pèse désormais 10 milliards de dollars, bien loin des 185 millions de dollars en 2008.
Priorité à l’optimisation
Mieux acheter, mieux vendre, et trouver de nouvelles sources de financement. FrenchWeb a récemment reçu trois entrepreneurs AgTech venus parler de leur solution et surtout de la mutation du secteur.
Comment Perfarmer permet aux agriculteurs de ne plus subir la loi des marchés
Même si la volatilité des prix agricoles (blé, maïs, colza…) a toujours existé, l’instabilité de l’environnement économique n’a fait qu’accentuer le phénomène et donc plonger les agriculteurs dans une angoisse encore plus profonde.
Michel Barrousse, agriculteur dans le Gers, et Edgar Chaput, ancien salarié de Google et Lydia, ont décidé d’unir leurs compétences, agricoles pour le premier et technologiques pour le deuxième, pour créer Perfarmer. Derrière ce nom, dont l’ambition est claire, se cache une application mobile qui aide les agriculteurs à vendre leurs récoltes au bon prix.
Miimosa mise sur le crowdfunding pour épauler les agriculteurs
Soumis à une pression constante avec une concurrence à l’international qui s’est intensifiée au cours des dernières décennies, nombreux sont les agriculteurs à rencontrer des difficultés de financement pour moderniser leur exploitation ou diversifier leur activité.
Parmi les acteurs de l’AgTech française, Florian Breton a décidé de changer la donne il y a quatre ans. Petit-fils d’agriculteur, il a ainsi lancé en 2015 Miimosa, une plateforme de financement participatif dédiée à l’agriculture et à l’alimentation.
Agriconomie, la plateforme en ligne qui vise à permettre aux agriculteurs d’optimiser leurs achats
Le métier d’agriculteur, « c’est prendre les bonnes décisions au bon moment », selon Paolin Pascot, cofondateur et CEO d’Agriconomie.
Pour cela, justement, l’agriculteur peut s’appuyer aujourd’hui, rien qu’en France, sur une grande variété d’outils numériques et de nouvelles technologies proposés par différentes entreprises tout au long de la chaine de production. Certaines de ces start-up sont regroupées au sein de La Ferme Digitale, association qui regroupe aujourd’hui 29 entreprises issues du monde agricole. Présidée également par Paolin Pascot, l’association ambitionne d’accroître les performances économiques et environnementales des agriculteurs français via le numérique et les nouvelles technologies. En somme, ces nouveaux outils permettent à l’agriculteur « de prévoir plutôt que de subir », résume-t-il.
De son côté, Agriconomie qui revendique plus de 50 % d’agriculteurs français utilisateurs de son service et 10 % de clients, envisage d’apporter de nouvelles pierres à l’édifice en développant son offre d’optimisation des achats d’engrais, de semences, de pièces détachées et de nutrition animale. L’entreprise fondée en 2014 entend en outre renforcer son voler de services avec le développement d’outils d’aide à la décision. En 2019, l’entreprise forte aujourd’hui de 80 collaborateurs, devrait recruter environ 20 personnes et ainsi atteindre la barre des 100 employés.
Coup d’œil sur l’international
Partenariat entre Microsoft et le Français InVivo pour développer le numérique dans l’agroalimentaire
AFP– Le géant américain du logiciel Microsoft et le premier groupe agricole coopératif français InVivo ont conclu en janvier un partenariat pour développer le numérique et l’intelligence artificielle dans l’agriculture.
Thierry Blandinières, directeur général d’InVivon, espère que ce partenariat permettra de faire progresser l’agriculture dite « de précision», qui à l’aide d’outils connectés, comme les drones ou les stations météo, permet déjà de diminuer les pesticides, sans sacrifier les rendements ou la qualité des cultures.
L’Inria, établissement public spécialisé dans les sciences du numérique, doit également apporter sa contribution au projet. Avec un chiffre d’affaires de 5,5 milliards d’euros, le groupe InVivo, qui réunit 206 coopératives, emploie 10 200 collaborateurs dans 34 pays au sein de plusieurs activités: agriculture (Bioline), vin (InVivo Wine) et distribution et innovation (Food and Tech).
Comment Alibaba veut mettre l’agriculture à l’heure de l’intelligence artificielle
Alibaba Cloud, la filiale de cloud computing du géant chinois du e-commerce, a lancé en juin dernier son initiative ET Agricultural Brain. Le projet, déjà à l’oeuvre dans plusieurs fermes à travers le pays, utilise des technologies telles que la reconnaissance d’images, la reconnaissance vocale ou le machine-learning, afin d’optimiser les performances des exploitations.
Alibaba donne ainsi l’exemple de l’élevage porcin : le programme peut surveiller l’activité de chaque animal pour en déduire un plan d’alimentation personnalisé, suivre son état de santé général en détectant le bétail malade et évitant les accidents, réduire les erreurs humaines, ou observer l’environnement pour tendre vers la configuration optimale. Pour déployer sa technologie avec plus d’efficacité, Alibaba préfère fournir contre redevance sa plateforme logicielle aux sociétés agricoles et aux coopératives, qui se chargent ensuite de former les agriculteurs, plutôt que d’adresser directement à ces derniers.
Mais le groupe de Jack Ma n’est pas évidemment pas le seul à vouloir utiliser l’intelligence artificielle au service de l’agriculture. Drones, machines autonomes, capteurs, outils connectés… Les perspectives du smart farming sont infinies et suscitent l’intérêt marqué des investisseurs et des entreprises. Outre les startups dédiées, les éditeurs de plateformes SaaS comme Salesforce adressent aussi ce segment avec des offres spécifiques. Le marché de l’IA en matière d’agriculture, évalué à 520 millions de dollars en 2017, devrait croître de plus de 20% par an, pour atteindre 2,6 milliards de dollars, à horizon 2025, d’après Research and Markets.
Des fermes verticales pour nourrir New York (avec des salades high-tech)?
AFP– Les fermes verticales existent depuis longtemps, au Japon notamment. Mais elles ont bénéficié ces dernières années aux Etats-Unis d’importantes avancées technologiques, à commencer par les ampoules Led.
Leur amélioration a permis de réduire drastiquement la facture d’électricité. Mais pour pouvoir proposer d’importantes quantités à des prix abordables, Bowery, installée dans un entrepôt à Kearny, à quelques kilomètres de New York, s’est aussi appuyé sur les progrès de la robotique, de la vision par ordinateur ou de l’intelligence artificielle. C’est en combinant toutes ces découvertes « qu’on réfléchit vraiment à ce à quoi l’agriculture va ressembler dans les cent prochaines années », affirme Irving Fain, CEO et fondateur.
Il peut en tout cas compter sur le soutien des richissimes stars de la tech : Bowery Farming a déjà levé plus de 120 millions de dollars auprès notamment de Google Ventures et du patron d’Uber, Dara Khosrowshahi. D’autres projets foisonnent dans le pays. Depuis la Silicon Valley, Plenty a récolté plus de 200 millions de dollars auprès, entre autres, du fonds japonais Softbank et de Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon. Et Crop One ambitionne de construire, à Dubai, une ferme verticale à 40 millions de dollars.
Balderton Capital injecte 25 millions de dollars dans les fermes verticales urbaines d’Infarm
La start-up berlinoise Infarm, qui installe des fermes verticales dans des lieux urbains, a bouclé un tour de table de 25 millions de dollars mené par le fonds londonien Balderton Capital début février.
Celle-ci porte 35 millions de dollars le montant total levé par la société depuis sa création, dont une subvention de 2,5 millions de dollars de la Commission européenne dans le cadre du programme Horizon 2020, doté de 79 milliards d’euros pour la période 2014-2020 et dédié à la recherche ainsi qu’à l’innovation dans l’Union européenne.La start-up propose la conception, la construction et la commercialisation de fermes verticales dans des lieux urbains, comme des supermarchés, des centres commerciaux, des écoles, des hôtels ou encore des restaurants. Dans ce cadre, la société s’est notamment associée à la chaîne de supermarchés Metro.
Pour que le rendement des cultures soit au rendez-vous, les plantes sont cultivées en hydroponie (culture, dont les racines des plantes reposent dans un milieu reconstitué détaché du sol, via l’eau et la lumière) sur une faible couche d’eau et enrichies d’engrais naturels et d’oxygène. Afin de reproduire la lumière naturelle tout en respectant l’environnement, les plantes sont éclairées par des lumières LED.
Pour aller plus loin
[PODCAST] Santé, alimentaire et lobbying de l’industrie
Par Grégory Pouy, expert FrenchWeb
Bien manger aujourd’hui, c’est devenu un combat, nous voulons tous prendre soin de notre santé par l’alimentaire. Isabelle Saporta est une journaliste mais aussi une auteure spécialisée sur l’industrie agro-alimentaire et sur le bien manger donc.
Elle a écrit le livre noir de l’agriculture, vino business ou encore «du courage » et a été à l’école de Jean Pierre Coffe qui l’a mis sous son aile très tôt. Le moins que l’on puisse dire est qu’Isabelle n’a pas sa langue dans sa poche et c’est tant mieux car le sujet de la nourriture nous préoccupe tous.
D’ailleurs, c’est pour cela que j’ai voulu la recevoir.
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